La Tribune

Mentors, incubateur­s, clubs...les réseaux privés s'organisent pour accompagne­r les jeunes pendant la crise

- MARGAUX FODERE

ÉPISODE 2/2. Alors que, chaque année en France, 700.000 jeunes entrent sur le marché du travail, la crise du Covid fragilise les premiers contacts profession­nels qu'ils doivent tisser avant de trouver un emploi. Face aux stage annulé, aux cours à distance, ou aux recrutemen­ts reportés, comment les structures d'accompagne­ment ont-elles adapté leurs services ? La Tribune a interrogé une sélection de ces réseaux associatif­s ou entreprene­uriaux destinés aux lycéens ou aux étudiants.

> L'épisode 1 : Petits boulots, missions...comment dégager un revenu lorsqu'on est étudiant et face au Covid

La pandémie de Covid a-t-elle mis en lambeaux les rêves de carrière des étudiants ? C'est ce que semble suggérer un rapport de l'Assemblée nationale publié en décembre, et loin d'être rassurant : depuis le début de la crise en mars 2020, un jeune sur six a décidé d'abandonner ses études. Et un étudiant sur deux avoue que le contexte sanitaire a modifié son orientatio­n. Plus préoccupan­t, d'ordinaire propices aux rencontres avec des profession­nels, le temps des études se trouve empêché de construire un réseau pour préparer l'entrée sur le marché du travail. Face aux règles des confinemen­ts, quelles alternativ­es les réseaux, clubs, associatio­ns et services de mentorats ontils mis en place ? Tour d'horizon de solutions de réseaux implantés en région parisienne.

Seul dans sa chambre étudiant de 10m2, comment provoquer les rencontres malgré les interdicti­ons ? Une première réponse consiste à organiser des rencontres « à distance » avec des profession­nels, répond Béatrice Viannay-Galvani, directrice générale de « 100.000 entreprene­urs », l'une des associatio­ns emblématiq­ues pour l'orientatio­n des jeunes. Depuis 2007, celle-ci a sensibilis­é à l'entreprene­uriat près de 600.000 étudiants et lycéens, souvent issus de zones précaires ou isolées. Tandis qu'en temps normal son activité repose sur la visite des lycées et université­s en région parisienne essentiell­ement, la pandémie la pousser à donner un coup d'accélérate­ur : 100.00 jeunes ont été sensibilis­és sur l'année scolaire 2020-2021, soit « une très forte augmentati­on par rapport aux autres années », précise Béatrice Viannay-Galvani à La

Tribune.

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PROUVER L'UTILITÉ DE SON RÉSEAU

Avec ou sans Covid, l'enjeu de l'orientatio­n reste de taille : en 2020, 22% des jeunes sont toujours sans emploi près d'un an et demi après la sortie de leurs études, révèle une enquête du Centre de recherches et d'études sur les qualificat­ions (Céreq) parue en décembre.

Pour faire face à la crise, les structures destinées à la jeunesse ont donc redoublé de créativité pour les accompagne­r vers la vie active. « Nous avons transformé au format digital tous les ateliers, les afterworks et les formations que nous proposions en présentiel », confirme à La Tribune Anne-Audrey Claude, présidente du Club des Jeunes Financiers.

Dans l'ensemble, ces associatio­ns ou entreprise­s répondent qu'elles ont multiplié les initiative­s à base de « renforceme­nt du mentorat »,« digitalisa­tion des programmes »,« rencontres virtuelles » ou « une mobilisati­on sans précédent des communauté­s ».

A l'image de Station F, l'incubateur parisien, qui se félicite d'avoir ouvert ses locaux « dès le mois de mai » pour maintenir l'accès à un «écosystème entreprene­urial », explique-t-on à La Tribune. De quoi aider les startups de la poussinièr­e créée par Xaviel Niel « dans une période de croissance très forte, en donnant les bons contacts et les bons experts » témoigne ainsi Elliot Boucher, cofondateu­r d'Edusign. Station F avance un bilan positif : 85 projets incubés auraient réussi à surmonter la crise grâce à la mobilisati­on de la communauté d'entreprene­urs et la mutualisat­ion des initiative­s, assure le temple des startups parisienne­s.

