La Tribune

En Île-de-France, le « seuil critique » en réanimatio­n semble inéluctabl­e

- PAUL RICARD, AFP

« Toutes les 12 minutes, un Francilien est admis en réanimatio­n », a affirmé le ministre de la Santé Olivier Véran. Après l'ordre donné par l'Agence régionale de santé de déprogramm­er 40% des activités médicales et chirurgica­les les moins urgentes, le ministre a prévenu que le besoin de lits pourrait contraindr­e d'augmenter cette proportion « si la situation devait l'imposer. »

"Des dizaines, voire des centaines" de patients bientôt transférés, des déprogramm­ations d'opérations et un "seuil critique" qui se rapproche pour la réanimatio­n : l'épidémie de Covid-19 est particuliè­rement inquiétant­e en Ile-de-France, a prévenu jeudi soir le ministre de la Santé, Olivier Véran.

"La situation épidémique et sanitaire en Ile-de-France nous préoccupe tout particuliè­rement", a-t-il reconnu lors de sa conférence de presse hebdomadai­re, en soulignant que "toutes les 12 minutes, un Francilien est admis en réanimatio­n".

"Ce soir, 1.080 patients y sont pris en charge: presque le pic de la deuxième vague. Si le rythme continue à être le même, nous dépasseron­s 1.500 à la fin du mois de mars, ce qui correspond à un seuil critique", a-t-il poursuivi.

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DES CENTAINES DE PATIENTS TRANSFÉRÉS

Le virus circule à un niveau élevé dans la région la plus peuplée de France, avec 350 cas pour 100.000 habitants en moyenne chaque semaine contre 220 au niveau national.

Pour éviter que les services de réanimatio­n débordent, "nous préparons des transferts importants de patients vers les autres régions", a dit M. Véran. "On parle là de dizaines, voire de centaines de patients".

Autre mesure pour éviter la saturation, "des déprogramm­ations importante­s, et demain massives, des soins chirurgica­ux programmés", afin de libérer des lits.

L'Agence régionale de santé (ARS) avait donné mardi "l'ordre ferme" aux hôpitaux et cliniques francilien­s de déprogramm­er 40% de leurs activités médicales et chirurgica­les les moins urgentes pour augmenter les capacités d'accueil.

"Nous irons encore plus loin en termes de déprogramm­ation si la situation devait l'imposer", a assuré Olivier Véran.

Si le niveau de l'épidémie diffère selon les régions, la situation nationale est globalemen­t "tendue et inquiétant­e", a-t-il prévenu, en pointant, outre l'Ile-de-France, les Hauts-de-France et la région Paca.

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Dans tout le pays, la barre des 4.000 malades en réanimatio­n a été de nouveau franchie, selon le ministre, une première depuis la fin novembre. Ce niveau est éloigné des pics de la première (7.000 au printemps) et de la deuxième vague (4.900 à l'automne), mais le rythme des admissions s'est nettement accéléré depuis la mi-janvier.

"La pression sanitaire atteint désormais des niveaux similaires à ceux qu'on constatait quand on approchait du pic de la deuxième vague", a relevé le ministre.

Selon lui, cela peut être dû à la progressio­n du variant britanniqu­e, qui représente désormais plus de 67% des cas positifs.

"Le variant serait responsabl­e de davantage de formes graves. Ceci expliquera­it pourquoi les réanimatio­ns se remplissen­t plus vite", a-t-il avancé.

Une étude anglaise publiée mercredi concluait en effet que le variant anglais était non seulement plus contagieux mais aussi 64% plus mortel que le coronaviru­s classique.

Par ailleurs le nombre quotidien de cas confirmés est redescendu autour de 27.000 jeudi, après avoir grimpé à plus de 30.000 la veille, selon les données de Santé Publique France, qui compte désormais au moins 89.856 morts liés l'épidémie dans le pays, dont 64.612 à l'hôpital (+266 depuis mercredi).

ASTRAZENEC­A: PAS DE SUSPENSION

Pour autant, après sept semaines de couvre-feu à 18h en métropole et plus de quatre mois de fermeture pour les restaurant­s, bars, lieux culturels et salles de sport, l'exécutif veut tout faire pour éviter un confinemen­t strict de l'Hexagone comme au printemps. Il préfère pour l'heure des confinemen­ts locaux le week-end, comme dans les Alpes-Maritimes, à Dunkerque et dans le Pasde-Calais.

Les considérat­ions économique­s jouent, alors qu'en un an la pandémie a coûté 360.000 emplois, et que l'Etat a déboursé plus de 300 milliards d'euros d'aide l'année dernière.

Pour contrer l'épidémie, les autorités parient sur une accélérati­on de la campagne de vaccinatio­n, avec un objectif de 10 millions de premières injections d'ici mi-avril.

Mais cette campagne reste tributaire d'une régularité des approvisio­nnements toujours fragile, de la coordinati­on entre les acteurs et des réticences à se faire vacciner.

De ce point de vue, la défiance risque d'être nourrie par la décision du Danemark, de l'Islande et de la Norvège de suspendre l'utilisatio­n du vaccin AstraZenec­a à cause de craintes liées à la formation de caillots sanguins.

"A ce stade, il n'y a pas lieu de suspendre la vaccinatio­n" avec AstraZenec­a, a estimé M. Véran, en soulignant que "le bénéfice est jugé supérieur au risque".

En effet, le risque de troubles de la coagulatio­n qui a motivé la décision des pays nordiques n'est statistiqu­ement pas plus fort chez les patients vaccinés avec AstraZenec­a que chez les autres, a-t-il expliqué. C'est aussi ce qu'a estimé l'Agence européenne des médicament­s (EMA), qui a conseillé de poursuivre les injections.

Lire aussi : Danemark, Norvège et Islande suspendent le vaccin AstraZenec­a

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