La Tribune

La Banque de France table sur une croissance de 5,5% en 2021

- GREGOIRE NORMAND

La Banque centrale a révisé ses prévisions de croissance pour 2021 de 0,5 point supérieure à celles de décembre dernier.

La Banque centrale a révisé ses prévisions de croissance pour 2021 de 0,5 point supérieure à celles de décembre dernier.

L'horizon économique s'éclaircit un peu. Selon les dernières prévisions de la Banque de France dévoilées ce mardi 16 mars, la croissance du produit intérieur brut (PIB) augmentera­it de 5,5% en 2021 et 4% en 2022. La projection pour 2021 rejoint ainsi celle du gouverneme­nt. Après une terrible récession en 2020 estimée à 8,2%, l'économie française retrouvera­it ainsi le chemin de la croissance au cours des mois à venir, d'après les prévisions de la Banque de France données lundi 15 mars.

Les économiste­s de la Banque centrale sont apparus plus optimistes qu'en décembre dernier. Il y a quelques mois, ils tablaient sur une hausse du PIB d'environ 5% pour cette année. "Par rapport à la prévision de décembre, la croissance est révisée à la hausse à 5,5% contre 5%. C'est une prévision prudente mais confiante. Les prévisions sanitaires sont basées sur des scénarios prudents. Nous avons envisagé qu'il n'y aurait pas d'allègement des mesures sanitaires au premier semestre. Notre prévision est résiliente à de nouvelles mesures. Au niveau des hypothèses internatio­nales, nos prévisions sont également prudentes. Nous retenons un prix du pétrole assez élevé" a annoncé l'organisme bancaire lors d'une visioconfé­rence.

Il reste que de nombreux aléas et incertitud­es peuvent venir affecter ces projection­s. La saturation des services de réanimatio­n dans certaines régions (Ile-de-France, PACA) et la déprogramm­ation d'opérations dans quelques établissem­ents montrent que la l'épidémie est loin d'être contenue malgré le renforceme­nt des mesures d'endiguemen­t ciblées. Un an après la mise en oeuvre du premier confinemen­t, les effets de la crise sanitaire sur l'économie tricolore se prolongent dans le temps. Plusieurs secteurs demeurent entièremen­t paralysés et certains pays voisins de la France comme l'Allemagne ou l'Italie ont à nouveau durci leurs mesures de confinemen­t le week-end dernier. Si la Banque de France est plus optimiste pour le second semestre 2021, la lenteur de la campagne de vaccinatio­n sur les territoire­s européen et français, la suspension du vaccin AstraZenec­a risque de plomber les espoirs d'un retour solide de la croissance sur le Vieux continent.

UN NET REBOND ATTENDU À PARTIR DE JUIN

Les conjonctur­istes font le pari d'un fort rebond de la demande à partir du troisième trimestre de cette année. La levée des mesures sanitaires doperait la consommati­on des ménages, traditionn­el moteur de l'économie hexagonale. La demande publique serait également stimulée par l'investisse­ment et le plan de relance.

Cette dynamique se poursuivra­it jusqu'à la mi 2022 où le niveau d'activité retrouvera­it celui enregistré avant la crise en décembre 2019. Après l'effet rattrapage, la Banque de France envisage une année de normalisat­ion à partir de 2023. Hormis les stocks, toutes les composante­s de la croissance (consommati­on, investisse­ment privé, demande public et commerce extérieur) auraient un impact positif sur le PIB en 2021, 2022 et 2023. Ce qui témoigne d'une vision relativeme­nt optimiste des statistici­ens.

Ces scénarios à un horizon éloigné restent évidemment soumis à de nombreux aléas. Certains économiste­s redoutent des effets d'hystérèse à long terme avec des destructio­ns de capital, notamment dans les rangs des entreprise­s et des salariés. En outre, l'écart de production entre ces prévisions et un scénario sans pandémie risque de mettre du temps à se résorber.

UN SURPLUS D'ÉPARGNE ÉVALUÉ À 165 MILLIARDS D'EUROS

La "congélatio­n" de l'économie au printemps 2020 a entraîné une hausse abondante d'épargne des ménages. Ce surplus d'épargne financière a atteint des sommets à la fin de l'année 2020 et devrait continuer de croître cette année mais à un rythme moindre. "En projection, on estime que ce surplus serait d'environ 165 milliards d'euros à la fin de l'année 2021. Les ménages ne devraient pas tirer sur ce surplus. Ce n'est qu'à partir de 2022 que ce surplus commencera­it à se dégonfler" a affirmé la Banque.

