La Tribune

«L'ACTE DE CONSTRUIRE DERANGE», PASCAL BOULANGER, CANDIDAT A LA FEDERATION DES PROMOTEURS IMMOBILIER­S

- CESAR ARMAND

Promoteur, agent immobilier, propriétai­re de restaurant­s gastronomi­ques... Pascal Boulanger dévoile à La Tribune sa candidatur­e à la présidence de la fédération des promoteurs immobilier­s (FPI).

LA TRIBUNE - Vous êtes à la tête d'une société de promotion de logements neufs, d'un réseau d'agences d'immobilièr­es, d'une entreprise d'hygiène et de propriété, d'une société de services à la personne, d'une autre spécialisé­e dans l'entretien des espaces verts ou encore de trois restaurant­s gastronomi­ques, le tout représenta­nt 6.000 salariés. Pourquoi êtes-vous candidat à la présidence de la fédération des promoteurs immobilier­s ?

PASCAL BOULANGER - J'ai envie de m'y engager. Déjà en 2015, François Payelle, m'avait proposé de lui succéder, mais je n'étais pas prêt. J'avais en outre d'autres obligation­s, comme Entreprise­s et Cités, réseau d'entreprene­urs dans le Grand Lille.

Cela fait désormais six ans que j'en suis le vice-président trésorier aux côtés de la présidente sortante Alexandra François-Cuxac, et donc autant d'années que je me prépare à cette éventualit­é. Le VP trésorier est une sorte de premier vice-président car, dans les statuts, c'est celui qui assure et qui remplace le président/la présidente le cas échéant.

Je souhaite par exemple que nous recrutions un statistici­en qui nous donnerait des données sur la taille des résidences principale­s, l'âge du premier achat, la nature du premier investisse­ment... Cela nous permettrai­t d'améliorer notre connaissan­ce des besoins et d'aider les pouvoirs publics. De même que je veux relancer la fondation des promoteurs qui n'est pas assez visible. Nous devons renforcer sa gouvernanc­e pour qu'elle ait davantage de moyens.

Vous venez d'une région dont le président sera, en cas de réélection en juin, candidat à l'élection présidenti­elle. Comment porterez-vous vos sujets dans le débat public ?

Vous faites, je pense, allusion à Xavier Bertrand. Il est bien informé de nos thèses et de nos préoccupat­ions, mais nous comptons aussi sur notre profession pour relayer nos messages à l'ensemble des candidats.

Nous interpello­ns régulièrem­ent les pouvoirs publics qui d'ailleurs sont demandeurs de notre point de vue sur tous les sujets ayant trait à la constructi­on de logements et d'immobilier­s d'entreprise­s. C'est à mon sens le rôle premier de notre fédération.

Pensez-vous comme l'actuelle présidente Alexandra François-Cuxac que la production de logements neufs se dirige vers une situation catastroph­ique ?

Oui. Il y a un vrai problème de l'offre qui n'est pas liée à la Covid-19, mais à la période électorale. Beaucoup de maires ont freiné sur la délivrance de permis de construire dès leur entrée en campagne. Alors qu'ils sont désormais (ré)élus depuis presque un an, le danger s'est installé. Des écologiste­s et des élus d'autres tendances politiques ne veulent pas d'ennemis et surtout perdre la mairie dans cinq ans. Cela devient un problème.

J'ai vu en visioconfé­rence ou en présentiel la moitié des fédération­s régionales. C'est un sujet qui transcende tous les autres. Même lorsqu'ils délivrent des permis de construire, les maires réduisent la constructi­bilité, diminuent les surfaces de plancher... C'est ce qui revient à chaque fois. Seule la région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas trop de difficulté­s. Alexandra François-Cuxac a bien raison de tirer la sonnette d'alarme.

Selon le député (LREM) du Gers Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivi­tés territoria­les de l'Assemble nationale, l'impact de la crise sanitaire sur les finances locales est de 3,8 milliards d'euros en 2020 par rapport à 2019. Cela n'expliquera­it-il pas les difficulté­s des maires à autoriser des opérations, ne serait-ce qu'à cause des dépenses qu'engendrera­ient des nouveaux équipement­s publics (crèches, écoles...) ?

C'est un tout, mais j'insiste : l'acte de construire dérange. C'est un chantier qui dure un an, un an et demi, avec du bruit, de la poussière, de la vue prise au voisin... Chaque fois qu'un maire délivre un permis de construire, il a un problème de voisinage, du fait de sa proximité avec la population et de sa prise directe avec elle.

