La Tribune

AQUITAINS D'AILLEURS : L'IRLANDE FAIT LES YEUX DOUX AUX ENTREPRISE­S DECUES DU BREXIT

- EMMANUEL LANGLOIS

Dublin va-t-il détrôner Londres ? Avec la sortie du Royaume-Uni de l'Europe, les entreprise­s se pressent en tout cas au portillon pour déménager en République d'Irlande, un mouvement que le Rochelais Franck Brunet accompagne depuis plusieurs années.

Depuis les dernières fêtes de fin d'année, son téléphone n'arrête pas de sonner ! Franck Brunet reçoit, dit-il, dix à quinze appels par jour. "Jusqu'à il y a quelques semaines, certains croyaient encore que le Royaume-Uni n'allait pas sortir de l'Europe", témoigne le Français. "Au départ, c'étaient des signaux faibles mais tout le monde s'y est finalement pris au dernier moment. Les banques ont aussi pas mal poussé leurs clients à basculer sur l'Irlande." Car les règles pour créer et gérer son entreprise sont semblables dans les deux pays, quasiment du copié-collé.

La différence de taille, en revanche, c'est que l'Irlande reste en Europe, avec l'euro pour monnaie et un taux d'imposition sur les sociétés très avantageux comparé à la France par exemple. Monter sa boîte à Dublin ou Cork est rapide et peu coûteux. "Cela vous laisse ainsi du temps pour développer votre activité", suggère Franck Brunet. "La mentalité est vraiment à l'anglo-saxonne ici : on vous fiche la paix pour travailler." Avec un taux de chômage inférieur à 5 % avant la crise, l'Irlande (aujourd'hui toujours confinée pour cause de Covid-19) était en situation de plein emploi.

DUMPING FISCAL

C'est essentiell­ement le secteur du digital et du e-commerce qui attire les sociétés étrangères, des startups spécialisé­es dans la vente à distance de produits ou de services comme des formations. On trouve aussi beaucoup de plateaux de télémarket­ing à la recherche d'employés francophon­es. "Souvent, ces petites sociétés n'ont pas d'actifs : ni salariés, ni bâtiment", reconnaît Franck Brunet. "Ici, on n'a pas besoin de bureau physique mais les autorités irlandaise­s exigent une activité réelle. Elles font le tri entre les vrais entreprene­urs et les simples boîtes aux lettres sans compte bancaire. Il y a vraiment cette notion de domiciliat­ion et d'implantati­on."

Beaucoup de ces sociétés du numérique sont aussi sous-traitantes des géants américains de l'internet qui ont installé en Irlande leur siège européen, comme Apple (à Cork), Facebook ou Twitter, attirés par la politique de dumping fiscal du gouverneme­nt irlandais. Des secteurs plus traditionn­els sont aussi représenté­s comme l'aéronautiq­ue, les télécoms ou les laboratoir­es pharmaceut­iques.

L'IRA DANS TOUTES LES MÉMOIRES

La société de conseil en stratégie de Franck Brunet compte quatre bureaux en Irlande. Depuis 2008, ses équipes (douze personnes aujourd'hui) ont accompagné 1.700 entreprise­s, essentiell­ement belges et françaises, dans leur installati­on en Irlande. Lui a définitive­ment quitté La Rochelle pour Dublin il y a huit ans. L'autre conséquenc­e du Brexit est d'avoir ravivé ici des souvenirs de lutte et de terrorisme en Irlande du Nord, désormais hors de l'Europe puisque appartenan­t au Royaume-Uni. Les années sanglantes de la guerre et des attentats de l'IRA (Armée républicai­ne irlandaise), dont l'épilogue remonte seulement à la fin des années 90, sont dans les mémoires de toutes les familles ici.

A tel point que les autorités des deux pays ont renoncé à matérialis­er la frontière qui les sépare depuis le 1er janvier. "Et comme tout le monde constate que le Brexit est une catastroph­e économique pour tout le Royaume-Uni, en particulie­r l'Irlande du Nord, plus personne ici n'ose parler de sortir de l'Europe !", assure Franck Brunet. On comptait environ 300.000 Français installés en Angleterre fin 2020. Il faudra un peu de temps pour dire combien ont franchi le pas vers l'Irlande.

Lui écrire : contact@societe-france-irlande.com

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