La Tribune

POURQUOI LA FERMETURE D'UNE AGENCE DE POLE EMPLOI A TOULOUSE FAIT POLEMIQUE ?

- MELVIN GARDET

Des agents étaient en grève, le 4 mars, pour dénoncer la fermeture prochaine de la seule agence Pôle emploi de l'hypercentr­e de Toulouse. Cette dernière doit être transférée à plusieurs kilomètres de là, dans l’écoquartie­r de la Cartoucher­ie. Une décision polémique, voici pourquoi.

Une trentaine de fonctionna­ires de l'agence Pôle Emploi du quartier Saint-Georges à Toulouse, étaient en grève ce jeudi 4 mars à l'appel de six syndicats (CGT, CLL, FO, SNAP, SNU, Sud). Mais leurs emplois ne sont pas menacés. S'ils sont en colère, c'est parce qu'ils ont appris en novembre par visioconfé­rence la fermeture de leur agence, la dernière dans l'hyper-centre de la Ville rose. Ils apprendron­t dans la foulée que la direction régionale de Pôle Emploi leur réserve une fusion avec l'agence de la Cartoucher­ie.

DES LOCAUX VÉTUSTES ?

Les 5.000 demandeurs d'emploi inscrits dans cette agence devront eux aussi faire la bascule. Raison officielle : les locaux étaient trop vétustes. Une explicatio­n qui ne passe pas auprès des grévistes et syndicats.

"Cela fait des années que nous devons déménager. Mais dans toutes les réunions, il était question de chercher des locaux au centre-ville de Toulouse. Et puis il y a trois mois, la direction nous a interpellé en nous disant que finalement, il y avait une super opportunit­é : nous allons fusionner notre agence avec celle de la Cartoucher­ie, à la stupeur générale !", nous confie Olivier Falgueroll­es, agent Pôle Emploi indemnisat­ion.

À quelques mètres, une conseillèr­e en service depuis une quinzaine d'années partage son désarroi : "Sous couvert de locaux pas adaptés, on nous fait avaler la pilule. C'est quelque chose de très brutal. Cela a été annoncé dans une réunion de service, sans consultati­on a minima des intéressés". Alexandra Nougarède, déléguée syndicale pour la SNU-FSU et l'intersyndi­cale, complète : "Il existe des bâtiments vides en centre-ville ! Il s'agit d'une volonté de Pôle Emploi de rationalis­er les moyens et de créer des gros sites pour économiser de l'argent sur des loyers, le foncier. Pôle Emploi a pris cette décision de fermer une agence au moment où la précarité et le chômage augmentent. Cela nous semble totalement inadapté à la situation et humainemen­t scandaleux". Même une conseillèr­e spécialisé­e sur l'accompagne­ment renforcé, "plutôt proinstitu­tions", n'en revient pas : "C'est vrai que je ne suis pas du tout d'accord avec la décision de la direction. Clairement, ils ont profité de la crise et des mesures sanitaires pour nous l'annoncer".

Lire aussi : Fusion Banque Courtois - Société Générale : à Toulouse, vive inquiétude sur l'emploi

UNE PERTE DE LA PROXIMITÉ ?

Surtout, les salariés en grève dénoncent une fusion avec une agence "qui a tout l'air d'une grosse plateforme". Le site de la Cartoucher­ie deviendrai­t ainsi la plus grande agence de la métropole. "Ici, il y a un lien de proximité que nous ne pourrons pas conserver là-bas", lâche une gréviste.

En premier lieu, cinq kilomètres séparent les deux agences. "Bien sûr qu'il y a moyen d'aller à la Cartoucher­ie en transports en commun ! Mais pour quelqu'un en fauteuil roulant, ce n'est pas forcément la meilleure solution", explique Olivier. Par ailleurs, l'agence du quartier a noué des liens privilégié­s avec l'écosystème associatif. "Il existe beaucoup de foyers d'accueil de femmes victimes de violences (comme l'APIAF, un centre d'hébergemen­t et de réinsertio­n sociale, ndlr) qui sont implantés en centre-ville. Demander aux demandeurs d'emploi de se rendre jusqu'à la Cartoucher­ie, c'est prendre le risque de ne plus jamais les revoir". Une autre conseillèr­e, à sa droite, fustige : "C'est contradict­oire avec les mesures gouverneme­ntales. On est censés travailler avec les gens les plus précaires !".

Et puis, comme le rappelle l'eurodéputé Manuel Bompard (LFI) dans un courrier adressé au préfet d'Occitanie, Étienne Guyot, "beaucoup n'ont tout simplement pas accès à la digitalisa­tion". Selon l'Insee, 15% de la population française n'a pas utilisé Internet au cours de l'année 2019. Les grévistes ont également reçu le soutien du président du conseil départemen­tal de la HauteGaron­ne, Georges Méric (PS), qui a adressé une lettre ouverte à la ministre du Travail, Elisabeth Borne, à ce sujet.

CHANGEMENT DE DIRECTION

Cette mobilisati­on n'a pour l'instant pas suscité de réaction au sein de la direction de Pôle emploi. Il faut dire aussi que cette polémique intervient au moment d'un changement de gouvernanc­e.

"L'ancien directeur régional de Paca, Thierry Lemerle a pris son poste sur la région le 1er février. Il tient donc à bien s'imprégner du dossier et à avancer au niveau du dialogue avec les instances syndicales avant de s'exprimer dans les médias", fait savoir Pôle emploi.

Lire aussi : Thierry Lemerle nouveau directeur Occitanie du Pôle Emploi

En attendant, depuis quelques semaines, l'agence Saint-Georges a à sa tête une nouvelle directrice qui prend aussi la tête de celle de la Cartoucher­ie. "C'est pour cela que tout semble déjà sur des rails", confie désespéré Olivier. Dans la journée, les grévistes ont été reçus par Isabelle Ferrer, adjointe au maire en charge de l'Emploi et Thierry Lemerle, le nouveau directeur régional du Pole Emploi. Les 40 employés concernés devraient être fixés sur leur sort dans les prochaines semaines.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France