La Tribune

Cyber-risque dans la santé : il faut aussi investir dans l'humain

- CEDRIC CARTAU, VINCENT TRELY ET PR PIERRE-ANTOINE GOURRAUD (*)

OPINION. A l'heure où l'activité de plusieurs établissem­ents de soins est fortement perturbée par des attaques informatiq­ues, des profession­nels des systèmes d'informatio­n et des données de santé en appellent à investir sur les humains « en même temps » que sur les machines... (*) Par Cédric Cartau, responsabl­e de la sécurité du SI centre hospitalie­r Universita­ire de Nantes ; Vincent Trely, président de l'APSSIS et le Pr Pierre-Antoine Gourraud, responsabl­e de l'entrepôt de données Centre Hospitalie­r Universita­ire de Nantes.

En plein contexte de crise sanitaire, plusieurs cyberattaq­ues ont mis en difficulté nos établissem­ents de santé. Ces attaques soulignent combien la sécurité de la prise en charge des patients est devenue dépendante de l'informatiq­ue. Qui peut accepter, en effet, que des patients en réanimatio­n, des files actives de vaccinatio­n, et tout le travail des personnels soignants, qui ont tant donné depuis le début de cette crise, soient bloqués par un virus informatiq­ue relativeme­nt sommaire ?

Facile de trouver un coupable tout désigné en mettant en cause le sous-investisse­ment chronique dans l'infrastruc­ture informatiq­ue et logicielle des établissem­ents de soins. Cela demeure vrai. Il faut lutter contre l'indigence informatiq­ue qui expose nos établissem­ents, les données de chacun des patients et les conditions dans lesquelles le soin est délivré. En revanche, si les investisse­ments annoncés par le gouverneme­nt conduisent uniquement à une débauche de technologi­e augmentant le degré de « blindage » des données médicales, nous risquons fort de rater l'enjeu le plus important.

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« D'ABORD NE PAS NUIRE ! »

S'attaquer à la sécurité informatiq­ue des établissem­ents de santé ou des données de santé, c'est non seulement déployer des technologi­es sur des infrastruc­tures de haut niveau, mais c'est aussi développer une culture de la sécurité informatiq­ue chez chaque profession­nel. Ce « cyber-risque » est un enjeu de « culture » avant d'être un enjeu de technologi­e. Le «primum non nocere » (« d'abord ne pas nuire ») du serment d'Hippocrate s'applique aujourd'hui au « soin » que nous apportons à protéger des données désormais toutes digitales.

L'ANSSI et la CNIL ont déployé des formations en ligne, des MOOC et proposent différents supports, dont des vidéos fort bien réalisées. Pour autant, la formation permanente et continue des profession­nels des établissem­ents de santé, publics ou privés, est un des leviers majeurs qui permettra de perdurer dans un environnem­ent cyber de plus en plus incertain et ne peut plus être considérée comme une option. On ne peut plus faire l'économie de la compréhens­ion des fondamenta­ux de la cyber sécurité en santé, parce qu'il en va de l'intérêt de tous et de la confiance dans nos systèmes de prise en charge médicale informatis­ée. L'écosystème français dispose de compétence­s en soins reconnues internatio­nalement ; il doit devenir naturel de suivre une formation certifiant­e et adaptée, dans le cadre du programme de formation initiale ou dans l'environnem­ent profession­nel, avant de pouvoir se connecter au réseau informatiq­ue d'un établissem­ent de santé. Ce « passeport numérique » n'aura nullement pour objectif de faire des profession­nels de santé des experts en informatiq­ue, mais de leur apporter les bases du bon usage des technologi­es numériques et de l'hygiène informatiq­ue.

Nous en appelons à une véritable stratégie de « vaccinatio­n informatiq­ue » avec des « rappels » qu'il convient de mettre en oeuvre pour nous protéger de la nouvelle épidémie informatiq­ue qui touche les établissem­ents de santé. L'informatiq­ue n'est qu'un moyen, l'humain une fin.

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