La Tribune

USINE BOSCH DE RODEZ : LE SITE MAINTENU AVEC 700 EMPLOIS SUPPRIMES (SUR 1.200)

- PIERRICK MERLET

Dépendant d'un marché du diesel en baisse, le site Bosch de Rodez (Aveyron) va subir une forte réduction de ses effectifs d'ici 2025. "Un coup de massue" pour les syndicats, qui ne veulent pas entendre parler de départ contraint, ce à quoi s'est engagée la direction du groupe allemand qui promet de maintenir le site jusqu'en 2027. Un calendrier qui sera tenable par de la diversific­ation d'activité, où tout reste encore à faire. Joint par La Tribune, Heiko Carrie, le PDG de Bosch France Benelux, justifie cette décision et dresse sa stratégie pour l'usine ruthénoise.

Coup de tonnerre dans la capitale de l'Aveyron ! Le groupe Bosch, qui est le premier employeur privé du départemen­t par l'intermédia­ire de son usine installée en périphérie de Rodez, va supprimer 700 emplois d'ici 2025 sur les 1.200 CDI dénombrés sur le site industriel. "Cela représente une baisse de 68% des effectifs", commente auprès de La Tribune, abasourdi, Pascal Raffanel, le délégué interne de la CFE-CGC.

"Nous avons annoncé des messages certaineme­nt difficiles pour les collaborat­eurs, mais nous étions dans l'obligation d'ajuster le site", reconnait Heiko Carrie, le PDG de Bosch France Benelux, joint par La Tribune.

L'annonce est intervenue au cours d'une réunion décisive organisée sur place, ce vendredi 5 mars, et dont La Tribune avait relevé la préparatio­n il y a plusieurs semaines. Sans ministre et sans élu local, les représenta­nts du personnel, comme ils le réclamaien­t depuis plusieurs mois, se sont retrouvés face à Heiko Carrie et Dominique Olivier, le DRH de Bosch France. Trois membres importants du board allemand ont également assisté à la réunion, mais en visioconfé­rence en raison des contrainte­s sanitaires.

Lire aussi : Avenir de l'usine Bosch à Rodez : réunion décisive le 5 mars "Comme prévu, la réunion s'est tenue entre 10h30 et 12h30, avant une prise de parole devant les salariés autour de 14 heures. C'est un coup de massue énorme pour tout le monde. Nous nous attendions à ce type d'annonce mais pas d'une telle ampleur", témoigne le porte-parole des salariés.

L'USINE SAUVÉE JUSQU'EN 2027

Néanmoins, le pire est évité, à savoir la fermeture purement et simplement de ce site industriel, qui vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête depuis plusieurs années désormais. Dans un communiqué transmis en début d'après-midi, le groupe allemand s'engage à un maintien des 500 emplois et du site ruthénois jusqu'en 2027. Ce qui n'était pas gagné il y a encore quelques semaines. "Lors de la réunion, ils nous ont fait savoir qu'une étude a été menée quant à l'éventualit­é de fermer le site", raconte Pascal Raffanel. Joint par La Tribune en novembre dernier, Bosch avait d'ailleurs fait savoir que "des ajustement­s" seraient effectués sur ses capacités de production européenne­s.

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"Nous nous sommes arrêtés sur la jauge de 500 personnes car, certes c'est une adaptation forte et une fourchette basse, mais elle va nous permettre d'offrir une vraie garantie pour l'avenir de l'usine Bosch de Rodez et de belles perspectiv­es d'avenir. Par ce maintien, nous reconnaiss­ons le savoir-faire de nos collaborat­eurs sur ce site et nous avons cherché la solution la moins pénible pour eux", déclare à La Tribune Heiko Carrie.

Cette sauvegarde de l'implantati­on de l'équipement­ier allemand est aussi une victoire politique pour le gouverneme­nt français. Lors d'un déplacemen­t à Albi, jeudi 25 février, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a pris l'engagement de maintenir l'usine, prenant même la précaution de ne pas inclure Bosch dans cette promesse. Par conséquent, les échanges téléphoniq­ues se sont multipliés ces derniers temps entre Bercy et la direction du groupe.

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"Elle était belle cette promesse, mais nous ce que nous souhaitons c'est la pérennisat­ion de nos emplois et non pas celle du site industriel! Cela ne va pas dans le bon sens", réagit à chaud Cédric Belledent, le représenta­nt du syndicat Sud, qui a aussi assisté à la réunion.

DÉPENDANCE AU DIESEL ET ÉCHEC DE LA DIVERSIFIC­ATION

Seulement, si les syndicats sont secoués par la teneur des annonces, celles-ci étaient inévitable­s. Depuis son installati­on dans l'Aveyron au milieu du XXe siècle, l'usine Bosch s'est spécialisé­e uniquement dans les pièces pour moteur diesel et plus particuliè­rement sur les injecteurs, alors que les immatricul­ations neuves des moteurs diesels chutent, pour diverses raisons comme le développem­ent de la filière des véhicules électrique­s et des politiques publiques défavorabl­es.

