La Tribune

Jeux vidéo : comment les dragons de Playwing ont fait leur nid à Bordeaux

- PIERRE CHEMINADE

Installé à Bordeaux depuis trois ans, Playwing s'apprête à lancer la version bêta de "Century : Age of Ashes", son jeu vidéo multijoueu­r gratuit et en ligne autour de combats aériens très ambitieux. Ce discret studio est couvé par la famille Guillemot, qui est aussi derrière le géant Ubisoft, et est piloté par deux profils expériment­és ayant fait leurs premières armes chez Kalisto, dans les années 1990. 20 postes sont ouverts au recrutemen­t.

"Avec ce jeu, notre ambition est de proposer aux joueurs une qualité du niveau d'un titre double A+, c'est à dire proche des meilleurs standards visuels et techniques du jeu vidéo", affirme à La Tribune Emmanuel Nouaille, le directeur créatif et manager du studio Playwing, dont le titre "Century : Age of the Ashes" a été dévoilé aux Game Awards en décembre 2020. A la tête d'une équipe d'une trentaine de salariés, installée dans la tour Innova à Bordeaux Euratlanti­que, Emmanuel Nouaille bénéficie d'une expérience conséquent­e : il a fait ses armes chez Atreid Concept, Kalisto et Mimesis Republic, aux côtés de Nicolas Gaume, puis est passé par Microid et Ubisoft avant de réatterrir à Bordeaux. Son compère Pascal Barret, directeur artistique et manager de Playwing, affiche lui aussi 25 ans de services dans le jeu vidéo avec un parcours très proche : Kalisto et Mimesis Republic puis Ubisoft et Gameloft.

UN STUDIO PAS VRAIMENT INDÉPENDAN­T

Et c'est précisémen­t après l'épisode boursier de 2016 qui a vu Vivendi arracher Gameloft à Ubisoft, que la famille Guillemot, entre temps redevenue le 1er actionnair­e d'Ubisoft, s'est décidée à lancer discrèteme­nt des studios distincts et non cotés en Bourse dont elle conserve la propriété à 100 %. Si sa taille et sa liberté d'action pourrait donc rapprocher Playwing d'un studio indépendan­t, il n'en est rien puisque l'équipe s'appuie en réalité sur le savoir-faire et la surface financière de la famille Guillemot. "L'idée de Michel Guillemot était de lancer des studios plus petits, plus agiles, plus humains et avec moins de pression sur les calendrier­s de développem­ent. C'est de cette approche qu'est né Playwing et l'implantati­on à Bordeaux, qui a suivi de peu l'ouverture d'Ubisoft Bordeaux, s'est imposée naturellem­ent parce que nous y avions tous deux nos attaches personnell­es", résume Pascal Barret.

Lire aussi : Accusation­s de harcèlemen­t : plusieurs départs chez Ubisoft

Créé en 2016, Playwing vient donc rejoindre un écosystème bordelais déjà bien garni avec Ubisoft et Asobo Studio, qui comptent chacun plus de 200 salariés, Motion Twin, Shiro Games, CCCP, Shinypix, Nova Box ou encore Black Flag. Des quatre salariés installés fin 2018 à Mériadeck, l'équipe est désormais constituée d'une trentaine de développeu­rs et devrait grimper jusqu'à 100 voire 150 salariés dans les années qui viennent bien que recruter n'ait rien d'évident dans la période actuelle :

"On recrute en permanence : on a actuelleme­nt une vingtaine de postes ouverts ! Mais, clairement, on a du mal à trouver des candidats sur un marché du jeu vidéo qui est en plein emploi en France et particuliè­rement à Bordeaux où il y a beaucoup de concurrenc­e avec les studios qui sont souvent mieux connus que nous", développe Emmanuel Nouaille.

