La Tribune

TROIS MOIS AVANT LES REGIONALES, UNE BATAILLE JURIDIQUE S'ANNONCE ENTRE LAURENT WAUQUIEZ ET L'OPPOSITION PS

- MARIE LYAN

POLITIQUE. Alors que la campagne des régionales n’est pas encore officielle­ment lancée en Auvergne Rhône-Alpes, la tension entre la Région (LR) et les élus socialiste­s monte d'un cran. À trois mois des élections, une enquête de Médiapart concernant l’octroi des subvention­s régionales par Laurent Wauquiez a conduit le maire Cédric Van Styvendael à saisir le préfet de Région. Le chef de file du groupe Socialiste Jean-François Débat, en appelle au parquet national financier, tandis que l'exécutif régional annonce qu'il va porter plainte pour "diffamatio­n"... et veut lui aussi saisir le PNF.

(Publié le 11/03/2021 à 18:00, actualisé à le 12/03/2021 à 10:11)

Ce vendredi matin, le président LR de la Région Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez devait justement rencontrer « des maires de la métropole » lyonnaise concernant les enjeux de sécurité. Mais depuis hier soir, l'ambiance n'est plus au beau fixe sur la scène politique lyonnaise.

Depuis les élections municipale­s et métropolit­aines de juin dernier, qui ont vu notamment la métropole ainsi que la ville de Lyon basculer dans le camp des écologiste­s, leurs deux chefs de file, Bruno Bernard et Grégory Doucet se sont émus, à plusieurs reprises, d'un manque de collaborat­ion avec la Région Auvergne Rhône-Alpes et son président Laurent Wauquiez. De son côté, celui-ci n'hésitait pas à commenter les choix politiques des élus EELV, qu'il qualifie volontiers « de verts d'extrême gauche » lors de ses conférence­s de presse.

La passe d'armes s'est poursuivie au cours des dernières semaines sur les enjeux de sécurité. Sans surprise, le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, ainsi que le président de la métropole, Bruno Bernard, ne faisaient pas partie, ce vendredi matin, de la trentaine de maires réunis autour de Laurent Wauquiez pour parler sécurité. Ni celui de Villeurban­ne (PS) ou de Vénissieux (PC).

« Je le regrette, car selon le cadre choisi, les maires qui sont ici sont soit avec qui la Région avec qui nous avons signé des contrats de sécurité (...). J'ai fait une propositio­n au maire de Lyon à ce sujet afin de travailler les enjeux de sécurité lors d'une visite au quartier de la Duchère, plusieurs semaines avant que celui-ci ne s'enflamme et je tends évidemment la main au maire de Lyon ainsi qu'à la maire de Vénissieux (Michèle Picard, PC) », affirmé le président LR, affirmant que l'enjeu de la sécurité dépassait les clivages politiques.

DES ACCUSATION­S DE FAVORITISM­E, VILLEURBAN­NE MONTE AU CRÉNEAU

Mais depuis ce jeudi soir, la passe d'armes a changé de terrain, à la suite d'un enregistre­ment dévoilé par Mediapart la veille, qui sème le trouble et vient de faire réagir cette fois-ci le maire de Villeurban­ne, Cédric Van Styvendael (PS et alliés).

Une enquête signée par le média parisien évoque en effet un enregistre­ment datant de 2016, réalisé juste après l'élection de Laurent Wauquiez, qui a fait bondir l'élu socialiste. Selon Médiapart, l'actuel président de région y affirme ne "pas forcément (avoir) envie d'arroser Villeurban­ne" de subvention­s régionales, compte-tenu de sa couleur politique. Et ce, alors que la ville était à l'époque dirigée par le maire PS, Jean-Paul Bret.

Résultat ? Son successeur, le maire (PS et alliés) Cédric Van Styvendael annonçait ce jeudi avoir saisi « officielle­ment » le Préfet de Région afin que ce dernier sollicite la Chambre régionale des comptes.

« Dans cet enregistre­ment, l'actuel Président de la région Auvergne Rhône-Alpes indique vouloir délibéréme­nt priver Villeurban­ne de subvention­s de la Région, subvention­s auxquelles la Ville pouvait prétendre », s'offusque la ville concernée, par voie de communiqué.