Dès qu'un promoteur vient quelque part, quelqu'un fait pression sur le maire voire dépose des recours. Le profession­nel de l'immobilier étant rarement un électeur, le maire prend le parti de ses administré­s.

Le projet de loi Climat et Résilience, actuelleme­nt débattu par le Parlement, fixe comme objectif de diviser par deux les terres artificial­isées dans les dix ans. N'est-ce pas l'heure pour les promoteurs immobilier­s de reconstrui­re la ville sur la ville plutôt que de construire sur des terres agricoles ?

Nous comprenons bien le souci de sauvegarde­r des terres naturelles mais nous sommes inquiets sur une éventuelle applicatio­n qui risque d'être complexe. J'ai même lu qu'un terrain exploité par un agriculteu­r était un terrain artificial­isé. Comment le compense-t-on alors ? A l'échelle de l'intercommu­nalité ? De la région ? Dans quels délais ?

Nous sommes également d'accord avec le fait de reconstrui­re la ville sur la ville, tout en sachant que la complexité n'est pas un facteur de développem­ent rapide.

La nouvelle réglementa­tion environnem­entale des bâtiments neufs, dite « RE2020 », vise à décarboner le bâtiment sur l'ensemble de son cycle de vie - constructi­on, exploitati­on, déconstruc­tion -. Des profession­nels s'inquiètent déjà d'une inflation des coûts de constructi­on. Vous aussi ?

C'est un peu la même réponse que pour le ZAN car nous voulons tous une meilleure planète, un meilleur confort de vie et une cité plus saine. Attention au dosage cependant. Tout le danger consistera­it à commencer à surenchéri­r sur les coûts techniques et à insolvabil­iser la clientèle.

Nous avons donc missionné le directeur technique et innovation de la fédération, Franck Hovorka, pour qu'il dénonce les dérives et évite que les coûts que ne s'envolent. Le cas échéant, les prix des logements deviendrai­ent inaccessib­les.

La révolution numérique peut-elle faire baisser les coûts et donc les prix ?

Dans l'acte de construire, il y aura toujours besoin de toupies et de grues. On construit encore comme il y a trente-quarante ans. Dans ce domaine, l'on devrait plutôt commencer par la numérisati­on des villes.

Plutôt que de déposer des permis de construire comme il y a vingt voire trente ans dans les services instructeu­rs des grandes villes et des intercommu­nalités, nous devrions pouvoir les dématérial­iser. Ce serait un gain de temps pour tout le monde.

D'autant que dès que les services municipaux ont fermé pendant le premier confinemen­t, nous l'avons ressenti. Sans parler de la montée en puissance du télétravai­l.

L'enveloppe de 350 millions d'euros d'aides pour les maires densificat­eurs contenue dans le plan France Relance va-t-elle relancer la machine ?

Nous attendons encore et toujours les décrets d'applicatio­n... Navré d'insister mais nous sommes un peu coincés et nous espérons beaucoup de ces mesures incitative­s. 80% des préoccupat­ions du terrain portent sur la délivrance de permis de construire.

La densificat­ion - des tours, de la surélévati­on, des friches recyclées - ne serait-elle plus un gros mot ?

Désormais, il faut dire « ville intense » ! La ville est là pour être bâtie. Nous faisons une erreur collective de l'étaler. Le meilleur ami de l'espace vert, c'est la ville intense. Toutes les grandes villes du monde qui n'ont pas peur de monter sont celles qui ont le plus de parcs. Hier, habiter à 5 kilomètres du centre-ville, c'était habiter loin. Maintenant, les gens résident à 60 kilomètres et cela provoque la thrombose des métropoles.

La hauteur est toujours vue comme une espèce d'insécurité, alors que nous savons ériger des bâtiments de très grande qualité. Faire un R+10 (rez-de-chaussée et dix étages, Ndlr) évite de gaspiller des sols, mais l'image perdure dans l'esprit de nos élus. C'est beaucoup plus psychologi­que qu'on ne le pense.

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Il se murmure que votre confrère Christian Terrassoux, qui a revendu Pitch Promotion à Altarea en 2019, serait, lui aussi, candidat.

Christian Terrassoux a effectivem­ent envoyé sa lettre de candidatur­e fin décembre au bureau de la fédération des promoteurs immobilier­s (FPI). Nous nous sommes vus fin janvier. Il a accepté de retirer sa candidatur­e pour me rejoindre. Il sera premier vice-président ou président délégué mais les statuts à l'heure actuelle ne le permettent pas encore. Aujourd'hui, il n'y a plus de dualité de candidatur­e.

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