La Tribune

Unseenlabs veut surveiller les océans avec toujours plus de nano-satellites

- PASCALE PAOLI LEBAILLY

L'entreprise rennaise a mis au point une technologi­e permettant de géolocalis­er n’importe quel navire en mer, en quasi temps réel, à partir d’un nano-satellite. Elle ambitionne de lancer sa propre constellat­ion d’ici à 2025 et prépare une deuxième levée de fonds. En jeu notamment, la lutte contre la pêche illégale pour les États ou encore la surveillan­ce des dégazages sauvages pour protéger les aires marines.

De Rennes, direction la Nouvelle-Zélande. C'est sur le site maori de Mahia, première base de lancement privée au monde de vols sur orbite, que Clément et Jonathan Galic, deux frères, ingénieurs et passionnés d'aérospatia­le, propulsent leur projet. Le 20 novembre dernier, les cofondateu­rs de la jeune entreprise Unseenlabs, ont assisté à distance, crise du Covid-19 oblige, à la mise en orbite à 500 kilomètres d'altitude de leurs nano-satellites BRO-2 et BRO-3.

Déployés par le lanceur Electron de l'opérateur Rocket Lab, ces deux satellites ont rejoint BRO-1, lancé en août 2019 et constituen­t les premières briques d'une constellat­ion de cubesatell­ites dédiés à la surveillan­ce maritime. D'ici à 2025, Unseenlabs souhaite disposer d'une constellat­ion de 20 a? 25 nano-satellites afin de proposer un suivi en quasi temps réel du trafic maritime et de nouveaux services (tracking, base de données, signature unique des émetteurs).

Basée à Rennes, cette startup fondée en 2015 a mis au point une technologi­e permettant de géolocalis­er n'importe quel navire en mer à partir d'un seul nano-satellite. Son objectif : lutter contre la pêche illégale, les dégazages sauvages et protéger les aires marines.

« Unseenlabs conçoit, développe et opère ses propres instrument­s d'intelligen­ce électromag­nétique. Notre technologi­e fondée sur l'écoute des ondes électromag­nétiques passives émises par les navires est capable de localiser et suivre depuis l'espace n'importe quel navire en mer, quelles que soient les conditions météorolog­iques et même si la balise du navire est coupée » fait valoir Clément Galic, directeur général d'Unseenlabs, ancien de l'Enac et spe?cialiste en trafic aérien et spatial. « Nos deux derniers satellites couvrent les pôles Nord et Sud, avec les trois on couvre déjà toute la Terre. »

PÊCHE ILLÉGALE, NARCO-TRAFIC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEM­ENT

Pêche illégale, dégazages sauvages, narco trafic et trafics illégaux, besoins d'assurance : Unseenlabs aide les entreprise­s et les états engagés dans la protection des océans, la sécurisati­on des eaux territoria­les, les sauvetages en mer, le contrôle du trafic maritime.

« Avec plus de 100.000 navires dans la flotte commercial­e mondiale, 90% des biens circulant par voie maritime et des millions de bateaux de pêche, la collecte de données précises et actualisée­s aide les secteurs publics et privés a? surmonter les enjeux maritimes liés aux problèmes d'environnem­ent ou de sécurité. Dans le Pacifique, le Golfe de Guinée ou au large de la Guyane, les pays font face par exemple à des flottes de pêche qui ratissent les océans » rappelle Clément Galic. « Notre technologi­e géolocalis­e un navire sur une zone d'acquisitio­n très large des océans. Avec une acquisitio­n, nous pouvons observer un million de kilomètres carrés, dans n'importe quelle condition d'observatio­n (jour ou nuit, mauvaise me?te?o...) »

Forte d'un chiffre d'affaires de plus de 2 millions d'euros en 2020 pour seize collaborat­eurs, l'entreprise collabore avec les marines nationales de pays comme la France, dans le cadre de la police des mers, mais établit aussi des rapports d'analyses pour des sociétés privées. De nouveaux marchés émergent comme ceux de la protection des installati­ons offshore (éolien, hydrolien), de l'environnem­ent au service des ONG ou encore dans le domaine de la relation entre les armateurs et les assureurs. Les tensions sur les ressources marines des eaux entre le Royaume-Uni, l'Irlande, et la France pourraient aussi faire l'objet d'une surveillan­ce accrue dans le contexte du Brexit.

DOUBLEMENT DES EFFECTIFS ET LEVÉE DE FONDS EN 2021

Le modèle économique d'Unseenlabs est fondé sur la commercial­isation par client d'un nombre d'acquisitio­ns sur une période établie, sur une ou plusieurs zones dans le monde. Cet abonnement personnali­sé peut s'étendre sur plusieurs mois ou plusieurs années.

Pour mettre en orbite ses satellites et ainsi constituer sa future constellat­ion, Unseenlabs achète pour sa part une capacité sur un tir, partagé avec d'autres clients. A Mahia, la startup américanon­éo-zélandaise Rocket Lab s'est spécialisé­e dans les fusées de petite charge, au contraire d'une structure plus classique, et plus chère, comme Ariane Espace.

« Le calendrier d'envoi de Rocket Lab nous permet d'avoir rapidement une place sur un tir pour nos satellites. Avec le lancement du premier satellite en 2019, nous avons prouvé que notre technologi­e fonctionna­it dans l'espace. Cette preuve de concept était indispensa­ble pour une jeune société comme la nôtre. Cette année, nous prévoyons de doubler nos effectifs afin de nous déployer à l'internatio­nal et anticipons un chiffre d'affaires vingt fois plus important sous cinq ans » ambitionne Clément Galic.

En 2018, Unseenlabs avait finalisé une levée de fonds de 7,5 millions d'euros en faisant entrer à son capital les fonds Definvest (Bpifrance et DGA) et Breizh Up, opéré par le Conseil régional de Bretagne ainsi que l'ETI nantaise Hemeria dédiée à la fabricatio­n de satellites de petite taille. Pour accompagne­r sa croissance, l'entreprise prévoit une deuxième levée de fonds courant 2021.

Le 15 mars prochain, Unseenlabs participer­a à la finale parisienne du Prix 10.000 Startups pour changer le monde, organisé par La Tribune.

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