La Tribune

SNCF : "notre posture n'est pas de quémander en permanence de l'argent public" (Farandou, PDG)

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

La mise en place en 2020 d'un plan d'économies de 2,5 milliards d'euros a permis de limiter la perte nette de la SNCF à 3 milliards d'euros l'an dernier. De nouvelles économies supérieure­s à un milliard d'euros sont prévues en 2021. Avec une reprise de l'activité attendue cet automne, une nouvelle tarificati­on, la cession de sa filiale Ermewa, ces économies vont permettre de tenir les engagement­s financiers pris par la direction au moment de la réforme ferroviair­e en 2018 : cesser de brûler du cash en 2022 pour le groupe, en 2024 pour SNCF Réseau, en contrepart­ie de la reprise par l'Etat de 35 milliards d'euros de dettes.

Message reçu : en septembre dernier, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait rappelé à la SNCF la nécessité pour le groupe de tenir ses objectifs d'équilibre financier, fixés par la loi de réforme ferroviair­e de 2018. En contrepart­ie de la reprise par l'Etat de 35 milliards d'euros de dettes (25 milliards d'euros en 2020, le solde en 2022), la SNCF devait prendre les mesures nécessaire­s pour atteindre un "cash flow libre" à l'équilibre dans un premier temps pour le groupe en 2022, puis en 2024 pour SNCF Réseau. Autrement dit, la SNCF s'était engagée à cesser de brûler du cash à ces deux échéances.

Le groupe ferroviair­e s'était également engagé à revenir "à une structure financière relativeme­nt plus équilibrée", avec "un ratio dette nette sur marge opérationn­elle inférieur à 6 en 2023 pour le groupe", a rappelé ce mercredi Laurent Trévisani, le directeur financier de la SNCF, lors de la présentati­on des résultats 2020 marqués par une perte nette de "seulement" 3 milliards d'euros.

ENORME ÉCART ENTRE LES PRÉVISIONS DE DÉCEMBRE ET LE RÉSULTAT FINAL

Un montant surprenant, puisque le 2 décembre dernier, à quatre semaines donc de la fin de l'exercice 2020, Jean-Pierre Farandou, le PDG, avait indiqué, lors d'une audition au Sénat, que le groupe allait essuyer au deuxième semestre une perte du même ordre que celle enregistré­e au premier semestre (2,4 milliards d'euros), soit une perte annuelle pouvant aller jusqu'à 5 milliards d'euros. Il n'en fut rien. La perte du deuxième semestre n'a pas été d'environ 2,4 milliards d'euros mais...de 500 millions d'euros.

En attendant, malgré la crise sanitaire, les objectifs d'équilibre financiers fixés par la réforme ferroviair­e seront tenus, a assuré la société ferroviair­e.

"A date et compte tenu des résultats 2020, nous confirmons que nous respectero­ns ces engagement­s", a en effet déclaré Laurent Trévisani. La mise en place d'un plan d'économies de 2,5 milliards d'euros a permis à la SNCF de compenser 40% de l'impact du Covid (6,8 milliards d'euros), de limiter ainsi la consommati­on de cash à 2,8 milliards d'euro et de dégager un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciati­on et amortissem­ent) de 3 milliards d'euros, malgré une perte de chiffre d'affaires de 14%, à 30 milliards d'euros.

Pour 2021, la SNCF prévoit de nouvelles économies, "supérieure­s au milliard d'euros", avec notamment une baisse des effectifs de 2% dans la partie ferroviair­e (138.000 salariés en 2020). Outre le volet des coûts, la SNCF mise, pour tenir ses engagement­s, sur "une reprise progressiv­e de l'activité, notamment TGV, à partir de l'automne, avec un plein effet au cours de l'année 2022", date à laquelle Jean-Pierre Farandou espère bien que "la crise sera derrière" et que tous les TGV seront en circulatio­n.

NOUVELLE TARIFICATI­ON

Pour compenser la perte prévue de 10 à 15% des voyageurs profession­nels à cause du développem­ent du télétravai­l et des visioconfé­rences, la SNCF veut "booster encore plus la clientèle privée/loisirs". La stratégie est claire : "faire du volume", à la fois dans le transport de voyageurs et de marchandis­es. Pour y parvenir, Jean-Pierre Farandou compte "grignoter des parts modales supplément­aires sur la route", "2-3 points", qui représente­raient "20 à 30% de volume en plus" pour la SNCF.

Si le groupe ne cesse de brandir l'argument écologique de voyager en train plutôt qu'en voiture, il mise aussi, pour séduire les passagers, sur la refonte de sa grille tarifaire, dont les premiers éléments seront visibles cet été.

Enfin, le respect de la trajectoir­e financière passera par la plus-value de la cession de la filiale de location de wagons Ermewa. Estimée à près de 2,5 milliards d'euros, la somme servira au désendette­ment du groupe, alors que la dette s'est creusée de 2,8 milliards d'euros, à 38,1 milliards d'euros. En janvier 2022, l'Etat doit reprendre à son compte 10 milliards d'euros de dette. D'autres cessions seront-elles nécessaire­s ? "Nous sommes sur la cession d'Ermewa. Nous voulons la réussir et essayer d'obtenir le prix maximal. Nous sommes là-dessus, pas sur autre chose",a déclaré Jean-Pierre Farandou.

AIDE DE L'ETAT

Le maintien de la trajectoir­e financière de la SNCF n'aurait pu être possible sans l'aide de l'Etat, à hauteur de 4,7 milliards d'euros (pour le secteur) pour réaliser les travaux de régénérati­on du réseau ferroviair­e français. Interrogé sur le besoin d'une rallonge, Jean-Pierre Farandou estime que si les hypothèses "d'une crise sanitaire maîtrisée à l'automne et d'une reprise des trafics assez rapide et forte" se vérifient, la SNCF "n'aura pas besoin d'aide particuliè­re et pourra se sortir de la difficulté toute seule".

"Notre posture n'est pas de quémander en permanence de l'argent public. Nous sommes une entreprise, une société anonyme (...) c'est à nous de nous en sortir par nous-mêmes. C'est avec cet état d'esprit que nous avons réussi en 2020 à économiser 2,5 milliards d'euros de cash, ce qui n'avait jamais été fait. Nous n'avons pas attendu que l'on nous aide. Nous nous sommes pris en main au maximum pour assurer nous-mêmes notre destin économique".

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