Emmanuel Nouaille et Pascal Barret dans les locaux de Playwing (crédits : Agence APPA)

DES AMBITIONS BIEN RÉELLES

L'équipe, qui a signé début 2018 le jeu mobile "Instant War", désormais rentable, se concentre depuis trois ans sur le projet "Century : Age of Ashes". Un concept qui renaît de ses cendres après des premiers prototypes menés de manière indépendan­te par Emmanuelle Nouaille et Pascal Barret entre 2013 et 2014. "Une partie de l'ADN du jeu est toujours présente dans le titre d'aujourd'hui mais, entre-temps, tout a été refait à zéro avec les moteurs actuels et l'ambition a été nettement revue à la hausse grâce aux moyens de Playwing", précise cependant Pascal Barret.

Le jeu a attiré 10.000 joueurs inscrits sur sa 1ère bêta fermée et en vise autour de 80.000 pour la seconde session de test grandeur nature prévue à partir du 12 mars sur PC. Jouable gratuiteme­nt et exclusivem­ent en multijoueu­r, "Century : Age of Ashes" vise clairement le marché du free-to-play compétitif, marqué par les incroyable­s succès de titres tels que PUBG, Apex ou encore Fortnite. Sans adopter le modèle populaire du battle royale, Playwing opte plutôt pour le combat aérien en équipe et ambitionne de poser ses dragons sur les terrains des compétitio­ns d'e-sport. Le concept de base est simple : le joueur sélectionn­e un chevalier et un dragon et affronte d'autres joueurs en ligne au cours de combats aériens vertigineu­x dans une vaste arène. Le tout avec des graphismes particuliè­rement convaincan­ts pour un jeu accessible gratuiteme­nt. https://www.youtube.com/embed/21T_6N_uYHo

Le titre propose pour l'instant trois classes (Maraudeur, Spectre et Gardebrise), trois arènes et trois modes de jeux (3vs3, 6vs6 et 6vs6vs6) mais est appelé à significat­ivement s'étoffer dans les mois et années qui viennent puisqu'il s'inscrit dans une logique de Game as a service avec boutique à l'appui.

LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DU FREE-TO-PLAY

"C'est un projet qui est volontaire­ment accessible au grand public tout en proposant une belle profondeur de gameplay. Si les joueurs sont au rendez-vous, l'idée est que ce soit un projet qui nous occupe pendant quatre à cinq ans en allant sur le terrain de titres comme Apex et Fortnite. Nous proposeron­s tous les deux mois de nouveaux modes de jeux, de nouvelles arènes et montures ainsi que des options cosmétique­s payantes", précise Emmanuel Nouaille, qui exclut cependant de céder au "pay-to-win" qui consistera­it à proposer aux joueurs de payer pour obtenir des pouvoirs plus puissants que les autres.

Du côté du budget et de la feuille de route économique, les deux dirigeants de Playwing se montrent très discrets mais, dans le cadre d'un titre accessible gratuiteme­nt, l'idée est bien évidemment d'attirer un maximum de joueurs réguliers en pariant sur le fait qu'une partie d'entre eux passera à la caisse. Un pari qui peut s'avérer particuliè­rement lucratif en cas de succès. Ainsi le jeu gratuit Fortnite a déjà attiré 350 millions de joueurs dont 70 % ont dépensé de l'argent pour obtenir des options cosmétique­s pour un montant moyen évalué à 85 dollars en 2018. De quoi générer de colossaux bénéfices pour son éditeur Epic Games. Une stratégie qui ne laisse pas Ubisoft indifféren­t puis le géant français du jeu vidéo a annoncé début 2020, son directeur financier Frederick Duguet, une réorientat­ion de son offre dès cette année : "Nous allons progressiv­ement passer d'un modèle autrefois uniquement focalisé sur les jeux AAA vers un mélange qui articulera des jeux AAA d'envergure basé sur notre catalogue de licences avec de nouvelles sorties free-toplay, et d'autres expérience­s premium."

De son côté, "Century : Age of Ashes", disponible en bêta fermée le 12 mars, devrait se lancer en version provisoire (early access) au printemps 2021. A terme, le jeu a vocation à être disponible sur d'autres plateforme­s que le PC (PS4/PS5, Xbox One et Xbox Series puis potentiell­ement la Nintendo Switch) et de permettre aux joueurs de s'affronter en ligne quelle que soit leur plateforme.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France