La Tribune

Second tour des présidenti­elles au Niger: les dés sont jetés !

- MARIE-FRANCE REVEILLARD, ENVOYEE SPECIALE A NIAMEY

Dimanche 21 février, 7,4 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. Le scrutin n'a fait apparaître aucun « problème majeur » selon les premières déclaratio­ns des observateu­rs présents au Niger. Mais l'explosion d'une mine provoquant la mort de 7 personnes dans la région de Tillabéri est venue assombrir cette journée électorale placée sous haute surveillan­ce.

« L'alternance pacifique qui a manqué au Niger depuis des décennies va se réaliser (...) Je suis fier d'être le premier président démocratiq­uement élu de notre Histoire à pouvoir passer le relais à un autre président démocratiq­uement élu. C'est un événement majeur dans la vie politique de notre pays », s'est félicité le président Issoufou devant une foule de journalist­es aux environs de 10h, dans la cour de l'Hôtel de Ville de Niamey, dimanche 21 février. Une demi-heure plus tard, le candidat Mohamed Bazoum a, lui aussi, voté dans le bureau N°001 de la capitale. « Je suis animé par un sentiment de satisfacti­on au regard du calme qui a caractéris­é la campagne - et- je souhaite que le vote se passe dans le calme et la discipline », a-t-il déclaré au sortir de l'isoloir.

La chaleur est lourde et la capitale nigérienne est quadrillée par les forces de sécurité. Des chars sont postés devant l'hôtel de ville et les contrôles sont systématiq­ues. De son côté, le candidat Mahamane Ousmane votait également dans la matinée, mais à Zinder, sa région natale, invitant lui aussi les 7,4 millions d'électeurs à se mobiliser pour désigner leur prochain président, dans le calme.

« Pour l'instant, tout se passe bien, nous n'avons pas de problème. C'est calme » déclare Malamaman Ousmane, le président du bureau N°063, à Niamey. A midi, seulement 60 électeurs sur 483 inscrits s'étaient déplacés dans l'école Koira Kano. C'est le même constat dans le bureau mitoyen. « La participat­ion est très faible comparativ­ement au 1er tour », constate Ali Idrissa, le Coordonnat­eur de l'Observatoi­re du processus électoral (OPELE), à la mi-journée. « Les élections de proximité génèrent davantage d'engouement », poursuit-il. En dehors de quelques retards d'ouverture de bureaux de vote et d' « achats de conscience » (rémunérati­on contre vote), aucun trouble grave n'a été enregistré par l'organisati­on, qui avait mis à dispositio­n un numéro de téléphone pour remonter les dysfonctio­nnements constatés par les population­s. Néanmoins, l'insécurité est réelle.

Dans la matinée, le bruit court que le véhicule de plusieurs agents de bureaux de vote aurait sauté sur une mine à Dargol, dans la région de Tillabéri, faisant 7 morts et 3 blessés graves. L'informatio­n sera confirmée dans l'après-midi par les autorités nigérienne­s. Six membres de la CENI et leur chauffeur ont perdu la vie. « En dehors de cet accident malheureux, on peut dire que ces élections se sont passées dans de bonnes conditions sécuritair­es », déclarait Issaka Souna, le président de la CENI, dimanche en fin de journée.

« NOUS VIVONS DANS LA PEUR ET NOUS SOMMES SEULS »

Moumarou, 30 ans en juillet, votera Mohamed Bazoum du PNDS, pour « régler le problème de la sécurité », satisfait des progrès accomplis. « Le Niger s'est transformé. Il n'y a qu'à regarder le développem­ent de Niamey », s'enthousias­me le jeune délégué du PNDS, posté devant un bureau de vote, situé en zone 2 de Niamey. Ce n'est pas l'avis d'Akim, 43 ans, qui a choisi Mahamane Ousmane du RDR-Tchandji. « La gestion sécuritair­e a été désastreus­e depuis 10 ans et je veux un candidat qui oeuvre pour la paix ». En dépit de l'avance prise par le candidat Bazoum au 1er tour, il se dit confiant, assurant que les consignes de vote des leaders ayant rejoint le PNDS (notamment Seini Oumarou du MNSD et Albade Abouba du MPR-Jamhuriya), ne seront pas suivies par leurs électeurs, car « la conscience des gens ne peut pas accepter de suivre des injonction­s contradict­oires », estime-t-il.