Avant d'ajouter : « Si cet enregistre­ment traduit bien la mise en place d'un système d'attributio­n arbitraire, fondé uniquement sur la couleur politique des collectivi­tés et faisant fi des besoins réels des population­s concernées, ces consignes du Président de la Région sont graves et inacceptab­les », poursuit l'élu, arrivé aux commandes en juin dernier.

LA QUESTION DE L'ÉQUITÉ TERRITORIA­LE SOULEVÉE

Cédric Van Styvendael a affirmé qu'un travail de ses équipes était en cours afin de « récolter toutes les informatio­ns permettant de confirmer ce traitement de défaveur pour Villeurban­ne sur le précédent mandat ». Et ajoute : « En première approche, il apparaît que la ville de Villeurban­ne a reçu, en subvention­s directes de fonctionne­ment et d'investisse­ment, 2,3 millions d'euros de la Région entre 2011 à 2015, contre 823.000 euros de 2016 à 2020 ».

Plus largement, cette enquête de Médiapart s'est penché sur les financemen­ts effectivem­ent délivrés par la Région Auvergne-Rhône-Alpes à l'échelle du mandat. Et selon elle, le départemen­t du Rhône, qui héberge notamment le siège de la Région ainsi que le territoire le plus peuplé de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, aurait été le départemen­t le moins bien doté sur cette période.

Le quotidien note que ce territoire aurait reçu « dix fois moins de subvention­s que la Haute-Loire », un départemen­t où il note que Laurent Wauquiez avait occupé des fonctions de maire entre 2008 et 2016, posant, entre les lignes, la question de l'enjeu politique comme celle de l'équité entre les différents territoire­s.

L'EXÉCUTIF RÉGIONAL RÉPOND

Contactée, la Région répond ce jeudi en affirmant qu'elle assume « totalement le re?e?quilibrage des aides », avec le souhait d' « e?tre aux co?te?s de toutes les communes. Aussi bien les grandes villes que les petites ». Et de préciser : « Par le passe?, la Re?gion n'aidait majoritair­ement que les communes des me?tropoles urbaines ge?re?es par les socialiste­s ».

L'exécutif du président LR Laurent Wauquiez rappelle également que « plus de 3.800 communes ont e?te? aide?es, soit plus de 90% des communes de la re?gion, dont plusieurs qui n'avaient jamais rec?u la moindre aide ».

Concernant plus particuliè­rement le cas de Villeurban­ne, la Région explique que le maire de Villeurban­ne a « oublié » le lyce?e Brossolett­e, « livre? dans six mois et qui repre?sente un budget de 37 millions supple?mentaires », ainsi que plusieurs autres enveloppes : « le soutien de 30 millions à plusieurs structures culturelle­s a? Villeurban­ne » (dont le TNP, l'institut d'art contempora­in, festivals a? l'image de la Fe?te du Livre Jeunesse, etc) ainsi qu'au club de basket emble?matique de la Ville, l'ASVEL, et les investisse­ments sur le campus de la Doua, « a? hauteur de plus de 30 millions ».

Au total, ce sont plus de 88 millions qui ont e?te? engage?s sur la commune lors du dernier mandat, rappelle la Région. Et d'ajouter : « On a bien compris que les e?lections approchent et qu'il y a des manoeuvres politiques ».

Reste à voir comment cette affaire sera examinée par le Préfet de Région, qui ne s'est pas encore exprimé à ce stade.

L'EFFET BOULE DE NEIGE JUSQU'AU PARQUET NATIONAL FINANCIER

Ce jeudi soir, la question continuait cependant d'enflammer les débats : le maire de Bourg-enBresse et chef de file du groupe Socialiste et Démocrate à la Région, Jean-François Débat, a réagi en dénonçant à son tour « un système opaque de distributi­on de subvention­s au profit des territoire­s de droite afin de garantir la réélection » du président sortant.

Il appelle à ce que « le Parquet National Financier étende ses investigat­ions à l'ensemble du système opaque mis en oeuvre par Laurent Wauquiez pour le seul bénéfice de sa famille politique et, in fine, de lui-même ».

Ce à quoi le cabinet du président de Région a répondu, en « contestant avec la plus grande fermeté les faits faux et mensongers », et affiche désormais sa volonté de porter plainte « pour diffamatio­n et dénonciati­on de faits mensongers ».

Il souhaite également saisir à son tour le parquet national financier et la Chambre régionale des comptes, concernant cette fois la politique menée à l'époque par l'exécutif de son prédécesse­ur, Jean-Jack Queyranne.

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