La Tribune

M6 A VENDRE : LA CONCURRENC­E ENTRE LES PRETENDANT­S S'ANNONCE FEROCE

- PIERRE MANIERE

Vivenvi, TF1, Altice, CMI, Groupe Arnault ou encore Xavier Niel pourraient se livrer bataille pour mettre le grappin sur le deuxième groupe de télévision de l’Hexagone.

A un peu plus d'un an de l'élection présidenti­elle, M6 est à vendre. Le 29 janvier dernier, des informatio­ns de presse indiquaien­t que RTL Group, son actionnair­e principal à hauteur de 48%, et lui-même propriété de l'allemand Bertelsman­n, envisageai­t soit une cession, soit une opération de consolidat­ion concernant le deuxième groupe de télévision de l'Hexagone. Son chef de file, Nicolas de Tavernost, a confirmé la démarche. « Il y a urgence à consolider » le secteur des médias, a-t-il déclaré le mois dernier. M6 a ainsi nommé un comité stratégiqu­e. But de la manoeuvre : examiner « les questions de consolidat­ion nationale ». Seul bémol : Nicolas de Tavernost s'est dit « faroucheme­nt opposé » à un démantèlem­ent du groupe.

Dans le petit monde des médias, c'est l'ébullition. L'opportunit­é de mettre le grappin sur un tel cadre de la télévision n'arrive pas tous les jours. Et la présidenti­elle qui se rapproche à grands pas peut favoriser l'appétit de certains industriel­s désireux de d'étendre leurs empires médiatique­s... Dans une note publiée la semaine dernière, Jérôme Bodin, analyste chez Oddo BHF, souligne que la présence d'un grand nombre de prétendant­s pourrait accoucher d'une « probable bonne surprise sur la valorisati­on » de Groupe M6, fixant un objectif de cours de 25 euros, contre 17,65 euros aujourd'hui. D'après lui, la situation devrait se décanter rapidement, au plus tard d'ici cet été.

L'« INTÉRÊT STRATÉGIQU­E » DE VIVENDI

Parmi les acteurs potentiell­ement intéressés par les chaînes (M6, W9, 6ter, Gulli...) et les radios (RTL, RTL2 et Fun Radio) du groupe, on retrouve Vivendi. « Le groupe un intérêt stratégiqu­e fort à acquérir ou s'associer à M6, écrit Jérôme Bodin. Ce qui lui permettrai­t de créer un pôle de TV gratuite beaucoup plus puissant en réunissant les chaînes de M6 aux siennes (C8, C17 et CNews). Le nouveau groupe disposerai­t d'un panel complet de chaînes gratuites (notamment divertisse­ment et informatio­n) et afficherai­t une part de marché de l'ordre de 30% à 35% (contre environ 45% pour TF1). La dimension duopolotis­tique du marché français serait ainsi renforcée avec un effet probableme­nt très positif sur les prix. » Selon l'analyste, Vivendi pourrait, à travers ce nouveau pôle, disposer d'une rampe de lancement pour se développer à l'internatio­nal, et « créer un groupe paneuropée­n ». C'était l'ambition de Vincent Bolloré, qui, il y a quelques années, comptait poser les fondations d'un « Netflix d'Europe du Sud » en s'alliant avec l'italien Mediaset. Mais les relations entre les deux groupes se sont depuis détériorée­s. Notons, par ailleurs, que Vincent Bolloré est également en passe de fondre sur Europe 1, qui appartient au groupe Lagardère.

Altice, le géant des télécoms et des médias de Patrick Drahi, pourrait sauter sur l'occasion. Jérôme Bodin souligne que les deux groupes disposes d'actifs très complément­aires. « L'idée pourrait être de créer un pôle de TV gratuite et de réunir les différente­s chaînes et radios des deux groupes, argue l'analyste. Rappelons qu'Altice détient trois chaînes gratuites : BFMTV (informatio­n), RMC Découverte (documentai­res) et RMC Story (documentai­res). » TF1 regardera aussi forcément cette opportunit­é. Dans un scénario où le groupe de Martin Bouygues ne conservera­it que M6, la nouvelle entité pourrait s'emparer de 60% à 65% du marché publicitai­re français. « Ce qui est très important, mais à peu près similaire à la situation italienne », souligne Jérôme Bodin. Reste à convaincre, dans cette hypothèse, les autorités concurrent­ielles. Daniel Kretinsky pourrait aussi s'inviter aux négociatio­ns. Le milliardai­re tchèque, qui a notamment racheté Elle et Marianne via son groupe CMI, et possède une participat­ion minoritair­e dans Le Monde, pourrait y voir l'occasion de changer de dimension.

VERS UNE ALLIANCE ENTRE GROUPE ARNAULT ET NIEL ?

Groupe Arnault, qui possède Les Echos et le Parisien via LVMH, et a récemment mis la main sur Radio Classique, pourrait se montrer intéressé. « L'acquisitio­n de M6 permettrai­t d'envisager une restructur­ation des actifs de médias contrôlés par Groupe Arnault, voire une fusion », affirme Jérôme Bodin. Xavier Niel, qui possède une participat­ion dans Mediawan et détient notamment 20% du Monde, pourrait aussi sortir le chéquier. Jérôme Bodin évoque même la possibilit­é d'une alliance avec Groupe Arnault. « Ce schéma permettrai­t de respecter la loi des 49% (1) notamment si d'autres actionnair­es sont invités au tour de table », précise l'analyste. Les grandes manoeuvres ne devraient guère tarder.

* Pour la télévision hertzienne nationale, une loi anti-concentrat­ion interdit à une même personne de détenir plus de 49% du capital ou des droits de vote d'un groupe de télévision, sauf si l'audience moyenne de la chaîne est inférieure à 2,5%.

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