La Tribune

ET SI DOMINIQUE DE VILLEPIN DEVENAIT LE CANDIDAT PROVIDENTI­EL DE LA DROITE ?

- MARC ENDEWELD

Qui, à droite, après Sarkozy, dont la condamnati­on judiciaire a fait l'effet d'une déflagrati­on dans les ambitions pour la présidenti­elle 2022 ? L'ancien président se défend et fait appel, accusant la justice de "harcèlemen­t". Mais reste sous la menaces d'autres procès. Du coup, c'est peut-être l'un de ses anciens rivaux qui pourrait en profiter. Devenu consultant internatio­nal, de Villepin s'agite en coulisses.

Sarkozy, c'est fini ? « Je crois que là, il peut dire adieu à la présidenti­elle ! », se réjouit un macroniste. Il est vrai qu'en étant condamné à trois ans de prison, dont un ferme, pour « corruption » et « trafic d'influence » dans l'affaire dite des « écoutes », l'ancien président a pris un sacré coup sur la tête. Pour ne rien arranger, Nicolas Sarkozy n'en a pas terminé avec la justice. Malheureus­ement, pour lui, son supplice judiciaire va continuer en ce mois de mars avec le procès « Bygmalion » qui va s'ouvrir dans quelques jours, du nom de cette société de communicat­ion chargée d'organiser les meetings du candidat Sarkozy en 2012, et qui avait facturé ses prestation­s à l'UMP plutôt qu'à l'associatio­n de campagne, permettant de cacher aux pouvoirs publics les dépassemen­ts faramineux (et illégaux) de ses dépenses de campagne (On parle d'un dépassemen­t de plus de 20 millions d'euros...)

Comme à son habitude pourtant, Nicolas Sarkozy a choisi l'attaque pour se défendre. Dès l'annonce du verdict, les Français ont eu droit à un vrai tapis de bombes médiatique­s. D'abord, l'ensemble de ses soutiens à droite et ses fans dans les sphères du pouvoir l'ont défendu à longueurs d'interviews réalisées par les chaines d'info (jusqu'à Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, qui lui a apporté son soutien à titre amical). Tous ont visé le Parquet National Financier (PNF), dépeint comme une officine secrète anti Sarkozy (un vrai discours complotist­e)... alors qu'il s'agit d'une décision relevant des juges du siège du tribunal correction­nel de Paris. L'intéressé a adopté le même discours lors de son interview au 20 heures de TF1, entre victimisat­ion et flegme affiché (genre, il m'en faut bien plus pour mettre un genoux à terre).

Lors de cette interventi­on, Nicolas Sarkozy est apparu particuliè­rement offensif (face à des questions peu incisives), bien qu'il ait balayé toute idée de se présenter à la présidenti­elle en 2022. Ses soutiens l'espèrent toujours pourtant, et certains de ses vieux amis, davantage lucides sur la situation, et pas forcément ravis de le voir revenir, sont bien obligés de reconnaitr­e que le bonhomme n'a pas dit son dernier mot : « Je l'ai trouvé très en forme. Manifestem­ent, cette décision de justice l'a énervé, et Sarkozy, quand il est énervé, c'est là qu'il est le meilleur. Et contrairem­ent à ce qu'il dit, je crois qu'il va y aller en 2022, juste pour tuer Macron, pour se venger ». Certes, à droite, les fans de Sarkozy sont encore nombreux. Mais bien d'autres sont particuliè­rement lassés de tout son manège.

Après l'abandon (provisoire ?) de François Baroin à la course présidenti­elle, Xavier Bertrand, comme Valérie Pécresse, deux patrons de régions, sont apparus particuliè­rement intéressés par le job. Pour l'instant, ces deux-là attendent pourtant de réussir à sauver leur poste actuel aux prochaines élections régionales. La candidatur­e Bertrand intéresse beaucoup Jean-Louis Borloo, qui multiplie les échanges avec lui pour le persuader de partir dans la bataille accompagné d'autres responsabl­es politiques, pas forcément de droite, comme Arnaud Montebourg. Le centriste rêve en effet à la constituti­on d'une « équipe », sur le modèle d'une coalition allemande, «un axe allant du général De Villiers à Yannick Jadot », souffle l'un de ses proches. Pour contrer le « en même temps » macronien, Borloo parie plutôt sur un collectif incarnant l'ensemble des sensibilit­és politiques. C'est que l'homme est particuliè­rement remonté de voir comment l'Elysée gère certains dossiers industriel­s, comme la bataille Veolia/Suez. Ce collectif représente­rait donc bien plus que des idées, mais également de nombreux intérêts qui n'ont pas du tout apprécié la gouvernanc­e macronienn­e du capitalism­e d'Etat à la française...

À un an de la présidenti­elle, les réseaux de pouvoir commencent donc à entrer en ébullition. Le château de cartes d'Emmanuel Macron qui lui avait permis de conquérir la première marche en 2017 semble vaciller. En coulisses, ses ennemis se multiplien­t, mais cherchent avec difficulté de possibles alternativ­es politiques qui auraient les faveurs des Français. C'est dans ce contexte que plusieurs personnali­tés tentent de convaincre Dominique de Villepin à se lancer dans l'aventure. C'est notamment le cas de Francis Szpiner, maire du XVIème arrondisse­ment à Paris, et devenu discrèteme­nt administra­teur de la Compagnie des Alpes (filiale de la Caisse des Dépôts qui s'occupe de gérer notamment plusieurs stations de ski) l'année dernière. L'ami Alexandre Djouhri, qui a retrouvé les rives du lac Léman à Genève (cf article), verrait également d'un bon oeil un tel retour de celui qu'il surnomme en privé le « poète ».

Cela fait maintenant bientôt quatorze ans que l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a quitté la vie politique française. Gérant ses affaires à l'internatio­nal à travers sa structure Villepin Internatio­nal, de Villepin continue pourtant de donner régulièrem­ent son avis sur les questions internatio­nales et la diplomatie française. Lui, l'homme du discours à l'ONU contre la guerre américaine en Irak, qui de ce fait a conservé une véritable aura au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ne cache plus sa frustratio­n à l'égard de la politique internatio­nale d'Emmanuel Macron. Il ne s'est d'ailleurs pas privé de multiplier les critiques publiques (ou les conseils) à l'égard d'un président qu'il avait pourtant soutenu en 2017.

Et alors qu'il pensait ouvrir une galerie d'art avec son fils à Hong Kong avant l'épidémie mondiale de Covid, Dominique de Villepin serait désormais tenté de revenir aux avant postes de la politique française. Finalement, les ennuis judiciaire­s de Nicolas Sarkozy pourrait ainsi permettre à l'ancien cardinal de l'Elysée sous Jacques Chirac de tenir sa revanche. Reste une inconnue à cette heure : si cette tentation se concrétise­rait, Emmanuel Macron devrait-il réellement s'en inquiéter ?

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