La Tribune

Niger: Mohamed Bazoum, déclaré vainqueur de la présidenti­elle avec 55,75% des voix

- MARIE-FRANCE REVEILLARD, ENVOYEE SPECIALE A NIAMEY

Le Niger a un nouveau président. Après deux mandats successifs, Mahamadou Issoufou quittera le pouvoir d'ici quelques semaines et c'est son dauphin, Mohamed Bazoum qui devrait lui succéder, après validation des résultats provisoire­s de la CENI, par la cour constituti­onnelle. Le candidat du PNDS a recueilli 55,75% des suffrages face à Mahamane Ousmane (44,25%).

C'est aux alentours de 17h30 que la Commission électorale nationale indépendan­te (CENI) a rendu son verdict au Palais des Congrès de Niamey, mardi 23 février 2021. « Les voix obtenues valides se répartisse­nt comme suit, entre les 2 candidats en compétitio­n pour ce second tour. Monsieur Mohamed Bazoum 2.501.459 voix soit 55,75%. Monsieur Mahamane Ousmane, 1.985.736 soit 44,25% » a déclaré Issaka Souna, le président de la Céni. Le taux de participat­ion relevé lors du second tour de cette élection présidenti­elle de dimanche 21 février 2021 s'établit à 62,91%, selon la CENI.

« La Commission électorale nationale indépendan­te a organisé ce second tour qui s'est déroulé dans l'ensemble dans la paix, la transparen­ce, la quiétude sociale, en dépit des difficulté­s sécuritair­es et sanitaires », s'est félicité le président de la CENI. Ce point de vue est loin d'être partagé par l'opposition.

Un peu plus tôt dans la journée, la coalition CAP 20-21 s'était réunie pour préparer la riposte, à l'occasion d'une conférence de presse qui s'est déroulée dans une ambiance survoltée. « Gardez votre calme et écoutez attentivem­ent le message de l'ensemble des partis qui soutiennen­t le candidat son Excellence Mahamane Ousmane », exhorte Falké Bacharou, le directeur de campagne de Mahamane Ousmane. Indiquant de « graves manquement­s observés dans le processus électoral », il a dénoncé « la substituti­on de PV issus des bureaux de vote par des PV préfabriqu­és, l'achat de conscience, le vol d'urnes, les menaces et intimidati­ons des électeurs, des agents électoraux », mais aussi les « braquages d'urnes ». Alors que Mahamane Ousmane est resté silencieux tout au long de la journée, ses alliés appelaient les militants à réagir. « Les résultats qui sont en cours de publicatio­n par la CENI, ne sont pas, dans beaucoup de cas, conformes, à l'expression de la volonté du peuple [...] je demande à tous les Nigériens, soucieux de la préservati­on des valeurs fondamenta­les de la République et de la démocratie, de se mobiliser comme un seul homme pour faire échec à ce hold-up électoral que Mahamadou Issoufou et son clan, sont en train de perpétrer contre la volonté du peuple nigérien souverain ».

A l'extérieur, quelques dizaines de militants s'étaient réunis, certains munis de bâtons et de râteaux, dans une ambiance électrique. A quelques kilomètres de là, des enfants parfois très jeunes marchent à pas cadencé, détruisant sur leur passage les affiches de Mohamed Bazoum. Jets de pierre et pneus brûlés jonchent le sol, dans un centre-ville traversé par les gaz lacrymogèn­es. L'armée est rapidement mobilisée pour contenir tout débordemen­t. A la nuit tombée, le calme règne et les principale­s artères de la ville sont désertées. La victoire est discrète et Mohamed Bazoum quitte rapidement son QG de campagne.

MOHAMED BAZOUM EN APPELLE À L'UNITÉ NATIONALE

« Je connais parfaiteme­nt mon pays. J'ai une grande connaissan­ce de l'Etat. Je me sens en état d'assumer cette fonction que le peuple a décidé de me confier. Je l'assumerai avec patriotism­e, loyauté et probité. Je serai un président de tous les Nigériens, sans distinctio­n aucune », a-t-il lancé devant ses supporters.

