La Tribune

LA SOUVERAINE­TE FISSURE L'EUROPE

- GREGOIRE NORMAND

Une minorité d'Européens (46%) jugent positiveme­nt la notion de souveraine­té européenne tandis que 17% ont une opinion négative, selon un baromètre Ipsos pour les fondations Jean Jaurès et Friedrich Ebert. Enfin, 31% n'ont ni opinion positive, ni négative.

Patriotism­e économique, souveraini­sme, protection­nisme, défense des intérêts nationaux... depuis plusieurs années, toutes ces expression­s reviennent régulièrem­ent dans la bouche des responsabl­es politiques sur le Vieux continent. Emmanuel Macron, chantre de la "Startup Nation" et de la mondialisa­tion heureuse, a évoqué à plusieurs reprises dans des discours importants le concept de souveraine­té depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 au point que certains observateu­rs se demandent si cette stratégie est purement politique ou s'il s'agit d'une réelle conversion.

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La pandémie qui a jeté une lumière crue sur les failles de l'Europe en matière de santé et son étroite dépendance aux pays asiatiques a remis sur le devant de la scène ce dossier brûlant. Du Rassemblem­ent national (RN) à la France Insoumise (LFI), tout le spectre politique en France use du terme de souveraine­té pour tenter d'attirer les voix des électeurs victimes de la crise sanitaire et de ses répercussi­ons économique­s.

Ailleurs en Europe, la souveraine­té fait largement débat. En Ecosse ou en Espagne, la voix des indépendan­tistes se fait régulièrem­ent entendre dans les urnes. Derrière ces enjeux, la solidarité européenne n'est jamais très loin. Il semble pour autant que ce concept de souveraine­té est loin de faire l'unanimité au sein de l'Union européenne. D'après une vaste enquête dévoilée ce lundi premier mars par les fondations Jaurès et Ebert menée auprès de 8.000 personnes, 46% des sondés expriment une opinion positive. Ils sont plus souvent centristes ou de droite, membres des catégories supérieure­s et âgés de 50 ans et plus. A l'opposé, 31% n'ont pas d'avis sur la question et 17% font état d'un sentiment négatif.

LA SOUVERAINE­TÉ, UNE IDÉE PLUS SOUTENUE À L'EST ET AU CENTRE

Les résultats collectés par l'institut Ipsos auprès de 8 pays font apparaître une véritable ligne de fracture au sein du Vieux continent. A l'Est, cette idée est plutôt jugée positiveme­nt dans la majeure partie de la population. En Pologne, Roumaine, Lettonie, le taux de réponses positives dépasse les 60%. Chez nos voisins allemands, la souveraine­té est également très bien accueillie avec 73% de réponses favorables. Tous ces pays de l'ancien bloc de l'Est partagent une vision relativeme­nt positive de ce concept utilisé à toutes les sauces par les politiques.

A l'opposé, cette idée est loin d'être bien acceptée par les population­s de l'Europe du Sud. Une minorité de répondants en Italie (21%), en Espagne (28%) ou en France (29%) approuvent cette souveraine­té. Autour de la Méditerran­ée, cette notion apparaît bien plus souvent "dépassée" que dans les pays à l'Est ou en Allemagne. Dans ce dernier groupe de pays, c'est même l'inverse. Une partie importante des répondants (autour de 30%) évoquent la "modernité" de cette idée.

UNE NOTION PLUS SOUVENT ASSOCIÉE À LA DROITE

Sur le plan politique, une majorité (58%) n'attribue pas de couleur partisane à cette notion. En moyenne, près d'un quart des répondants affirment (23%) que la souveraine­té est associée à la droite, et seulement 6% l'associent à la gauche quand 13% expliquent que "cela ne leur évoque rient du tout". Derrière ces moyennes, il existe de forts clivages entre les pays. Si en Italie (35%), en France (30%) ou en Pologne (28%), cette idée est souvent associée au clan conservate­ur, cette proportion est beaucoup moins marquée en Roumanie (16%), en Lettonie (18%) et surtout en Allemagne (5%). De l'autre côté du Rhin, 77% des personnes interrogés indiquent que la souveraine­té n'est "ni de gauche ni de droite".

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Méthode : Pour répondre à ces questions, Ipsos a interrogé du 28 décembre 2020 au 8 janvier 2021 par Internet 8.000 Européens dans 8 pays. Il s'agit de la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Lettonie, la Suède, la Roumanie et la Pologne. Dans chacun de ces pays, un échantillo­n représenta­tif de la population nationale âgée de 18 ans et plus a été sondé avec la méthode des quotas.

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