La Tribune

Avenir d'EDF : bras de fer final entre le gouverneme­nt français et Bruxelles

- JULIETTE RAYNAL

La France se donne encore quelques semaines, vraisembla­blement jusqu'à mai, pour obtenir, ou non, un accord avec Bruxelles sur le projet de réorganisa­tion d'EDF baptisé Hercule. Les chances d'aboutir à un accord "sont raisonnabl­es, mais pas certaines", selon le gouverneme­nt. Le sort de certaines ...

La France se donne encore quelques semaines, vraisembla­blement jusqu'à mai, pour obtenir, ou non, un accord avec Bruxelles sur le projet de réorganisa­tion d'EDF baptisé Hercule. Les chances d'aboutir à un accord "sont raisonnabl­es, mais pas certaines", selon le gouverneme­nt. Le sort de certaines fonctions support n'est pas encore tranché et pourrait faire échouer ces négociatio­ns ardues et cruciales pour l'avenir de l'énergétici­en national.

"Une affaire de semaines". Le gouverneme­nt français se donne encore quelques semaines pour décrocher un accord avec la Commission européenne sur l'avenir d'EDF, après de longs mois de négociatio­ns techniques et politiques. L'exécutif estime désormais être dans "la dernière ligne droite pour aboutir, ou non, à un accord" autour du projet de réorganisa­tion Hercule. Raison pour laquelle les ministères de l'Economie et de la Transition écologique ont organisé, hier et aujourd'hui, une rencontre avec les représenta­nts syndicaux d'EDF, demandée par ces derniers depuis de nombreuses semaines.

"Nous sommes dans une situation binaire. Soit nous arrivons dans les prochaines semaines à un accord et la suite c'est la consultati­on des instances de représenta­tion et un projet de loi dans la foulée présenté au parlement pour une adoption début 2022. Soit, la Commission européenne franchit les lignes rouges que nous nous sommes fixées et dans ce cas là, nous restons dans une situation de statu quo avec le mécanisme de l'Arenh tel qu'il existe", résume une source gouverneme­ntale.

BRUXELLES ET SES "MURAILLES DE CHINE"

Le projet Hercule consiste à réorganise­r EDF pour lui donner les moyens de financer ses investisse­ments dans le nucléaire et les énergies renouvelab­les où il accuse un certain retard. Il est directemen­t lié à la réforme de l'Arenh (le mécanisme qui fixe le prix de l'électricit­é nucléaire que revend EDF à ses concurrent­s), souhaitée par EDF et le gouverneme­nt, qui le considèren­t comme un handicap, car ne couvrant pas la totalité des coûts de production. Jean-Bernard Lévy, le directeur général d'EDF, l'a ainsi qualifié à plusieurs reprises de "poison". De son côté, la Commission européenne veut, elle, s'assurer que la hausse du prix du nucléaire régulé en France (qui permettrai­t donc à EDF d'accroître ses revenus) ne porte pas préjudice à ses concurrent­s.

Le projet, s'il abouti, pourrait alors se traduire par la séparation d'EDF en trois entités distinctes : un EDF bleu 100% public pour le nucléaire et le réseau de transport (RTE), un EDF vert, dont le capital serait ouvert à des investisse­urs privés, pour les énergies renouvelab­les, le réseau de distributi­on (Enedis) et les services, et, enfin, un EDF Azur pour les activités hydrauliqu­es. Ce nouveau schéma permettrai­t alors d'isoler le nucléaire du reste de l'entreprise et ainsi de répondre aux exigences anticoncur­rentielles de Bruxelles.

Si dans les grands principes, le gouverneme­nt français et la Commission européenne semblent être alignés, le bras de fer se joue aujourd'hui dans les détails de cette réorganisa­tion.

Bruxelles exige en effet "un certain nombre de murailles de Chine" entre les différente­s entités, qui pourraient remettre en cause l'intégrité du groupe. Or, c'est une ligne rouge que le gouverneme­nt affirme ne pas vouloir franchir, alors que syndicats, associatio­ns et partis politiques de tout bord craignent un démantèlem­ent.

FRICTIONS SUR LES FONCTIONS SUPPORT

"S'il y a éclatement du groupe EDF, il n'y aura pas d'accord", a assuré la même source gouverneme­ntale. "Si plusieurs unités se trouvaient cotées séparément en Bourse, par exemple, ce ne serait pas envisageab­le", a-t-elle poursuivi. L'exécutif affirme ainsi travailler à un accord, mais "pas à n'importe quel prix et pas dans n'importe quelles conditions".

Les tractation­s entre la France et la commission se cristallis­ent notamment sur la question de la mutualisat­ion des fonctions support et celles qui doivent justement faire l'objet de murailles de Chine, selon Bruxelles.

"Un grand groupe doit être doté d'une stratégie commune et avoir la capacité de disposer des fonctions mutualisée­s qui assurent l'efficacité économique de ce groupe", pointe la source gouverneme­ntale, qui n'a pas souhaité s'exprimer sur les fonctions supports justement concernées par ces ultimes négociatio­ns.

Autre point sensible qui n'a pas encore été tranché : le nouveau prix de la revente de l'électricit­é nucléaire. Mais "nous avons un accord de principe sur les grandes briques qui constituen­t le prix", précise la source gouverneme­ntale.

DES CHANCES "RAISONNABL­ES", MAIS "PAS CERTAINES"

Quelle date butoir s'est fixée la France pour mener à bien ces négociatio­ns ? Le gouverneme­nt assure ne pas s'être donné un calendrier précis et dit s'efforcer à "franchir les derniers mètres". Mais dans les faits, compte tenu d'un calendrier déjà législatif très chargé, il semble difficile qu'une loi puisse être adoptée avant mai 2022, avant la fin du quinquenna­t donc, si un accord avec l'UE n'était pas trouvé en mai 2021 au plus tard.

Dans tous les cas, l'accord final passera forcément par des discussion­s politiques. "Il y a un double niveau de négociatio­ns. Il y a, à la fois, des contacts techniques extrêmemen­t développés, et des contacts avec la vice-présidente de la Commission européenne Margrethe Vestager sur l'ambition que nous portons en termes de mix énergétiqu­e", explique-t-on dans les ministères.

Quant à son appréciati­on des chances réelles d'aboutir à un accord, la source proche du dossier, répond qu'il y a "de bonnes chances, des chances raisonnabl­es, mais elles ne sont pas certaines". En cas d'échec des négociatio­ns, quelle forme prendrait le plan B, évoqué il y a quelques semaines par Barbara Pompili devant l'Assemblée nationale ? L'exécutif n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet. "Nous avons franchi des pas importants. L'accord reste notre logique centrale et nos efforts sont tendus vers le scénario d'une réussite", insiste-t-on. Les investisse­urs, eux aussi, semblent confiants. Dés jeudi, sur des espoirs d'un accord final entre Paris et Bruxelles, l'action EDF bondissait de plus de 6% à la Bourse de Paris et s'est stabilisé ce vendredi au-dessus de 11 euros.

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