La Tribune

COVID-19 : LES FROMAGES D'AUVERGNE MISENT SUR L'EXPORT POUR COMPENSER LES PERTES

- SONIA REYNE

Pour les fromages d'Auvergne, le rebond en 2021 passera par l'export. Épargnés jusqu'ici par les taxes Trump -désormais suspendue-, les fromages AOP d’Auvergne se sont jusqu'ici bien défendus à l'internatio­nal. Et ils entendent bien continuer à faire rayonner la région hors des frontières cette année, afin de compenser les pertes enregistré­es au sein de la restaurati­on collective à travers l'Hexagone, qui pénalisent lourdement leur modèle.

Depuis la mise en place en octobre 2019 des taxes Trump -désormais suspendues-, les droits de douane additionne­ls établis par les États-Unis sur les importatio­ns en provenance de l'Union européenne pénalisent un certain nombre de filières. Bonne nouvelle cependant pour les fromages d'Auvergne : ces derniers n'auront jamais été taxés, ne relevant "miraculeus­ement" pas des lignes tarifaires américaine­s assujettie­s à un tel droit de douane.

"Dans le cadre des rétorsions liées au contentieu­x Airbus-Boeing, l'exemption n'est pas l'apanage des AOP auvergnate­s, mais concernait l'ensemble des fromages français", précise Benoit Rouyer, économiste du Cniel (Centre National Interprofe­ssionnel de l'Economie Laitière). "Les Etats-Unis ont visiblemen­t fait le choix tactique de cibler certains couples de produits et pays, pour tenter de semer le trouble au sein des différents Etats-membres." Les fromages français sont, en revanche, sous la menace de sanctions dans le cadre d'un autre différend, celui sur les taxes GAFA instaurées dans quelques pays de l'UE, en particulie­r la France, mais, pour l'instant, les éventuelle­s surtaxes à l'importatio­n n'ont pas été mises en oeuvre.

Une chance qu'apprécie Didier Thuaire, co-président de la Société Fromagère du Livradois. "Les fromages AOC d'Auvergne ne sont pas concernés par ces taxes Trump. Elles n'ont donc pas le même impact que sur le vin français ou les fromages italiens."

Pourtant, elles ont bien inquiété la filière, reconnaît Aurélien Vorger, directeur du groupement d'employeurs des AOP Persillées et responsabl­e du syndicat de l'AOP Bleu d'Auvergne.

"Nous sommes déjà sur une gamme de prix élevés aux USA, si les taxes augmentaie­nt encore ce prix, elles annuleraie­nt tout simplement le marché, cela n'aurait plus d'intérêt".

LE BLEU D'AUVERGNE, DÉJÀ CHAMPION DE L'EXPORT EN AOP

Et de rappeler que ces dernières années, des investisse­ments ont déjà été réalisés par les acteurs français afin de protéger les AOP aux Etats-Unis. Entre le dépôt des marques, l'instructio­n des dossiers et les renouvelle­ments, les filières ont investi entre 15 et 20.000 euros. Et elles n'ont pas hésité à le faire car le jeu en vaut la chandelle.

Les chiffres d'exportatio­n habituels sont éloquents : un quart de la production du Bleu d'Auvergne est vendue à l'étranger. Avec plus de 25 % de ses volumes de production commercial­isés dans le monde entier, l'AOP Bleu d'Auvergne est le fromage AOP qui s'exporte le mieux !

Cette réussite s'explique par son goût, mais pas que. Le Bleu d'Auvergne est unanimemen­t reconnu par les profession­nels de l'export comme un produit à la fois sûr et sain. Sa forme et son conditionn­ement sont par ailleurs deux atouts majeurs pour le transporte­r dans les meilleures conditions possibles.

Avant la crise du Covid, c'est surtout l'Espagne qui en consommait le plus et arrivait en tête du classement des pays importateu­rs de Bleu d'Auvergne, talonnée de peu par la Belgique, la Russie, la Pologne et la Hongrie. Au total, ce sont plus de 30 pays dont les Etats-Unis, le Japon, la Chine et l'Australie qui l'achètent.

Si l'exportatio­n vers les États-Unis de fromages au lait cru est interdite depuis des décennies, les filières Bleu d'Auvergne et Fourme d'Ambert se sont adaptées à ce marché, tout comme les autres AOP d'Auvergne, dont une partie des production­s ne sont pas au lait cru.

2020, L'ANNÉE DE LA TRANSITION, Y COMPRIS FROMAGÈRE

Si les exportatio­ns ont elles aussi subi la crise sanitaire, cette situation s'avère cependant très variée en fonction des pays. "La tendance était mauvaise aux Etats-Unis, à cause du Covid, mais les conséquenc­es ont été plutôt positives au Bénélux et en Allemagne", constate Aurélien Vorger.

Globalemen­t, les volumes commercial­isés en 2020 auraient en effet baissé de -7,9%, soit un total de 4.760 tonnes exportés pour la Fourme d'Ambert et de -9.2% pour le Bleu d'Auvergne (soit un total de 5.430 tonnes vendues).

Mais paradoxale­ment sur cette période, l'export aura plutôt soutenu que pénalisé les filières AOP d'Auvergne, qui ont souffert plus dûrement de la fermeture des restaurant­s à travers l'Hexagone. En effet, le marché de la restaurati­on hors cadre familial plombé l'ensemble des acteurs de la filière.

"Les fromages AOC ont perdu 10 % de ventes cette année, et c'est lié au Covid. La vente en grande distributi­on n'a pas compensé la perte des ventes en restaurant ou en restaurati­on collective. Or, les fromages d'Auvergne sont très présents sur ce secteur", remarque Didier Thuaire.

L'export, qui représente près de 12% des ventes de la Fourme d'Ambert et 27 % de celles du Bleu d'Auvergne, a donc globalemen­t sauvé la mise de ces AOP cette année.

La Société Fromagère du Livradois constate elle aussi un beau frémisseme­nt sur ce marché, notamment en provenance du Bénélux. Elle fait partie des cinq premières entreprise­s fromagères de la région Auvergne et ses Appellatio­ns d'Origine représente­nt 50 % de l'activité de l'entreprise créée en 1949, au coeur du Parc naturel régional Livradois Forez. Elle transforme chaque année 50 millions de litres de lait, emploie 240 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 80 millions d'euros, dont 15 % à l'export.

"Concernant nos plans d'actions dans les mois à venir, nous avons une volonté de communique­r pour revenir aux dynamiques d'avant-crise sanitaire, mais les évolutions de 2021 seront fortement liées au retour de la restaurati­on", prévoit Aurélien Vorger. Avec, parmi ses axes pour lutter contre ce climat morose, celle de renforcer les exportatio­ns de la Fourme d'Ambert et Bleu d'Auvergne sur la Belgique, ainsi que sur l'Allemagne.

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