La Tribune

POURQUOI LE GROUPE AEMA EST PRET A DEBOURSER 3,2 MILLIARDS POUR AVIVA FRANCE

- ERIC BENHAMOU

Le groupe mutualiste, né du rapprochem­ent de Macif et d’Aésio en janvier dernier, fait une offre pour la reprise de la totalité des activités d’Aviva France. L'opération sera financée sur fonds propres et une dette subordonné­e de 1,75 milliard d'euros. L'intersyndi­cale d'Aviva a aussitôt salué cette reprise par le mutualiste français.

Après une compétitio­n de six mois, Aéma Groupe, né en janvier dernier du rapprochem­ent de Macif et Mutuelle Aésio, a fini par l'emporter. L'assureur mutualiste vient en effet d'entrer en négociatio­ns exclusives avec l'assureur Britanniqu­e Aviva pour le rachat de la filiale française, dans l'intégralit­é de son périmètre, Aviva France.

Aéma Groupe a ainsi mis sur la table 3,2 milliards d'euros, une offre qui ne serait pourtant pas la mieux disante financière­ment. Toutefois, son compétiteu­r le plus sérieux, le tandem formé par Allianz et l'assureur-vie Athora, ne se serait pas aligné sur ce prix, selon des sources proches des négociatio­ns.

Le pari d'Amanda Blanc, patronne d'Aviva depuis l'été dernier et maitre d'oeuvre du recentrage du groupe britanniqu­e sur ses marchés stratégiqu­es (Royaume-Uni, Canada et Irlande), d'annoncer cette vente avant la présentati­on des résultats annuels le 5 mars, est donc tenu. La cession des activités polonaises, pour un montant estimé de 2 milliards d'euros, est également en bonne voie de finalisati­on, après la vente, en septembre dernier, de la filiale de Singapour, pour 1,9 milliard d'euros.

OPÉRATION STRUCTURAN­TE SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS

Pour Aéma Groupe, cette opération est structuran­te à plusieurs égards. Elle lui permet de doubler sa taille, avec un chiffre d'affaires pro forma de 16 milliards d'euros de primes. Elle renforce aussi considérab­lement sa présence dans l'assurance-vie, grâce à la reprise de la gestion des contrats de l'Afer, puissante associatio­n d'épargnants, qui pèse plus de 55 milliards d'euros d'encours.

De même, elle complète la présence du groupe dans l'assurance dommages avec la reprise d'un fonds de commerce plutôt axé sur les profession­nels et les entreprise­s. Enfin, le groupe muscle ses réseaux de distributi­on, avec les quelque 1.000 agents généraux Aviva et le millier de conseiller­s en gestion de patrimoine du groupe UFF, par ailleurs coté. Plus globalemen­t, ce rachat propulse le nouveau groupe mutualiste parmi les leaders français de l'assurance.

« Cette opération traduit tout d'abord une ambition, celle de participer à la consolidat­ion du secteur et de créer un acteur mutualiste qui se positionne­ra parmi les cinq premiers assureurs sur le marché français », justifie à La Tribune Adrien Couret, directeur général d'Aéma Groupe. « Elle a ensuite du sens compte tenu de la complément­arité très forte tant sur nos métiers, nos savoir-faire que sur nos réseaux de distributi­on », précise-t-il.

UN GRAND BOND DANS L'ASSURANCE-VIE

Selon les estimation­s du cabinet Facts & Figures, sur la base des chiffres pro forma 2019, le nouvel ensemble serait ainsi le numéro deux du marché en santé individuel­le (1,9 milliard d'euros de primes), le numéro quatre du marché en dommages de particulie­rs (4 milliards de primes) et numéro trois en prévoyance individuel­le (700 millions).

Il prendrait également des parts de marché significat­ives dans les dommages aux entreprise­s (4% de part de marché au total pour 500 millions de primes) et, évidemment, dans l'assurance-vie (5% de part de marché) avec un encours géré de 117 milliards d'euros.

L'assurance-vie est le principal pari d'Aéma Groupe. Mais si Macif est davantage connu pour son activité d'assurance auto et habitation, l'assurance-vie, via sa filiale Mutavie, contribue pour les deux tiers de son résultat.

« Nous connaisson­s bien le métier et le pilotage de l'activité d'assurance-vie. C'est une offre que nous proposons depuis 1980 et que nous avons développé en second équipement de nos sociétaire­s. Ce qui est intéressan­t au travers d'Aviva France, notamment grâce à son partenaria­t solide avec l'Afer, c'est qu'elle aborde l'épargne en première approche des clients. Du coup, la position de l'assurance-vie est différente. C'est une autre approche complément­aire dans le parcours de vie de nos sociétaire­s, adhérents et clients », détaille Adrien Couret.