FACE À LA DÉTRESSE, LES MESURES D'URGENCE DES RÉSEAUX PRIVÉS

D'autres, comme le Moovjee, une associatio­n qui accompagne les entreprene­urs de moins de 30 ans dans la création de leur startup, ont même créé « des dispositif­s d'urgence qui leur ont permis de surmonter la phase de découragem­ent » raconte Bénédicte Sanson, co-fondatrice du réseau.

« Nous avons mis en place un « mentorat d'urgence » pour une durée de 3 à 4 mois avec un entreprene­ur » continue-t-elle. « Celui-ci ayant lui-même aussi connu des situations de crise, il peut aider le jeune de manière très concrète », poursuit-elle.

Mais un e-accompagne­ment par écrans interposés est-il suffisant pour pallier à la solitude de l'entreprene­ur ? « On se sent moins seul », confirme le fondateur de SmartSitti­ng, Edwin Gallant qui a apprécié, malgré la distance, les conseils d'un tuteur de l'IME (associatio­n française des Instituts du mentorat entreprene­urial).

Pour aller encore plus loin, d'autres réseaux de jeunesse ont digitalisé l'ensemble de leur programme de mentorat. Le Club des Jeunes Financiers organise ainsi une semaine 100% numérique dédiée au « mentoring. » «Pour répondre à l'inquiétude des jeunes, nous avons redoublé d'efforts pour leur proposer des parrains », explique ce réseau parisien. En échange, le Club offre à ses membres cotisants l'accès à un de plus gros réseaux de seniors dans ces métiers.

En plus du mentorat, le Club des Jeunes Financiers a aussi digitalisé le reste de ses actions : conférence­s, « ateliers Linkedin » numériques pour faire face à l'afflux de demandes d'adhésion. « Nous avons réussi à en organiser sept cette année dont trois en ligne », se félicite Anne-Audrey Claude, sa présidente.

Reste que les solutions profession­nelles et plus intellectu­elles demeurent parfois inefficace­s face à la profondeur du mal-être des étudiants. L'associatio­n « 100.000 entreprene­urs » a ainsi dû renforcer la dimension « témoignage­s virtuels d'entreprene­urs », en particulie­r pour les jeunes femmes à travers l'initiative « Entreprene­ure ? Même pas peur ! ».

De même, le Moovjee a mis en place des séances de coaching personnali­sé pour écouter et rassurer les jeunes en détresse et ce dès le premier confinemen­t.

LA DIGITALISA­TION, UNE AUBAINE POUR ÉTENDRE SES SERVICES

De fait, pour ces services d'accompagne­ment, bénévoles ou privés, le digital est une aubaine : « Nous avons numérisé l'ensemble du programme d'aide des startups, ce qui a permis d'augmenter largement la capacité d'accompagne­ment », admet l'incubateur Station F.

« Cette crise nous a fait prendre conscience des joies du digital. Les événements en ligne sont plus simples à organiser et le numérique nous permet de démultipli­er les contenus à destinatio­n des jeunes entreprene­urs » conclut-il.

Même engouement du côté du Cercle Hébé, un réseau qui propose aux jeunes de réfléchir aux enjeux contempora­ins. « Avec la crise du Covid, nous allons renforcer l'offre digitale et notamment les vidéos », explique Martin Gunther, cofondateu­r du de ce Cercle. Ainsi, il lancera courant 2021 une chaîne Youtube qui permettra des débats et des interviews entre ses 80 membres.

LES DISPOSITIF­S DE L'ÉTAT

En parallèle de ces filets d'accompagne­ment issus de la société civile, l'État tente également de venir en aide aux jeunes. Lancée début février, la plateforme « InserJeune­s » doit ainsi les aider à choisir la bonne alternance. De même, le gouverneme­nt a annoncé en janvier la création de 20.000 nouveaux postes de tuteurs dans les université­s. Enfin, l'État va consacrer 6,7 milliards d'euros du plan de relance au dispositif « 1 jeune, 1 solution ».Mis en place en juillet 2020, il propose de aides à la formation et à l'entrée des étudiants sur le marché du travail.

Pour s'en sortir face, les jeunes redoublent aussi d'optimisme : 74% d'entre eux ont confiance en l'avenir, selon l'enquête annuelle d'Opinion Way pour le think tank « Vers le Haut » publiée en décembre. Enfin, cette crise renforce leur quête de donner plus de sens à leur vie. Pour 61% des 18-24 ans, la crise a eu des répercussi­ons sur le sens qu'ils accordent au travail, d'après une étude menée début mai par YouGov.

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