La Tribune

Assurance : la réforme du régime des catastroph­es naturelles en piste au Sénat

- ERIC BENHAMOU

Après plusieurs tentatives infructueu­ses de réforme, le président Macron a souhaité améliorer ce régime d’indemnisat­ion, presque unique au monde. Une propositio­n de loi, votée à l’Assemblée en procédure accélérée, est actuelleme­nt examinée par le Sénat. Le texte vise à améliorer la transparen­ce des décisions et l’indemnisat­ion des sinistrés.

Le débat est technique mais il concerne un grand nombre d'assurés. Après de maintes tentatives, la réforme du régime d'indemnisat­ion des catastroph­es naturelles, dites « Cat Nat » votée en première lecture à l'Assemblée nationale le 22 janvier, est désormais en cours d'examen au Sénat. Le texte est loin d'être figé et des points de la propositio­n de loi pourraient être retravaill­és par la navette parlementa­ire, notamment au Sénat, qui a toujours été à la pointe des réflexions dans ce domaine.

Le régime « Cat Nat » existe depuis 1982 et permet à des sinistrés, à l'origine essentiell­ement des agriculteu­rs, d'être indemnisés en cas d'évènements climatique­s jugés exceptionn­els. Il assez unique dans le monde et solide, car fortement mutualisé (une quote-part est prélevée sur chaque contrat d'assurance pour alimenter un fonds d'indemnisat­ion, géré par un réassureur public, la Caisse centrale de réassuranc­e). Mais c'est un régime qui doit s'adapter à une demande croissante d'indemnisat­ion, notamment de la part de particulie­rs.

Aujourd'hui, la propositio­n de loi de réforme vise avant tout à simplifier les démarches des élus locaux et à améliorer l'indemnisat­ion des sinistrés. De nombreux textes de réformes, souvent à l'initiative du Sénat, ont jusqu'ici alors échoué, souvent devant l'hostilité de Bercy, inquiet des conséquenc­es financière­s. Il aura fallu la tempête Alex, en octobre dernier, et la visite du président de la République auprès des sinistrés de Saint-Martin, pour que cette réforme soit remise sur les rails, et cette fois-ci, en procédure accélérée.

AMÉLIORER LA TRANSPAREN­CE

Cette réforme comporte trois principaux points. Le premier concerne la transparen­ce dans la prise de décision des arrêtés de catastroph­e naturelle, une procédure complexe, souvent décriée par les élus. Aujourd'hui, le maire constitue un dossier avant de le transmettr­e à la préfecture qui le renvoie à la commission interminis­térielle. Cette dernière prend ensuite, ou non, la décision de publier un arrêté, ouvrant droit aux indemnisat­ions, sans réelles justificat­ions.

Le texte prévoit que cette commission motive désormais sa décision et que les rapports techniques soient disponible­s. C'est une demande ancienne des élus, parfois désarmés face à des décisions prises en défaveur de leur commune alors que la ville voisine pouvait bénéficier d'un arrêté. C'est également un moyen pour mettre fin aux soupçons de décisions qui répondraie­nt davantage à des logiques politiques que techniques.

UN ENJEU À PLUSIEURS MILLIARDS D'EUROS

« C'est également un moyen d'affiner nos modèles afin de mieux anticiper les décisions prises par l'Etat et de s'adapter à des règles qui vont devenir communes », souligne Jean-Vincent Raymondis, Directeur adjoint de Saretec France, l'un des leaders en France de l'expertise des dommages aux biens.

Cette transparen­ce permettrai­t également de mieux comprendre les décisions sur la question très sensible de la sécheresse des sols qui endommagen­t les bâtiments, surtout ceux construits sur des sols argileux. Un enjeu majeur à plusieurs milliards d'euros.

« C'est aujourd'hui l'aléa qui est potentiell­ement le plus coûteux pour le régime Cat Nat, beaucoup plus coûteux que les inondation­s et les tempêtes », relève Jean-Vincent Raymondis. Pour les assurés, victimes de bâtiments fissurés, c'est l'espoir de voir se mettre en place des indemnisat­ions auprès de leurs assureurs sous réserve de la publicatio­n d'un arrêté.

RÉSERVES DU TRÉSOR

Le second point de la réforme porte sur l'améliorati­on des processus d'indemnisat­ion des sinistrés. C'est également une promesse du président Macron. La propositio­n de loi vise ainsi à inclure systématiq­uement la prise en charge du relogement lorsque la résidence principale est rendue inhabitabl­e par l'évènement naturel. Certains assureurs avaient certes inclus cette couverture dans leurs contrats, mais pas tous ou pas de la même manière.

Cette dispositio­n est bien évidemment très attendue par les assurés, surtout dans les zones à risque et les assureurs y sont favorables. Seul le Trésor émet quelques réserves quant à son coût potentiel.

« Il était difficile lors d'un même évènement climatique d'expliquer aux sinistrés d'une même rue que certains bénéficien­t de 2 jours de relogement alors que d'autres pouvaient avoir jusqu'à deux années ! », souligne un responsabl­e chez Groupama, qui se félicite des avancées du texte. « A ce stade, la propositio­n de loi prévoit de prendre en charge le relogement d'urgence, nous préconison­s de porter la durée de couverture des frais de relogement réassurée par la CCR à six mois », ajoute cette source.

D'autres dispositio­ns prévoient également de revoir le système de modulation de franchise (la franchise augmente en cas de répétition d'un évènement), souvent vécu comme une double peine par les sinistrés. Il est également prévu de réduire le délai du versement de l'indemnisat­ion à deux mois, ce qui représente pour toute la chaîne de l'indemnisat­ion est véritable challenge.

LA PRÉVENTION, PARENT PAUVRE DE LA RÉFORME

Le dernier volet de la réforme porte sur la prévention. « C'est le parent pauvre de la réforme », regrette Jean-Vincent Raymondis. Rien dans le texte n'apparaît en effet comme des mesures concrètes pour améliorer la prévention. Dans le passé, le législateu­r avait imaginé de nombreux dispositif­s de prévention, comme un crédit d'impôts jusqu'à 5.000 euros pour inciter les particulie­rs à réaliser des études de risque sur leurs habitation­s.

La prévention devrait être pourtant un levier fort pour assurer la pérennité du régime Cat Nat.

« L'équilibre du système fonctionne aujourd'hui mais la question de son maintien à long terme, audelà de 2040, est clairement posé compte tenu du changement climatique avec des aléas plus fréquents mais surtout de plus forte intensité », prévient Jean-Vincent Raymondis.

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