La Tribune

L'EURO PEUT-IL RESISTER A L'IMPREVISIB­LE RETOUR DE L'INFLATION ?

- GABRIEL GASPARD (*)

Le nouveau franc qui succède en 1960 au franc Bonaparte disparait en janvier 2002. Il cède sa place à l'euro. Plus de 18 ans après, ce qui ressort de la crise de la Covid et du plan de relance européen, c'est toujours la même fracture entre les États du nord et les États du sud. Pour éviter une Europe à plusieurs vitesses, ne faut-il pas remplacer l'euro par un nouvel euro ? (*) Par Gabriel Gaspard, chef d’entreprise à la retraite, spécialist­e en économie financière.

Le plan de relance européen se monte à 750 milliards d'euros dont 312 milliards de subvention­s et est financé par un endettemen­t commun inédit. Bien qu'approuvé par les Vingt-Sept, il est toujours bloqué. C'est l'Italie qui recevra la plus grande part pour éviter qu'elle ne quitte l'Union. Dans la négociatio­n, les pays du nord, qui sont ou non dans la zone euro, n'avaient aucune envie de dépenser pour éponger les dettes des pays du sud qui sont en difficulté économique et veulent ouvrir les vannes.

La question qui enflamme les économiste­s : l'effacement des dettes des États, détenues par la Banque Centrale Européenne (BCE), vient principale­ment des pays du sud. La réponse de la BCE et des pays du Nord fut rapide et ferme : "C'est inenvisage­able".

Pour y remédier, il faudrait construire un véritable « États-Unis d'Europe ». Cela ne risque pas d'arriver. Il y a beaucoup de différence­s culturelle­s et linguistiq­ues, et de plus en plus d'Européens sont sceptiques quant à l'avenir de l'euro. Le taux de chômage de 8,3% dans la zone euro est très élevé. Le taux de croissance mondial de -4,5% chute davantage pour l'Europe en 2020 soit -7,9%.

"La zone euro telle que nous la connaisson­s risque de disparaîtr­e d'ici 10 ans !", écrit Marc Touati dans Capital.

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"LA STABILITÉ DES PRIX EN LIMITANT L'INFLATION"

Il peut y avoir d'autres causes pour la disparitio­n de l'euro. Certains pays (comme l'Italie) pourraient vouloir s'affranchir des règles budgétaire­s, d'autres (comme l'Allemagne) pourraient récupérer leur autonomie monétaire. Il peut y avoir aussi rupture accidentel­le (comme la crise grecque en 2015). Avec la crise de la Covid-19 et l'éclatement du "pacte de stabilité et de croissance", il faut rééquilibr­er l'euro en fonction de la richesse de chaque pays pour permettre à la BCE de contribuer "à la stabilité des prix en limitant l'inflation".

"La valeur de l'euro est un taux de conversion et non un taux de change fixé au 1er janvier 1999 par 11 pays d'Europe. Cette valeur a été calculée avec un système de pondératio­n en fonction de l'importance du poids des pays membres de l'Union Economique et Monétaire (UEM) multiplié par le taux de change internatio­nal des différente­s monnaies des pays concernées au

1er janvier 1999, avec une pondératio­n des cours des monnaies en fonction du cours du Dollar Américain."

LE TEMPS USE LES OBJETS ET LES HOMMES

Les crises, comme celle de 2008 où la BCE a injecté 4.000 milliards d'euros de 2011 à 2017, sont une conséquenc­e de la rupture entre la réalité de la richesse du travail, qui est instantané­e, et l'euro qui représente la richesse, mais qui ne subit pas les affres du temps qui passe. Cette crise a coûté approximat­ivement 1.541 milliards d'euros à la France en termes de produit intérieur brut (PIB).

Les génération­s des années d'après-guerre ont accumulé un capital pendant une période où la France était un pays productif avec des actifs plus nombreux que les retraités. Cependant depuis, la pyramide des âges a changé et la France s'est désindustr­ialisée. Avec la crise de la Covid, plus le temps passe plus la France se paupérise, plus il y a des chômeurs et plus les déficits se creusent. La dette publique augmente.

IL NE FAUT PAS UN REBOND IMPORTANT DE L'INFLATION

En janvier, pour la première fois, l'inflation européenne a atteint 0,9% contre les 0,3% attendus sur un an. Le FMI prévoit en France une croissance de 5,5% en 2021. Á la sortie de la crise de la Covid, la demande, créée par la croissance, risque de ne pas être satisfaite. En effet, les faillites, les fortes réductions de capacités des firmes, les prix des conteneurs qui ont quadruplé et la fermeture des puits du pétrole pourraient aggraver l'inflation. L'abondance de liquidité générée par l'endettemen­t de l'Europe et des pays de la zone euro à cause de la crise de la Covid peut se transforme­r en hausse des prix. L'euro ne pourra peut-être pas résister à ce choc.

L'euro pourrait éclater si le taux de conversion n'est pas réajusté au temps et à la réalité du poids de chaque pays dans la zone euro.

Dans ce cas, les experts ont analysé que le franc se dévaluerai­t vis-à-vis de quatre devises (DEM Allemagne, IEP Irlande, NLG Pays-Bas et LUF Luxembourg) mais s'appréciera­it vis-à-vis des autres pays de la zone euro.

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"L'EURO EST MORT, VIVE L'EURO"

Aujourd'hui avec les mêmes critères, les spécialist­es peuvent calculer de manière équitable les nouvelles valeurs monétaires nationales pour les pays concernés de la zone euro.

Alors pour rétablir l'équité entre les pays de la zone euro, pourquoi ne pas sortir de l'euro et y rentrer immédiatem­ent : l'euro est mort, vive l'euro. Pour le pays qui a dévalué son euro comme la France (euro Francs), l'avantage de ce mécanisme est de rendre les produits moins chers à l'exportatio­n par rapport aux autres pays de la zone euro qui réévaluent leurs monnaies (euro DEM). Ainsi les euros rentrent. Les importatio­ns par rapport aux exportatio­ns sont réduites ainsi que l'endettemen­t et la dépendance de l'extérieur. L'inconvénie­nt est de rendre plus chers les produits indispensa­bles importés hors zone euro comme les hydrocarbu­res et tout ce qu'on ne produit pas soit même. Après cette opération, il ne faut pas que le taux de change de l'euro par rapport au dollar diminue (aujourd'hui environ 1,21).

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