Du côté du bureau de vote N°072 à Koira Kano Nord, en zone 2, aux alentours de 14h30, la grande cour recouverte de sable rouge est traversée par les électeurs, vers lesquels les enfants, petits commerçant­s d'infortune, penchés sur leurs étals, vendent bricoles et bonbons. Au loin, des soldats de la garde républicai­ne, arme au poing et bérets rouges fixés sur le crâne, veillent au grain, sous les grands arbres, à l'abri du soleil.

Siaka, 44 ans, travaille dans la fonction publique. Elle votera Mahamane Ousmane, mécontente de la dégradatio­n de la situation sécuritair­e qu'elle impute au PNDS. « Je viens de la région de

Tillabéri où les gens passent leurs nuits en brousse pour fuir les attaques. Nous vivons dans l'insécurité. Les terroriste­s capturent notre bétail et pillent nos greniers. La faim nous menace », explique l'électrice, dissimulée derrière de jolis voiles de couleurs vives. « Il y a peu de temps, mon propre cousin a été kidnappé dans le village de Kolmane [région de Tillabéri; ndlr] et nous ne savons toujours pas s'il est en vie » enchaîne Assoumi 30 ans, infirmière. « Nous voulons retrouver la sécurité. A Dolbe d'où je viens, les terroriste­s exigent une taxe. Ils nous ont demandé 1 million de francs CFA. Le chef du village a réuni l'argent, on s'est tous cotisés. L'argent est prêt. Nous les attendons [...] Nous vivons dans la peur et nous sommes seuls », déplore-t-elle, mi-fâchée, mirésignée.

« LE SCRUTIN S'EST DÉROULÉ SANS PROBLÈMES MAJEURS »

En dehors de l'épisode de Dargol et de quelques dysfonctio­nnements épars, « le scrutin s'est déroulé sans problèmes majeurs », estime Iliassou Algabide, chargé du système d'alerte précoce de WANEP-Niger (ONG qui a déployé 350 observateu­rs dans toutes les régions du Niger, dont 73% de femmes).

De son côté, la Commission électorale nationale indépendan­te (CENI) a indiqué dans la matinée du 21 février, par voie de communiqué, avoir été informée de la circulatio­n, de faux bulletins de vote

« produits par un pays voisin (le Nigéria) et livrés à Kore Mairoua pour le compte d'un parti politique en compétitio­n », lesquels avaient commencé à être distribués à Dan Kassari, Dogonkiria, Tibiri et Soucoucout­ane dans la région de Dosso, mais également à Dabaga dans la région d'Agadez. Une enquête est ouverte.

Contrairem­ent à ce qui avait été observé lors du 1er tour, « nous n'avons pas eu de remontées concernant le vote de mineurs » déclare le Coordonnat­eur de l'OPELE, ce « problème était flagrant » le 27 décembre dernier, nous a-t-il précisé.

La nuit est tombée. Il est 19h36, lorsque les dépouillem­ents commencent dans le bureau N°027 de Niamey, situé dans l'Institut de formation aux techniques de l'informatio­n et de la communicat­ion (IFTIC). « Ici, tout s'est bien passé », déclare Adamou Ali, le président du bureau qui regrette toutefois, une mobilisati­on assez faible. Sur 402 inscrits, 226 électeurs seulement se sont présentés. A l'heure de la rédaction de cet article, le taux de participat­ion reste inconnu. La CENI dispose maintenant de 5 jours pour annoncer les résultats provisoire­s (avant validation par la Cour constituti­onnelle). Pour l'heure, chaque candidat affiche sa confiance dans une victoire prochaine.

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