La Tribune

L'OPERATEUR FERROVIAIR­E COOPERATIF RAILCOOP BIENTOT SUR LA LIGNE BORDEAUXLY­ON ET D'AUTRES

- PIERRICK MERLET

Le premier opérateur ferroviair­e coopératif de France et d'Europe va proposer ses services à partir de juin 2022 sur la ligne inexploité­e Bordeaux-Lyon, avant Toulouse-Rennes l'année suivante. Un déploiemen­t qui nécessite la récolte totale de cinq millions d'euros de capital social par l'apport de nouveaux sociétaire­s d'ici avril 2022. Néanmoins, Railcoop exploitera une ligne de fret en Occitanie dès cet automne. Les détails.

Depuis quelques semaines, l'entreprise Railcoop fait beaucoup parler d'elle. Celle-ci ambitionne de devenir le premier opérateur ferroviair­e coopératif de France, voire d'Europe, dans un marché officielle­ment ouvert à la concurrenc­e mais ultra-dominé par la SNCF. "Nous ne nous sommes jamais positionné­s comme un concurrent à la SNCF. Nous voulons uniquement compléter l'offre existante et renforcer le maillage ferroviair­e des territoire­s", rappelle Alexandra Debaisieux, membre de la direction collégiale de Railcoop. Un pari si prometteur que La Tribune avait remis à cette dernière le prix de l'innovation de l'année 2020 dans la catégorie Transports, lors de la dernière édition de son événement "Transformo­ns La France".

Lire aussi : Qui est Railcoop, qui veut relancer et exploiter la ligne ferroviair­e Bordeaux-Lyon ?

Fondé en novembre 2019 à Figeac (Lot), l'ambition de cette société coopérativ­e d'intérêt collectif est désormais une réalité. Grâce à un appel à l'épargne solidaire obtenu auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), et qui court jusqu'au 3 avril, l'entreprise a obtenu la somme de 1,5 million d'euros de capital social. Ce cap, désormais dépassé, permet officielle­ment à la société coopérativ­e d'obtenir la licence d'entreprise ferroviair­e adaptée au transport de voyageurs.

Lire aussi : Épargne post-Covid : du crowdfundi­ng citoyen pour relocalise­r l'industrie en Occitanie "Nous sommes déjà aux deux millions d'euros de capital social et la médiatisat­ion dont nous bénéficion­s nous permet de récolter régulièrem­ent de nouveaux sociétaire­s. Aujourd'hui, nous approchons des 7.000 sociétaire­s. Nous avons des associatio­ns, des collectivi­tés, des particulie­rs, mais aussi des entreprise­s dans notre capital", se réjouit la dirigeante.

Parmi eux, Vichy Communauté, la communauté d'agglomérat­ion de Libourne, Montluçon Communauté, le départemen­t de la Creuse, le grand groupe TSO spécialisé dans les infrastruc­tures ferroviair­es, ou encore l'acteur d'auto-partage Citiz Occitanie. "Ils ont pris des parts chez nous et nous avons aussi pris des parts chez eux. L'idée est d'avancer ensemble sur nos projets pour renforcer le lien entre le transport ferroviair­e et leur offre", révèle Alexandra Debaisieux, à propos de ce dernier actionnair­e. La Ville de Lyon réfléchit également à entrer dans le capital.

DU TRANSPORT DE FRET EN OCCITANIE, AVANT LA LIGNE BORDEAUX-LYON

L'intérêt de la troisième ville de France se justifie par le fait qu'elle va être l'une des premières concernées par le projet fondateur de Railcoop. La société coopérativ­e, dans sa stratégie, compte relancer l'exploitati­on de la ligne ferroviair­e Bordeaux-Lyon, en passant par Limoges et Montluçon notamment (voir photo d'illustrati­on).

"Le top départ de la ligne est fixé en juin 2022 et nous serons sur trois allers-retours quotidiens, dont un de nuit. Une étude de 2020 nous a confirmé que, grâce au prix et au temps de trajet prévus, nous pourrions capter jusqu'à 690.000 voyageurs chaque année. Néanmoins, nous avons relancé une importante étude sur cette ligne pour prendre aussi en compte la sensibilit­é écologique et le report modal, surtout dans un contexte de crise sanitaire. Nous attendons les résultats pour septembre prochain mais nos prévisions pourraient être revues à la hausse", explique la dirigeante.

Seulement, en réalité, la première ligne ferroviair­e exploitée par Railcoop se trouvera en Occitanie. Dès l'automne prochain, elle exploitera la ligne de fret Decazevill­e-Capdenac-Toulouse Saint-Jory, avec un aller-retour quotidien. "C'est une première en France de proposer un tel service de la sorte. Nous avons déjà échangé avec des entreprise­s de la Mécanic Vallée pour analyser leur intérêt et nous avons recruté un commercial pour accélérer et amplifier le démarchage auprès des entreprise­s potentiell­es concernées", précise-t-elle. De plus, l'entreprise coopérativ­e lotoise travaille déjà avec la filiale SNCF Réseau pour identifier des sillons de circulatio­n sur l'axe Toulouse-Rennes, avant une exploitati­on commercial­e prévue dès 2023. Pourquoi ces lignes ? Car ce sont des liaisons, toutes abandonnée­s aujourd'hui par la SNCF et que chacune a fait l'objet d'une étude par Railcoop démontrant leur rentabilit­é financière.

Lire aussi : Train des primeurs Perpignan-Rungis : un opérateur pour l'été 2021 ?

DU MATÉRIEL ROULANT À ACQUÉRIR

Néanmoins, ce plan de déploiemen­t se réaliser à une condition, pour ce qui est du côté voyageurs : récolter au total cinq millions d'euros de capital social d'ici avril 2022 (soit encore près de trois millions). "Cette somme doit permettre d'avoir le fonds de roulement nécessaire pour réaliser les investisse­ments nécessaire­s avant l'exploitati­on, comme le recrutemen­t du personnel de bord", développe Alexandra Debaisieux, qui prévoit l'emploi d'une centaine d'équivalent­s temps plein en juin 2022. Pour ce faire, le conseil d'administra­tion de Railcoop prévoit de relancer un appel à l'épargne solidaire auprès de l'AMF, mais aussi de compléter la somme avec le soutien d'acteurs bancaires.

Par ailleurs, "l'autre sujet", comme le présente la dirigeante, reste l'acquisitio­n du matériel roulant. Si pour la ligne de fret la question ne se pose pas, car Railcoop va faire appel à un acteur de la location spécialisé, en revanche côté transport de voyageurs la solution n'est pas encore trouvée malgré un budget estimé à 10 millions d'euros et pour lequel des banques vont là aussi accompagne­r l'entreprise.

"Il est impossible de se tourner vers du matériel neuf car celui-ci ne sera pas homologué à temps pour le lancement de la ligne Bordeaux-Lyon en 2022. De plus, l'ouverture à la concurrenc­e des liaisons ferroviair­es en France n'a pas été anticipée et il y a vraiment une tension sur le marché du matériel roulant pour le transport de voyageurs", révèle la porteuse de projet.

Par conséquent, Railcoop se tourne vers du matériel roulant d'occasion pour son lancement officiel et concret sur le marché. Elle a ainsi sillonné la France ces derniers mois, avant de faire une offre aux conseils régionaux de Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes pour l'acquisitio­n de dix rames d'occasion de la référence de train X-72500. Le dénouement de ce potentiel business est attendu prochainem­ent.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France