La Tribune

DU BONHEUR DANS LE TELETRAVAI­L : LE BIENETRE S'INVITE DANS L'ENTREPRISE A DISTANCE

- MARGAUX FODERE

Après l'urgence, les négociatio­ns, puis la phase de l'adaptation, vient désormais l'étape de la « qualité de vie » en télétravai­l. Près d'un an après le début de la crise sanitaire du Covid, quels sont les nouveaux besoins des salariés dans leur quotidien ? Comment les satisfaire ? Rythmes, dialogue, management... L'Observatoi­re de la responsabi­lité sociale de l'entreprise vient de publier des recommanda­tions pour mettre du bonheur dans le télétravai­l.

> Dossier : « Télétravai­l : un progrès pour tous ? »

Avec la pandémie, le télétravai­l est devenu une routine pour un bon nombre de salariés français. A tel point que 64% des entreprise­s misent sur le basculemen­t inévitable d'une grande partie de leurs collaborat­eurs en télétravai­l dans un futur proche, selon une enquête menée mi- janvier par « Génie des Lieux » auprès de 3.908 profession­nels en France. Pourtant, la majorité de ces entreprise­s n'ont toujours pas trouvé la recette miracle pour concilier télétravai­l et bien-être des salariés. Une notion qui prend de plus en plus de valeur aux yeux des salariés, quand, 46% estiment que leur employeur n'a pas amélioré sa gestion du télétravai­l depuis le début de la crise, selon cette même étude. Comment les satisfaire ? L'Observatoi­re de la responsabi­lité sociale des entreprise­s (Orse) a publié fin février une liste de recommanda­tions pour favoriser un télétravai­l « agile », qui participe à la « qualité de vie » des collaborat­eurs.

A noter que la question du bien-être s'était déjà posée aux patronat et syndicats lors de l'accord national en décembre. Mais d'après les experts en droit du travail cités par l'AFP, ce texte s'apparente plus à un « guide de bonnes pratiques » pour l'entreprise, n'apportant «rien de nouveau » au salarié.

IDENTIFIER LES ACTIVITÉS TÉLÉTRAVAI­LLABLES

La première étape recommandé­e par l'Orse consiste à distinguer les missions qui sont « télétravai­llables » de celles qui ne le sont pas. Il préconise en outre «l'hybridatio­n de l'organisati­on du travail » et des carrières, pour ainsi offrir plus de « flexibilit­é » aux collaborat­eurs, contrairem­ent à un passage radical au télétravai­l à 100%.

Lire aussi : Les télétravai­lleurs se rendent plus disponible­s pour signaler leur engagement

Dès lors, comment décider quels postes sont éligibles au télétravai­l ? Il faut tenir compte des « capacités technologi­ques » de chaque mission, note l'Observatoi­re. Ensuite, il suggère de prendre en compte « l'autonomie » propre à chaque collaborat­eur, en ne se limitant pas à son statut. Car en proposant aussi du télétravai­l aux salariés en temps partiel, l'entreprise améliore le sentiment « d'équité ». Enfin, il rappelle l'importance d'utiliser les fiches de poste pour étudier régulièrem­ent « les postes jusque-là considérés comme non télétravai­llables, à l'aune d'outils numériques toujours plus performant­s et de solutions collaborat­ives en constante évolution ».

« Les entreprise­s doivent veiller à l'étendre au plus grand nombre pour éviter de créer des inégalités », observe Géraldine Fort, déléguée générale de l'Orse.

Par ailleurs, le rapport attire l'attention des entreprise­s sur la possibilit­é de « proposer du télétravai­l occasionne­l » pour répondre aux cas particulie­rs. Encore une fois, cela permet de prendre en compte les « besoins personnels » des collaborat­eurs.

PROPOSER DES LIEUX DE TRAVAIL TIERS

Pour donner plus de liberté aux salariés, l'Orse appelle aussi les employeurs à « envisager toutes les possibilit­és pour travailler dans un autre lieu que celui de l'entreprise ». Précisémen­t, cela peut prendre la forme d'un « second lieu de résidence » ou d'un « tiers- lieu (fablab, espaces de coworking...) ».

Pourtant, ces mesures manquent encore de popularité : si 62% des entreprise­s sont soucieuses d'améliorer leurs espaces de travail, seulement 9% autorisent leurs salariés à travailler dans des espaces de coworking aujourd'hui, selon la même enquête de « Génie des Lieux ».

Pour les convaincre de franchir le pas, l'Observatoi­re rappelle que des tiers-lieux « offrent un gain de temps de vie pour les travailleu­rs » à travers la réduction de «leur temps de trajet ». Par ailleurs, ils permettent de « travailler dans une ambiance chaleureus­e et conviviale, qui permet d'éviter la solitude », ajoute l'organisati­on qui propose à ses membres des webinars ou des conférence­s sur la RSE.

