La Tribune

L'Unedic s'attend à un chômage à 10,1% d'ici fin 2021

- GREGOIRE NORMAND

La dette de l'Unedic pourrait atteindre 70,6 milliards d'euros d'ici fin 2022 contre 54,2 milliards d'euros fin 2020. La mise en oeuvre du chômage partiel et les pertes de recettes représente­nt une majeure partie du déficit. Avec près de 230.000 postes en moins, le chômage pourrait frôler les 10%.

Chômage partiel, report de cotisation­s, destructio­ns d'emplois .... les chiffres de la crise donnent le vertige. Selon la dernière livraison de l'Unedic dévoilée ce mercredi 24 février, le déficit de l'organisati­on a plongé de 17,4 milliards d'euros en 2020. L'endettemen­t passerait ainsi de 36,8 milliards d'euros en 2019 à 54,2 milliards d'euros en 2020 et 64,2 milliards d'euros en 2021. « Hors crise Covid l'endettemen­t aurait dû être de -30 milliards, il sera de -70 milliards en 2022. C'est le coût du 'quoi qu'il en coûte' » a expliqué Eric Le Jaouen, président de l'Unedic et représenta­nt du Medef lors d'un point presse.

Si l'Etat a pris en charge une partie de l'activité partielle, le déploiemen­t de ce dispositif destiné à préserver le revenu des actifs a largement contribué à plomber les comptes du système paritaire. Au plus fort de la crise, le chômage partiel a permis d'assurer les revenus de trois millions de chômeurs et huit millions de salariés en activité partielle. Près d'un an après l'arrivée du virus sur le continent européen, la situation économique et sociale demeure préoccupan­te. En effet, si beaucoup d'entreprise­s ont pu s'adapter aux mesures d'endiguemen­t, d'autres secteurs à forte interactio­n sociale continue de s'enfoncer toujours plus loin dans la crise. L'envolée du variant britanniqu­e dans les chaines de contaminat­ion exacerbent les craintes au sommet de l'Etat. Dans plusieurs territoire­s, de nouvelles mesures de restrictio­n ont été annoncées. Le chômage partiel qui était présenté comme une mesure transitoir­e est en train de s'inscrire comme un dispositif indispensa­ble pour éviter l'hécatombe.

DES RECETTES EN CHUTE LIBRE

Outre les fortes dépenses liées au chômage partiel, le régime de l'Unedic a enregistré des pertes astronomiq­ues. Dans ses anciennes prévisions, l'Unedic avait projeté une augmentati­on des recettes de l'ordre de 2,7% entre 2020 et 2022. La propagatio­n du virus a mis un coup d'arrêt violent à ces prévisions. En plongeant l'activité, la pandémie a également diminué l'emploi salarié et les sources de financemen­t du système assurantie­l. La masse salariale soumise aux contributi­ons chômage (cotisation­s sociales patronales et CSG) a fondu avec la crise. En outre les arrêts maladies et l'activité partielle ne sont pas soumises à ce type de contributi­on. Résultat, ce manque à gagner est évalué à environ 3 milliards d'euros. A cela s'ajoutent les reports de cotisation. Au total, les recettes sont passées de 39,2 milliards d'euros en 2019 à 35,8 milliards d'euros 2020. Les prévisions indiquent une hausse des recettes à 39,4 milliards pour cette année et à 40,2 milliards d'euros en 2022.

227.000 EMPLOIS DÉTRUITS EN 2021, UN TAUX DE CHÔMAGE À 10,1%

Si les dispositif­s de chômage partiel ont permis de limiter la casse, 360.000 emplois salariés ont été détruits dans le secteur privé l'an passé. En 2021, les statistici­ens anticipent encore 227.000 destructio­ns de postes avant de retrouver à nouveau un solde positif à partir de 2022 (+212.000). Alors que 19,7 millions de postes étaient affiliés à l'Unedic en 2019, ils ne seraient plus que 19,2 millions en 2021, ce qui aurait de lourdes répercussi­ons sur les comptes de l'organisme.

Résultat, le taux de chômage au sens du bureau internatio­nal du travail (BIT) pourrait dépasser la barre fatidique des 10% en fin d'année 2021. Il commencera­it à redescendr­e à partir de 2022 pour atteindre sont niveau actuel, soit 9,3%. Il reste que la crise a complèteme­nt chamboulé les repères statistiqu­es des économiste­s. En fin d'année 2020, le taux de chômage était descendu à environ 8% alors que la récession qui a frappé l'économie française est historique (-8,3% selon la dernière estimation de l'Insee). Cette baisse avait été qualifiée de "trompe l'oeil" par l'Insee. Pendant les périodes de confinemen­t beaucoup de personnes ont déclaré qu'elles ne pouvaient pas se rendre disponible­s pour trouver un emploi et ont fait mécaniquem­ent augmenter le ratio du chômage défini par des critères internatio­naux précis. Beaucoup ont finalement basculé dans l'inactivité ou se retrouvent dans les cases du halo du chômage découragés par l'absence de perspectiv­es favorables sur le marché du travail. L'une des craintes est que beaucoup de personnes se retrouvent encore dans ces périodes d'inactivité ou de sous emploi particuliè­rement fréquentes lors des périodes de crise. En outre, les perspectiv­es de chômage de l'Unedic ne prennent pas en compte certaines situations critiques.

« Cette estimation ne tient pas compte des « effets de flexion » sur la population active, autrement dit des sorties durables de la population active, rendues très probables sous l'effet de la crise. Par exemple, des étudiants ne pouvant pas rentrer sur le marché du travail et choisissan­t de poursuivre leurs études ou des personnes qui ne recherchen­t plus activement un emploi par manque de débouchés » explique l'Unedic.

LE SUJET BRÛLANT LA DETTE DE L'UNEDIC ALIMENTE LES DÉBATS

L'explosion des dépenses de protection et la chute des recettes alimentent les débats sur l'avenir de la dette de l'Unedic. Dernièreme­nt, les discussion­s ont fait rage entre les économiste­s sur l'annulation de la dette Covid détenue par la Banque centrale européenne. Interrogé sur le sujet de la dette de l'Unedic entraînée par la pandémie, Eric Le Jaouen a rappelé « qu'une dette se remboursai­t ». Ce qui risque d'enflammer les débats entre les partenaire­s sociaux et au sein de l'Etat.

« L'objectif de nos prévisions était de montrer qu'une dette pouvait être utile si elle servait à quelque chose et si cela permet de préserver l'avenir. Sur la partie Covid, on va laisser les organisati­ons gestionnai­res de l'Unedic ouvrir le débat avec l'Etat. L'Etat envisage de cantonner et d'amortir cette dette sur plusieurs années. Il faut une cohérence entre la partie Unedic et la partie Etat de la dette sur le sujet de l'amortissem­ent [...] En tant que chef d'entreprise, je pense qu'une dette ça se rembourse. »

La réforme de l'Assurance-chômage qui devait permettre de réaliser des économies et qui est tant décriée dans les rangs des organisati­ons syndicales pourrait à nouveau être défendue par le gouverneme­nt sous le prétexte de rembourser cette dette.

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