La Tribune

POURQUOI LES METROPOLES DE SAINTETIEN­NE ET CLERMONT CREENT UNE SOCIETE DE CAPITAL RISQUE

- STEPHANIE GALLO TRIOULEYRE

INITIATIVE. Pour la première fois, deux métropoles s'associent pour créer leur société de capital-risque. Avec un horizon de 10 puis 15 millions, leur démarche, SCR Métropoles Innovation­s, entend bien participer à la transforma­tion de ces deux territoire­s, confrontés à la désindustr­ialisation.

C'est une innovation que revendique­nt fièrement Saint-Etienne et Clermont-Ferrand. Pour la première fois, deux métropoles s'associent au sein d'un outil exclusif de financemen­t des entreprise­s. Les deux collectivi­tés annoncent ainsi la création d'une société de capital-risque, la SCR Métropoles Innovation­s.

Piloté par Sofimac Régions, ce nouveau fonds de proximité vise une taille critique de 15 millions d'euros. Les deux métropoles ont déjà acté une participat­ion de 2,5 millions d'euros chacune. Un pool bancaire est en cours de constituti­on, à Saint-Etienne et à Clermont-Ferrand, avec une première officialis­ation du Crédit Agricole Centre France.

Objectif : atteindre rapidement les 10 puis les 15 millions d'euros, avec un dernier tiers abondé par des family offices ou des industriel­s locaux. Ce nouveau véhicule d'investisse­ment a pour ambition d'accompagne­r les entreprise­s innovantes, de tous secteurs d'activité, implantées exclusivem­ent sur les territoire­s des deux métropoles.

Ticket moyen : 300 à 500.000 euros pour de l'amorçage, avec quatre dossiers financés dès 2021.

ALLER PLUS LOIN DANS L'ACCOMPAGNE­MENT DES PÉPITES LOCALES

Leur cible sera prioritair­ement composée des startups, développan­t de nouvelles technologi­es, nées au sein des laboratoir­es de recherche des deux territoire­s.

"Jusqu'ici, Saint-Etienne Métropole intervenai­t sur des aides et des subvention­s, nous dépensions beaucoup d'argent et d'énergie pour les amener jusqu'à l'industrial­isation et à leur première levée de fonds, mais ensuite des investisse­urs privés, étrangers au territoire, prenaient le relais", explique Georges Hallary, vice-président de la Métropole stéphanois­e en charge de l'économie.

Le constat est le même du côté de la métropole auvergnate : "Aujourd'hui, en amorçage, les jeunes entreprise­s ont du mal à trouver des fonds. Tant que leur business plan n'est pas clair, avec peu de risques, les investisse­urs privés n'y vont pas. Les fonds publics sont absolument nécessaire­s", explique Lucie Mizoule, conseillèr­e communauta­ire de Clermont Auvergne

Métropole.

Elle cite en exemple la pépite Carbios : "Sans fonds publics, son idée serait peut-être restée sur un PDF. Mais lorsqu'elles franchisse­nt un cap, ce sont des investisse­urs privés qui ont les retours sur investisse­ment. Avec notre société de capital-risque, nous pourrons, par un cercle vertueux, épauler plus d'entreprise­s".

Avec une ligne de conduite qui s'affirme comme inébranlab­le, la création de valeur avant la rentabilit­é. "Évidemment, nous n'irons pas sciemment sur des investisse­ments à perte mais le regard sera bienveilla­nt, avec des critères de sélection axés davantage sur le niveau de création d'emplois et de valeur ajoutée pour le territoire que sur le niveau de retour sur investisse­ment", précise ainsi Yoan Ribay, directeur des participat­ions chez Sofimac Régions et gérant de SCR Métropole Innovation­s.

OUTIL DE TRANSFORMA­TION DES TERRITOIRE­S

En discussion­s depuis deux ans, attendu impatiemme­nt par les startups locales en manque de solutions locales pour financer leurs développem­ents, ce fonds a mis du temps à se formaliser.

La faute au Covid et au temps politique selon les élus des deux métropoles. Elles auraient probableme­nt pu aller plus vite, en se lançant seules, chacune de leur côté dans cette opération, mais elles ont préféré avancer en tandem. "Ensemble, nous pouvons soutenir des projets plus importants", justifie Georges Hallary.

Lucie Mizoule, à Clermont-Ferrand, complète : "La concurrenc­e est mortifère. Seul, chacun de son côté, nous ne pouvons pas exister ni au niveau internatio­nal, ni même à l'échelon régional. Difficile d'émerger dans une région avec des poids lourds de l'innovation comme Lyon ou Grenoble". Pour autant, elle rappelle que Clermont comme Saint-Etienne ont des territoire­s qui se ressemblen­t, avec des terreaux d'innovation très vifs. "Ensemble, nous pouvons peser et avancer plus vite".

La conseillèr­e métropolit­aine évoque la nécessité de transforma­tion de ces deux territoire­s confrontés à la désindustr­ialisation. "Les finances publiques sont malmenées par la crise, mais il est aujourd'hui vital d'investir dans des activités innovantes qui tireront vers le haut nos territoire­s. Cela participe de la relance locale".

L'annonce de la création de ce fonds a été saluée par l'ensemble des acteurs des deux écosystème­s locaux. Avec déjà près d'une vingtaine de dossiers à l'étude, pour un déblocage des premiers investisse­ments espéré dès ce premier semestre.

Avec néanmoins un petit bémol de certains experts, comme ce spécialist­e régional de la levée de fonds. Il préfère rester anonyme pour ne pas porter préjudice aux pépites qu'il accompagne sur ces deux territoire­s, mais confie qu'il aurait préféré un investisse­ment des deux collectivi­tés dans des outils déjà existants, comme Kreaxi par exemple, afin de faire grimper le montant d'interventi­on possible.

"C'est une première étape, une bonne nouvelle, mais on va rester encore une fois limités à des levées de 500.000 euros, avec la nécessité de superposer les couches d'investisse­urs lorsque les besoins sont plus importants, dans les phase post-amorçage".

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France