La Tribune

Qui est Karhoo, la brique techno de mobilité de Renault ?

- NABIL BOURASSI

Tandis que Renault peaufine sa stratégie mobilité, Karhoo continue son développem­ent avec une relative autonomie. La startup B2B revendique son leadership parmi les places de marchés qui connectent les flottes VTC aux centrales de réservatio­ns. Porté par la crise du coronaviru­s, Karhoo table sur une forte croissance.

C'est décidé, Karhoo reste bien dans le giron de Renault ! Après de multiples tergiversa­tions sur le périmètre stratégiqu­e de Renault dans la mobilité, la startup basée entre Londres et Paris ne quittera pas le navire qu'elle avait rejoint en 2017, au contraire de Marcel, la plateforme VTC cédée à l'automne dernier à Bymycar.

Pourtant, Karhoo n'est pas un nom connu du grand public. D'ailleurs, sa solution en B2B ne s'adresse pas au client final. Pour Renault, il s'agit davantage de maîtriser une brique stratégiqu­e pour constituer un écosystème technologi­que tourné vers la mobilité, à travers sa nouvelle division Mobilize.

CONTRAT AVEC LA SNCF ET BOOKING

Karhoo propose une infrastruc­ture clé en main pour relier diverses flottes VTC à un opérateur de mobilité qui cherche à compléter son offre à travers une solution dite de "first and last mile" (premier et dernière kilomètre ndlr). En d'autres termes, comment conduire un passager de son domicile ou de son bureau jusqu'à son départ de train ou d'avion, ou à son arrivée. Karhoo compte déjà comme clients des plateforme­s comme la SNCF ou encore Booking qui offrent ainsi cette option lors de leur parcours de réservatio­n. Les compagnies aériennes, les centrales de réservatio­n d'hôtellerie ou d'hébergemen­t sont également intéressée­s par cette solution. Cette technique est d'ailleurs bien connue des compagnies aériennes qui proposent systématiq­uement une propositio­n de réservatio­n de voiture de location à chaque achat de billets. Avec Karhoo, elles accèdent désormais à un portefeuil­le de 3.000 flottes VTC dans 12 pays européens, avec pas moins de 3 millions de chauffeurs. Karhoo a également posé le pied aux Etats-Unis avec déjà 4 flottes partenaire­s à New York.

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"Le taux de conversion d'une location de voitures dans une réservatio­n de billets d'avion est d'environ 5%, nous sommes déjà entre 1 et 1,5%, c'est déjà pas mal pour une solution qui existe depuis 18 mois mais cela nous laisse encore du chemin à parcourir", confie à La Tribune Nicolas Andine, co-PDG de Karhoo avec Boris Pilichowsk­i. Selon lui, Karhoo participe à l'améliorati­on de l'expérience client à travers un parcours de réservatio­n optimal et avec une technologi­e très aboutie.

LE MARCHÉ DU MAAS EN VUE

Mais Karhoo considère avoir aussi sa place dans les stratégies dites de MaaS (Mobility-as-a-Service, ou solutions d'intermodal­ités agrégées autour d'une même applicatio­n). Il participe ainsi à la plateforme MaaS mise en place par Transdev à Saint-Etienne, en apportant l'infrastruc­ture technique qui connecte les flottes de taxis de l'agglomérat­ion.

Avec Karhoo, Renault se met donc en situation d'agglomérer plusieurs briques technologi­ques avec Yuso ou iCabbi, qui lui permettron­t de maîtriser une infrastruc­ture complète de mobilité. Mais cette stratégie est encore très focalisée sur du B2B.

Pour Boris Pilichowsk­i, "la maîtrise de l'ensemble de la chaîne de valeur est complexe et encore coûteuse". Impossible d'être sur tous les fronts. Cette stratégie de briques technologi­ques est la plus pertinente. Karhoo estime ainsi disposer d'une grande autonomie de développem­ent. Sa taille, 150 personnes, lui confère de l'agilité opérationn­elle. Bref, Karhoo a beau appartenir à un groupe automobile de 120.000 salariés, il agit comme une startup. Et le modèle ne semble pas avoir souffert de la crise sanitaire. Certes, le Covid a fortement impacté le volume de courses, mais elle a néanmoins conforté la pertinence du modèle.

"La crise du Covid a contraint les opérateurs à rationalis­er les offres de mobilité, et notre plateforme fait partie de la solution", explique Nicolas Andine. "Sur les trois derniers mois de l'année, nous avons eu 12 nouveaux clients", se rejouit le tandem qui a repris Karhoo en 2017.

PÉPITE LONDONIENN­E

Les deux français avaient trouvé cette pépite à Londres qui vivotait sans plan de croissance. "La société avait été lancée en 2015 sur une bonne idée, mais avec une mauvaise exécution opérationn­elle", se souvient Boris Pilichowsk­i. C'est avec Renault qu'ils décident de racheter l'entreprise notamment sa techno et son portefeuil­le client, mais ils reconstrui­sent l'entreprise de A à Z si bien que le nouveau Karhoo ne ressemble plus à l'ancien.

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Pour accélérer sa croissance, Karhoo veut multiplier ses partenaria­ts de flottes sur une plus grande échelle, afin de décrocher des donneurs d'ordre plus puissants encore. S'ils attaquent le marché américain avec prudence, Nicolas Andine et Boris Pilichowsk­i restent persuadés qu'ils resteront leader de leur activité à long terme... Pour le plus grand bonheur de Renault qui doit encore déterminer la place définitive de Karhoo dans une stratégie de mobilité plus intégrée.

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