Après avoir salué ses alliés de circonstan­ce dans la course à la présidenti­elle, Mohamed Bazoum promet qu'il leur sera loyal. De sources bien informées, Seini Oumarou, le leader du MNSD, présent sur l'estrade aux côtés de Mohamed Bazoum devrait prendre le fauteuil de président de l'Assemblée nationale. Félicitant Mahamane Ousmane pour « le score remarquabl­e qu'il a réalisé » (ce dernier avait obtenu 16,99% des suffrages le 27 décembre 2020), Mohamed Bazoum a ajouté qu'il comptait sur sa « sagesse » pour instaurer les conditions d'un « nouveau climat entre le pouvoir et l'opposition -et- mettre fin aux tensions inutiles -pour se- donner la main sur l'essentiel, en ces temps de grands défis terroriste­s ». Le public exulte. « C'est la victoire de la démocratie aujourd'hui. Pour la première fois au Niger, un président démocratiq­uement élu décide de céder le pouvoir à un autre président démocratiq­uement élu. C'est vraiment inédit. C'est l'euphorie, nous sommes très heureux », confie Sofia Ekia, 30 ans, doctorante en Droit. « Il a déjà l'expérience du pouvoir et connaît tous les problèmes de ce pays. Il sera opérationn­el immédiatem­ent », poursuitel­le.

« Je suis un militant du parti Tarayya et le programme du président Bazoum m'a convaincu. Je suis artisan et il a promis de nous aider. En plus, il poursuivra la politique de Mahamadou Issoufou », explique Oumar Ibrahim Farouk dans un large sourire, venu expresséme­nt de la région de Tahoua, située à plus de 500 km de Niamey.

Sitôt sa déclaratio­n publique terminée, Mohamed Bazoum a indiqué à la presse qu'il n'était pas surpris de la réaction d'une partie hostile de l'opposition, tout en réitérant ses félicitati­ons à Mahamane Ousmane, appelant l'ancien président du Niger à regarder dans une même direction pour créer « les conditions d'une grande détente -et pour- faire face aux grands défis auxquels -le- pays est confronté ».

UNE VICTOIRE SANS GRANDE MESSE POPULAIRE

Dans la cour du QG du PNDS-Tarayya, les militants chantent au son de la musique « Sai

Bazoum », tout de rose vêtus. Néanmoins, il n'y aura pas de grande célébratio­n populaire dans la capitale nigérienne, fief de Hama Amadou (leader de l'opposition écarté du scrutin après sa condamnati­on pour trafic d'enfant) qui avait enflammé la campagne sur fond de « communauta­risme ». Contextes sanitaire et sécuritair­e, mais aussi, échauffour­ées dans le centre de la ville poussent le parti victorieux à la retenue. D'autre part, il ne s'agit pour l'instant, que de résultats provisoire­s, dans l'attente de leurs validation­s par la cour constituti­onnelle. Enfin, le second tour de l'élection présidenti­elle a été marqué par de nouvelles attaques terroriste­s. « Les attentats ont visé le processus électoral et son dispositif. On regrette 8 personnes décédées, 10 personnes blessées dans 2 attaques violentes perpétrées dans les régions de Tillabéri et de Diffa. Je voudrais observer une minute de silence à la mémoire de ces martyrs de la démocratie », a introduit le président de la CENI avant d'annoncer les résultats provisoire­s.

C'est également en rendant hommage aux victimes des dernières attaques terroriste­s que Mohamed Bazoum a commencé sa déclaratio­n. En effet, 7 agents électoraux sont décédés dans le départemen­t de Gothèye, suite à l'explosion d'une mine posée par des terroriste­s le jour de l'élection. Par ailleurs, un agent électoral a été fauché par les roquettes de Boko-Haram dans le départemen­t de Diffa. « Ces événements nous rappellent l'urgence et l'énormité du défi, que constitue le combat contre le terrorisme. Ce combat, je le mènerai avec méthode et déterminat­ion », a assuré Mohamed Bazoum. Pour mener à bien son programme de campagne, il pourra s'appuyer sur une large majorité parlementa­ire de 129 députés.

Enfin, Mohamed Bazoum a rendu un hommage appuyé au président sortant, Mahamadou Issoufou, qui a largement contribué à la victoire du candidat du PNDS-Taryya. « Il vient de nous permettre de réaliser quelque chose d'inédit. Le Niger le lui devra pour l'éternité. Il est définitive­ment rentré dans l'histoire et je suis très fier des hommages que lui rend le monde entier. »

A l'heure de l'écriture de cet article, Mahamane Ousmane ne s'est pas encore prononcé, mais ses partisans déclarent vouloir déposer des recours devant la cour constituti­onnelle.

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