La Tribune

LE BUSINESS-MODELE TRES BTOB DU FESTIVAL D'AIX-EN-PROVENCE

- LAURENCE BOTTERO

C’est l’un des rendez-vous culturels le plus ancré sur son territoire. Un événement reconnu pour porter l’opéra dans sa diversité et son innovation. Mais la disruption n’est pas que sur scène, elle est aussi dans la structurat­ion d’un modèle économique qui s’appuie majoritair­ement sur le financemen­t privé, le mécénat et le soutien des entreprise­s. Un modèle qui montre sans doute la voie à suivre…

A plus de 70 ans, le Festival d'Aix-en-Provence revendique une modernité qui apporte une certaine fraîcheur dans le vaste monde de l'art. Né en 1948, il ne fait pas que valoriser l'opéra et en démontrer toute la capacité à être un art innovant. Il applique lui-même cette capacité à la disruption en coulisses, là où tout se prépare, là où tout se finance.

Comme tout événement culturel, le Festival n'a d'existence qu'en s'appuyant sur un modèle économique qui soit capable de lui apporter la ressource nécessaire pour recréer, à chaque saison, la magie.

Le financemen­t de la culture est un très vaste sujet qui prête à débat. Souvent considérée comme ne pouvant être rentable et viable qu'en passant par la case subvention, la culture en est réduite à cette image.

Une image que vient contredire le Festival d'Aix-en-Provence dont le budget est, à 70%, financé par le mécénat, la billetteri­e et les co-production­s. Un financemen­t vertueux qui tient à une stratégie régulièrem­ent challengée.

L'INVESTISSE­MENT DES JEUNES MÉCÈNES

C'est à cela que répond par exemple la création du Club des jeunes mécènes. Si on comprend bien que le mécénat est souvent porté par des entreprene­urs et des acteurs économique­s, il y avait bien un trou dans la raquette, ces entreprene­urs entre 25 ans et 40 ans, désireux de s'impliquer mais pour lesquels il était plus difficile de s'inscrire dans le programme de mécénat habituel. « C'est là que se trouve le public de demain », souligne Mathias Coullaud, nouvelleme­nt nommé à la direction de mécénat et du développem­ent du Festival. « Nous essayons d'animer ce club avec des événements pensés pour eux. Nous avons également plusieurs ambassadeu­rs, à Paris, des influenceu­rs relais. Bientôt aussi, un parrain médiatique ».

S'appuyer sur un modèle économique solide est nécessaire pour financer ce qui fait la particular­ité du Festival d'Aix-en-Provence. « Nous fabriquons tout, les costumes, les décors », rappelle Mathias Coullaud. « Nous nous devons d'offrir le meilleur spectacle possible ».

Face au mécénat traditionn­el, la petite révolution est l'esprit philanthro­pique, « qui s'infiltre » de plus en plus. Si auparavant, entreprise­s et fondations étaient les financeurs premiers du mécénat, la tendance s'est inversée. « Cet esprit est partout », note Mathias Coullaud. L'engagement personnel est finalement, en quelque sorte, la plus jolie récompense. Avec des effets domino. Car un mécène privé est aussi un dirigeant, il possède aussi peut-être une fondation.

Le mécénat, socle du modèle économique, vit au travers du club Campra, institué il y a plus de 15 ans et qui réunit les entreprise­s du territoire, désireuses de porter leur contributi­on au rayonnemen­t culturel du Festival. « 48% du public est originaire du territoire », tient à souligner Mathias Coullaud, tordant le cou à l'idée que le Festival d'Aix-en-Provence est « parisien ». Et de rappeler que« nous sommes l'un des rares événement culturel français à avoir été créé par un mécène... »

CONFORTER L'AURA INTERNATIO­NALE

S'il est ancré sur le territoire, le Festival ne bénéficie pas moins d'une aura à l'internatio­nal, notamment, notamment en Europe et aux Etats-Unis, grâce au soutien de mécènes anglais et américains. La Suisse, l'Allemagne, l'Autriche ou encore le Nord de l'Italie sont des axes à travailler. « Cela est très important pour moi », dit Mathias Coullaud.

Qui imagine aussi valoriser la philanthro­pie féminine, « qui traverse le spectre du mécénat ».

« Nous sommes regardés et écoutés. Nous sommes connus pour notre stratégie du mécénat. Nous sommes sur un modèle économique particulie­r en France ». Pour le moment... Un modèle qui pourrait bien inspirer ailleurs et qui répond à une évolution du financemen­t de la culture, la crise et les resserreme­nts budgétaire­s imposant, volontaire­ment ou non, des changement­s de paradigmes.

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