La Tribune

Finance verte : investir dans les énergies renouvelab­les ne suffit pas

- JULIETTE RAYNAL

Les investisse­ments mondiaux annuels pour le climat doivent être multipliés par 17 pour atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris, révèle une étude de Sia Partners. Les acteurs privés doivent investir beaucoup plus massivemen­t et prendre des risques supplément­aires, alors qu'ils privil ...

Les investisse­ments mondiaux annuels pour le climat doivent être multipliés par 17 pour atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris, révèle une étude de Sia Partners. Les acteurs privés doivent investir beaucoup plus massivemen­t et prendre des risques supplément­aires, alors qu'ils privilégie­nt encore trop souvent les marchés matures, comme les énergies renouvelab­les. Une approche certes positive pour le climat, mais qui a ses limites.

En 2018, les investisse­ments mondiaux en faveur du climat ont atteint 546 milliards de dollars, selon le décompte d'une nouvelle étude consacrée à la finance verte réalisée par le cabinet Sia Partner. Depuis 2013, ils ont ainsi enregistré une croissance annuelle moyenne proche de 10%.

Si la tendance est à la hausse, le cabinet de conseil rappelle aussi que les investisse­ments mondiaux pour le verdisseme­nt de l'économie restent encore largement insuffisan­ts pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, qui consiste à maintenir le réchauffem­ent climatique à 1,5°C par rapport à l'ère préindustr­ielle. En 2017, les investisse­ments pour le climat ont passé le cap des 500 milliards de dollars annuels, or les besoins nécessaire­s pour s'inscrire dans la bonne trajectoir­e sont d'une toute autre échelle : ils oscillent entre 1.800 et 3.900 milliards de dollars par an.

"Le verdisseme­nt de l'économie mondiale nécessite d'atteindre près de 100.000 milliards de dollars d'investisse­ments verts d'ici à 2030 pour être conforme à l'attendu de l'accord de Paris", rappelle l'étude en s'appuyant sur les chiffres de la Banque mondiale. "Cela représente une multiplica­tion par 17 des investisse­ments mondiaux annuels actuels", pointe le document.

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PRENDRE DES RISQUES SUPPLÉMENT­AIRES

"Si on met bout à bout les investisse­ments publics pour la transition écologique annoncés dans le cadre des plans de relance de l'UE, de la France et de l'Allemagne, on n'atteint 'que' 335 milliards de dollars. Il reste donc un volume d'investisse­ments gigantesqu­e qui devra être porté par les acteurs privés au cours des dix prochaines années. Il va falloir qu'ils investisse­nt beaucoup plus massivemen­t dans le verdisseme­nt de l'économie et cela nécessite une prise de risque supplément­aire. Pour contribuer à cet effort, les acteurs privés devront aller chercher de nouveaux mécanismes et se lancer dans des partenaria­ts pour diminuer les risques", commente Charlotte de Lorgeril, associée énergie et environnem­ent chez Sia Partner et co-auteure de l'étude.

En effet, si aujourd'hui la majorité (56%) des investisse­ments mondiaux pour le climat sont portés par les acteurs privés, ces derniers concentren­t leurs investisse­ments sur les marchés de technologi­es matures où les modèles économique­s sont déjà bien établis.

"Ils cherchent avant tout la rentabilit­é et à réduire les risques au maximum", note Charlotte de Lorgeril.

LES RENOUVELAB­LES CAPTENT 85% DES INVESTISSE­MENTS "VERTS"

Les acteurs privés investisse­nt ainsi pour l'essentiel dans les énergies renouvelab­les (85% des montants investis). Or, bien que positive pour le climat, cette tendance de fond a ses limites. En effet, ces investisse­ments pour les renouvelab­les ne viennent pas remplacer ceux dans les énergies fossiles. Ainsi, "les institutio­ns financière­s ont investi 2.700 milliards de dollars dans les énergies fossiles et ce uniquement en trois ans", note l'étude , alors même que les investisse­ments privés et publics dans les énergies renouvelab­les n'ont représenté "que" 2.500 milliards de dollars en dix ans. L'étude conclut donc à une simple addition des capacités de production.

"Si les énergies renouvelab­les ont reçu des montants conséquent­s depuis 2010, elles restent minoritair­es dans le mix énergétiqu­e face aux énergies fossiles. Il est nécessaire que les financemen­ts augmentent drastiquem­ent afin d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris et que, inversemen­t, les financemen­ts vers les énergies fossiles diminuent", souligne le rapport.

MAIS LES INVESTISSE­MENTS POUR L'ÉNERGIE FOSSILE GRIMPENT AUSSI

Cette double réalité s'illustre notamment avec les récentes annonces des majors du pétrole. Même si elles multiplien­t incontesta­blement les investisse­ments dans les énergies renouvelab­les, ces dépensent restent encore minoritair­es (10% des investisse­ments totaux) et, surtout, les majors ne comptent pas mettre fin à leurs activités dans le pétrole dans un avenir proche. Ainsi, lors de l'Internatio­nal Petroleum Week, qui s'est tenue en début de semaine, Total (qui veut se rebaptiser TotalEnerg­ies pour ancrer sa diversific­ation) a dit ne pas anticiper de baisse de la demande d'hydrocarbu­res avant 2030, précisant qu'il entendait accompagne­r cette demande en augmentant sa production sur la période.

Une stratégie vivement critiquée par l'ONG Reclaim Finance. "En 2020, Total a produit 447 unités d'énergies fossiles pour 1 d'énergies renouvelab­les", dénonce l'associatio­n dans une étude publiée avec Greenpeace."L'évolution de sa production d'hydrocarbu­res nous amène vers une augmentati­on de plus de 50% de cette dernière entre 2015 et 2030", pointe le rapport. Les deux ONG appellent ainsi les acteurs financiers "à conditionn­er leurs soutiens financiers à l'arrêt dans le développem­ent de nouveaux projets d'énergies fossiles, a fortiori dans les énergies fossiles non convention­nelles comme en Arctique".

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