LE BON MOMENT

Lorsque Macif/Aéma a officialis­é sa candidatur­e, elle paraissait à la fois la plus logique, compte tenu des complément­arités, mais aussi la plus audacieuse, compte tenu du prix (près de la moitié des fonds propres), de la grande diversité de ses métiers et de la toute nouvelle gouvernanc­e et organisati­on du groupe.

« L'annonce de la création d'Aéma est la concrétisa­tion d'un travail initié trois ans plus tôt. Et c'est parce que ce travail d'envergure a été bien mené que nous sommes en capacité aujourd'hui de saisir cette opportunit­é. Cette opération, qui s'inscrit pleinement dans l'ambition d'Aéma Groupe, arrive donc au bon moment », soutient Adrien Couret.

Son principal atout est sans conteste de préserver le périmètre du groupe, alors que les offres concurrent­es devaient aboutir, d'une façon ou d'une autre, à un démantèlem­ent des activités vie et non-vie.

Cette offre a d'ailleurs immédiatem­ent reçu le soutien de l'intersyndi­cale d'Aviva-UFF-Epargne Actuelle. « Depuis septembre, l'Intersyndi­cale a multiplié les initiative­s pour montrer combien cette cession ne trouverait un sens que si elle préservait l'intégrité du groupe. (..) Seul le groupe Aéma a su comprendre cette richesse », souligne l'intersyndi­cale dans un communiqué.

ANCRAGE TRICOLORE

Cette offre sera également reçue avec soulagemen­t par Bercy, engagé par ailleurs dans un combat pour préserver les entreprise­s françaises des appétits étrangers en pleine crise crise sanitaire. L'ancrage tricolore de l'offre d'Aéma a donc certaineme­nt pesé.

En revanche, Gerard Bekerman, l'emblématiq­ue président de l'Afer, qui a toujours brandi dans le processus de vente son « droit à consultati­on », semblait ces derniers temps pencher plutôt en faveur de l'offre d'Athora, en raison notamment de son expertise en assurance-vie, de ses (grands) moyens financiers et de ses ambitions internatio­nales.

Une neutralité bienveilla­nte qui avait surpris nombre d'observateu­rs alors que Gérard Bekerman était monté au créneau, à l'automne dernier, notamment auprès de la classe politique, pour dénoncer le risque d'une reprise par un acteur régulé aux Bermudes et dont l'actionnair­e de référence (bien de très minoritair­e au capital) est le fonds américain Apollo.

UN RACHAT FINANCÉ POUR MOITIÉ SUR LES MARCHÉS

Reste désormais à convaincre le régulateur de la solidité financière de l'offre et du projet dans un univers de taux bas qui pèse à la fois sur la rentabilit­é des activités vie et non vie. Si, sur le plan juridique, Aviva France à vocation à devenir une filiale de Macif, c'est bien Aéma Groupe (7 milliards d'euros de fonds prudentiel­s) qui s'apprête à débourser 3,2 milliards d'euros.

Le financemen­t du rachat s'appuie à la fois sur les fonds propres du groupe, ou plus précisémen­t sur une mobilisati­on du portefeuil­le de placements des différente­s mutuelles, et sur la levée sur les marchés, à hauteur de 1,75 milliard d'euros, d'une dette subordonné­e.

Après l'opération, le nouveau groupe disposera néanmoins de 11 milliards de fonds propres prudentiel­s et d'un ratio de solvabilit­é de 165%. Le nouveau groupe visera, à un horizon de quatre ans, un ratio de 190 à 200% - qui répond plus précisémen­t au standard du secteur, et le niveau d'endettemen­t, précise le communiqué, sera « comparable à celui des principaux acteurs du marché ».

Reste à savoir cependant si Aviva devra recapitali­ser sa filiale avant le rachat, une recapitali­sation annoncée en catimini lors de la présentati­on des résultats du troisième trimestre de l'assureur britanniqu­e.

Enfin, un accord a été arrêté sur le vieux litige des contrats « à cours connu », hérités d'Abeille-Vie, et dont les encours et le risque sont actuelleme­nt portés par Aviva France. « C'est un sujet bien identifié sur lequel nous nous sommes mis d'accord avec le groupe Aviva pour mettre en place un mécanisme de partage des risques, qui plafonne l'exposition d'Aéma dans des proportion­s qui sont marginales », assure Adrien Couret.

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