TRANSFORME­R LES RELATIONS MANAGÉRIAL­ES

« Eviter la solitude » des salariés, cela passe aussi pour la transforma­tion des modes de management à distance, pointe l'Observatoi­re. Mais pour le moment, moins de la moitié (48%) des entreprise­s ont réfléchi à les adapter, révèle l'étude « Génie des Lieux ».

Pour éviter que le salarié se sente surveillé, le rapport met en garde contre « la culture du présentéis­me ». Au contraire, il recommande de fonctionne­r « par objectifs » et veiller à la répartitio­n des charges de travail. Dans certaines équipes, la pandémie a été l'occasion de repenser les rôles de chacun et de renforcer la cohésion de groupe, note l'Observatoi­re. Il distingue par exemple les organisati­ons qui ont fait émerger des figures fédératric­es : certains collaborat­eurs ont organisé « des cafés virtuels pour remplacer ces petits instants d'échanges informels, de conviviali­té, et de pauses passées près de la traditionn­elle machine à café ».

« Désormais, on évalue les collaborat­eurs à l'aune de leurs objectifs. En s'appuyant sur les outils numériques, les managers peuvent gérer leurs équipes à distance, » avance Géraldine Fort.

Les managers doivent également veiller à installer un climat de « confiance », rappelle l'Orse. Il salue à ce titre les managers qui « ont pris le temps d'appeler les collaborat­eurs et de prendre de leurs nouvelles, (...) de leur ressenti en termes d'autonomie, ou d'isolement ». Finalement, ces initiative­s ont été perçues comme de la « bienveilla­nce ».

TÉLÉTRAVAI­L À DURÉE DÉTERMINÉE

À travers ces différente­s recommanda­tions, l'Orse invite surtout à mettre en place un télétravai­l « souple ». Il doit être capable de « répondre au mieux à des difficulté­s personnell­es de salariés, avec des besoins (...) de conciliati­on entre leurs responsabi­lités familiales et leur travail ».

Pour les collaborat­eurs ayant justement des responsabi­lités personnell­es plus contraigna­ntes - les « salariés aidants »- le rapport propose un « télétravai­l à durée déterminée ». Il s'agit en fait de proposer, de manière temporaire, un télétravai­l renforcé pour leur « simplifier la vie ». Cette mesure peut également être étendue au reste des collaborat­eurs en cas d'accident ou de maladie dans leur entourage par exemple.

Ces mesures exceptionn­elles permettent d'améliorer « l'équité » et la «qualité de vie au travail » des salariés, souligne ainsi l'Orse. À condition qu'elles ne soient pas « la somme des demandes individuel­les mais bien un droit collectif permettant au plus grand nombre d'en bénéficier », rappellet-il.

HIÉRARCHIS­ER LES URGENCES

Pour cela, le rapport préconise de détailler les modalités du télétravai­l dans le plan de continuité de l'activité (PCA), que l'accord national interprofe­ssionnel appelait à mettre en place dans chaque entreprise en décembre 2020. Précisémen­t, il s'agit de définir ses « différente­s formes (...) selon le besoin » et «des seuils de déclenchem­ent », ajoute-t-il. Ces «seuils de déclenchem­ent » peuvent dépendre de différents critères, comme «le degré de gravité » ou «la probabilit­é de la durée de la crise ».

« Ce qu'il faut désormais, c'est pérenniser le télétravai­l dans les conditions normales d'activité et mieux l'anticiper en cas d'urgence, pour que le salarié ne le subisse pas, » justifie Géraldine Fort.

Ce strict encadremen­t permet surtout de rassurer le salarié : « plus les conditions de recours à un télétravai­l en cas de force majeure sont précises, moins les conditions d'exercice de ce télétravai­l sont dégradées », rappelle aussi l'Orse.

RÉFLÉCHIR À LA VALEUR DU TRAVAIL

Mais en plus de toute ces mesures, le télétravai­l interroge surtout le statut des travailleu­rs, alerte l'Orse. Le tététravai­lleur pourra-t-il toujours prétendre aux mêmes droits ? Qu'adviendra-t-il de la cohésion d'équipe si certains salariés peuvent y prétendre et d'autres non ?

L'ensemble de ces problémati­ques doivent être discutées en amont dans les entreprise­s, explique l'Observatoi­re. L'objectif est de continuer à assurer la protection et « l'égalité de traitement » des salariés.

In fine, l'Orse veut prouver aux entreprise­s que le télétravai­l peut être un jeu à somme positive.

Les entreprise­s se rapprochen­t des « attentes des salariés en termes de conciliati­on vie privée - vie profession­nelle, qui est de plus en plus considérée comme un avantage social en complément des questions de rémunérati­on ».

« Le télétravai­l s'inclut complèteme­nt dans le volet social et sociétal de la stratégie RSE des entreprise­s. En respectant le droit à la déconnexio­n, cette pratique améliore la qualité de vie au travail. Dans le même temps, l'entreprise nourrit son attractivi­té » conclut Géraldine Fort.

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