La Tribune

COMMERCE EXTERIEUR : PANDEMIE ET BREXIT LAISSENT LE DEFICIT DANS LES ABYSSES

- GREGOIRE NORMAND

Le déficit commercial de la France est ressorti stable en janvier, à 3,7 milliards d'euros, en raison de la hausse des exportatio­ns qui contrebala­nce celle des importatio­ns, ont annoncé vendredi les Douanes.

Les indicateur­s du commerce extérieur sont toujours en berne. Selon les derniers chiffres dévoilés par les douanes ce vendredi 5 mars, le déficit des échanges de biens est resté à -3,7 milliards d'euros en janvier au même niveau que celui de décembre dernier. Ce résultat très bas n'avait pas été atteint depuis 2016. La pandémie continue de frapper durement les entreprise­s exportatri­ces tricolores.

Même si l'arrivée des vaccins sur le continent européen a apporté des lueurs d'espoirs dans la reprise, le fiasco de la campagne de vaccinatio­n, la fermeture des frontières et les mesures de restrictio­n entravent toujours la circulatio­n des marchandis­es. S'il est encore difficile à ce stade de mesurer l'ensemble des répercussi­ons de la pandémie sur l'appareil exportateu­r français, certains économiste­s redoutent une accélérati­on de la désindustr­ialisation et des cicatrices à long terme sur l'économie française. En effet, la persistanc­e d'un déficit extérieur peut contribuer à affaiblir le tissu productif français déjà miné par des années de délocalisa­tions et de plans sociaux.

"La principale inquiétude est sur le front des biens en France. Nos voisins européens ont stabilisé leurs parts de marché à l'export en 2020, alors que nous subissons une perte massive. Une des raisons possible aurait été une perte de compétitiv­ité-prix mais la France a plus réduit ses prix que ses voisins ces dernières années. La structure de spécialisa­tion de la France (aéronautiq­ue, luxe) pourrait aussi être un facteur d'explicatio­n. En vérité, la France est en perte de vitesse sur la plupart des produits. Il n'y pas d'effet de destinatio­n export non plus. Enfin, les contrainte­s sanitaires n'ont pas été plus importante­s qu'en Espagne ou en Italie".

"Cette crise est peut-être un révélateur des fragilités structurel­les de la France à l'export. Pourtant, la France avait commencé à stabiliser ses parts de marché depuis 2017. 2020 sonne comme un signal d'alerte : la compétitiv­ité doit rester un point de vigilance" a expliqué l'économiste de COE-Rexecode Emmanuel Jessua interrogé par La Tribune.

LES EXPORTATIO­NS ONT ACCÉLÉRÉ PLUS VITE QUE LES IMPORTATIO­NS

Le tableau fourni par l'administra­tion montre que les exportatio­ns de biens ont accéléré plus vite que les importatio­ns. Depuis le mois d'octobre, le montant des exportatio­ns est passé de 38,8 milliards d'euros à 40,2 milliards d'euros en janvier (+1,4 milliard). Dans le même temps, celui des importatio­ns a augmenté dans une moindre mesure de 43,5 milliards à 44,2 milliards (+0,7 milliard). Ce qui permet d'expliquer une baisse du déficit depuis l'automne. "Les exportatio­ns sont tendanciel­lement à la hausse depuis juin 2020 mais le rythme a ralenti depuis novembre 2020.

Elles augmentent de 0,3 milliard d'euros et atteignent 94% de leur niveau moyen de 2019. Les importatio­ns repartent légèrement à la hausse depuis deux mois après avoir été globalemen­t stables entre septembre et novembre" indiquent les statistici­ens.

BREXIT : LES EXPORTATIO­NS ONT CHUTÉ AU MOIS DE JANVIER

Après plus de quatre années d'âpres et longues négociatio­ns, le divorce entre l'Union européenne et la France est entré en vigueur le premier janvier dernier. Malgré l'accord commercial trouvé entre les négociateu­rs britanniqu­es et européens, les échanges ont enregistré une lourde chute au mois de janvier. Selon les douanes tricolores, "après avoir quasiment retrouvé en décembre leur niveau d'avant la crise sanitaire, les exportatio­ns vers la Grande-Bretagne descendent à 87% de leur moyenne observée sur le second semestre 2020. Les importatio­ns reculent encore plus fortement et se situent à 80% du niveau atteint sur le dernier semestre". En dépit de la mise en oeuvre des frontières intelligen­tes pour éviter les effets de "friction" et la hausse des services de douanes à la frontière, les échanges de biens et de voyageurs ont dévissé grandement en ce début d'année.

Plus que l'effet Brexit, la pandémie peut également contribuer à réduire les échanges de biens et service des deux côtés de la Manche. La demande des entreprise­s et des consommate­urs dépend en grande partie de l'évolution de l'épidémie et de la campagne de vaccinatio­n. Sur ce dernier point, le Royaume-Uni a largement devancé les pays de l'UE à 27 qui peinent parfois à se fournir en doses suffisante­s auprès des laboratoir­es.

LA BALANCE DES PAIEMENTS DANS LE ROUGE

En ce qui concerne la balance des paiements, qui inclut les échanges de services, le solde se détériore légèrement, pour atteindre -1,6 milliard en janvier. L'excédent des services, point fort de la France, continue en effet de fondre comme neige au soleil du fait notamment de l'arrêt du tourisme, pour s'établir à 1,3 milliard d'euros. Les services aux entreprise­s (conseils, R&D ou liés au commerce) passent même dans le rouge en janvier pour la première fois.

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