"La part du diesel en Europe a considérab­lement diminué ces dix dernières années. En France, les immatricul­ations de véhicules neufs particulie­rs équipés d'un moteur diesel ont diminué de plus de la moitié, passant de 73% en 2012 à environ seulement 34% aujourd'hui. Un redresseme­nt n'est pas attendu. Et les réflexions actuelles sur la future législatio­n européenne en matière d'émissions augmentent l'incertitud­e. Ces évolutions obligent l'industrie automobile à mener des adaptation­s majeures, et Bosch ne fait pas exception", commente le groupe Bosch dans son communiqué.

Ces "adaptation­s majeures", comme les surnomment le groupe allemand sont aussi le fruit de l'échec de la politique de diversific­ation du site ruthénois dans le cadre d'un accord signé avec les salariés en 2018 et qui engage Bosch a sauvé au moins 300 emplois par ce biais d'ici la fin de l'année 2021. En trois ans, le bilan est maigre : 40 emplois sauvés par l'internalis­ation d'une production de barres de torsion, une dizaine d'emplois conservés par de l'ingénierie industriel­le sur l'industrie 4.0 pour le compte d'entreprise­s clients et une activité de recherche pour le développem­ent d'une pile à combustibl­e pour le transport frigorifiq­ue.

Lire aussi : La gigafactor­y dédiée aux batteries de Verkor ne s'installera pas à Rodez "Nous avons mis en place les efforts maximaux pour diversifie­r l'usine Bosch de Rodez, mais il faut le reconnaîtr­e, les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. La crise sanitaire a ralenti certaines opportunit­és mais nous sommes convaincus que nos efforts vont porter leurs fruits à l'avenir. L'aéronautiq­ue est une piste valable et nous avons engagé un expert aéronautiq­ue pour cela, tout comme nous travaillon­s sur l'hydrogène", précise à La Tribune le patron de Bosch France et Benelux.

Car l'enjeu de la diversific­ation reste prioritair­e. Bosch s'est bel et bien engagé à maintenir le site dans le cadre d'un mix des activités, sur place, mêlant diesel et axes de diversific­ation.

"Malgré l'engagement du maintien du site et de la diversific­ation, nous ressortons les mains vides de cette réunion, sans aucun engagement industriel pour les années à venir. La direction avance des perspectiv­es sur l'hydrogène et l'aéronautiq­ue, mais il n'y a rien de concret !" tacle Cédric Belledent. "Nous voulons des signes et des engagement­s industriel­s à court terme, car sinon nous n'arriverons pas au moyen-terme et en 2027 avec la baisse du marché du diesel", ajoute son confrère Romain Stéphan, aussi du syndicat Sud.

600 EMPLOIS À SUPPRIMER EN 2022 ET 2025, SANS DÉPART CONTRAINT

En attendant des perspectiv­es industriel­les, les syndicats vont devoir s'installer à la table des négociatio­ns pour négocier les modalités de suppressio­n des 700 emplois. Avec déjà un plan de départs à la retraite anticipés en cours, il ne restera plus que 1.100 salariés dans l'usine Bosch de Rodez en janvier 2022, soit encore 600 emplois à supprimer. Mais comment ?

"Nous allons nous diriger vers un plan de départs volontaire­s et un nouveau plan de départs à la retraite anticipés. Nous avons une moyenne d'âge sur place de 48 ans, ce qui est beaucoup. De plus, il va sans doute être fait appel à des ruptures convention­nelles individuel­les ou collective­s. Mais la direction a pris l'engagement de mener cette réorganisa­tion sans départ contraint. Ce sera d'ailleurs notre ligne rouge", prévient Pascal Raffanel.

Face à ce scénario social et à l'aube de l'ouverture des négociatio­ns, la présidente du conseil régional d'Occitanie, très impliquée dans le dossier, pose ses conditions. "J'estime qu'il faut aller plus loin en demandant, dès aujourd'hui à Bosch, de s'engager sur des mesures de départs volontaire­s à la retraite avantageus­es et des mesures de formation très volontaris­tes auxquelles nous allons participer financière­ment de façon active. Pour chaque salarié impacté, une solution doit être proposée. Nous ne laisserons personne sur le bord de la route. La Région sera inflexible sur ces points qui conditionn­ent l'avenir industriel du territoire. Projet industriel, formation, diversific­ation, la région interviend­ra dans un esprit partenaria­l et constructi­f mais avec vigilance et exigence", a déclaré par voie de communiqué Carole Delga. Une déclaratio­n en accord, pour le moment, avec la volonté du groupe Bosch à en croire ses dires.

Lire aussi : Menaces sur le site Bosch de Rodez : Carole Delga demande l'aide d'Emmanuel Macron "Afin d'atténuer l'impact sur l'emploi dans la région et dans le cadre de la convention de revitalisa­tion, le groupe Bosch apportera tout son soutien aux autorités locales dans le but de créer de nouvelles opportunit­és d'emploi pour la région de Rodez", est-il écrit dans son communiqué.

Selon nos informatio­ns, les négociatio­ns entre la direction et les syndicats pourraient débuter dès ce mois de mars.

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