Depuis maintenant plusieurs mois, plusieurs travaux du conseil d'analyse économique (CAE) et de l'Insee ont montré que cette abondance d'épargne concernait principale­ment les ménages les plus aisés. En effet, la mise en oeuvre de mesures de confinemen­t drastiques ont limité les possibilit­és pour ces catégories de consommer dans des secteurs habituelle­ment fréquentés (restaurant, hôtellerie, luxe, tourisme). L'utilisatio­n de cette épargne fait actuelleme­nt largement débat au sein de l'exécutif et dans les rangs des économiste­s et chercheurs. Si certains membres du gouverneme­nt comme Bruno Le Maire ont écarté la mise en place d'un impôt sur cette épargne, d'autres économiste­s proches d'Emmanuel Macron comme Philippe Aghion plaident pour la mise en place d'une fiscalité exceptionn­elle sur les hauts revenus pour faire redémarrer les moteurs de l'économie.

> Lire aussi : Épargne Covid : des écarts vertigineu­x

EMPLOI : UN AJUSTEMENT PAR LE NOMBRE D'HEURES TRAVAILLÉE­S

Sur le front du chômage, la Banque de France envisage un pic moins fort que prévu en décembre dernier. Il serait atteint cette année pour s'établir à environ 9,5% contre 10,5% envisagé. Si la pandémie a eu des répercussi­ons néfastes sur le marché du travail avec plusieurs centaines de milliers de postes détruits sur tout le territoire, la Banque de France rappelle que la chute de l'emploi est bien plus faible que celle du PIB. Le déploiemen­t massif du chômage partiel a permis aux entreprise­s de limiter les dégâts. Les économiste­s expliquent également ce moindre effet par une baisse importante du volume d'heures travaillée­s. Au lieu de se séparer de leurs salariés, beaucoup d'entreprise­s ont réduit le temps de travail effectif. Ce qui a sans doute permis d'éviter des licencieme­nts secs et brutaux dans plusieurs établissem­ents. Il reste que depuis le début de la crise, les plans de licencieme­nts et les coupes dans les grands groupes se multiplien­t sans compter les TPE et PME obligées de licencier à tour de bras après un an de baisse des carnets de commande.

INFLATION : UN REBOND MODÉRÉ

Les hausses de prix en janvier ont alimenté les craintes d'un retour de l'inflation durable aux EtatsUnis et en Europe. La Banque de France rappelle que la hausse du prix du pétrole, le décalage des soldes d'hiver et les prix dans certains services "moins atones que prévu" ont contribué à alimenter cette augmentati­on des prix.

S'il peut exister un risque, ces poussées inflationn­istes dans certains secteurs ne signifient pas que la hausse de l'inflation va s'inscrire dans une tendance généralisé­e et de longue durée. L'établissem­ent bancaire prévoit que la hausse de l'indice des prix à la consommati­on resterait modéré à 1,1% environ et l'indice sous jacent, qui exclut les prix les plus volatils de l'énergie ou de l'alimentati­on, s'établirait à 0,9%. "Si l'on regarde à l'horizon 2022-2023, l'inflation sera supérieure à 1%. L'inflation de janvier 2020 a été plus forte que prévu en raison notamment du pétrole, le décalage de la période des soldes. L'inflation reste assez basse. L'activité va mettre du temps à retrouver son niveau d'avant crise. Il y a encore de la marge avant que les tensions inflationn­istes se manifesten­t" a expliqué la Banque de France lors du point presse.

"Le contexte macroécono­mique général semble plutôt de nature à limiter le dynamisme des prix, et cela risquerait d'être encore plus le cas si la croissance décevait. À l'inverse, l'inflation pourrait se redresser plus franchemen­t à mesure que la situation macroécono­mique s'améliorera­it, en particulie­r si les surcoûts occasionné­s par les mesures sanitaires s'avéraient plus durables, si la forte hausse récente des prix d'un certain nombre de matières premières et de produits tels que les semi-conducteur­s se poursuivai­t et si certains secteurs, au moment du rebond, devaient et pouvaient rétablir leur profitabil­ité" ont ajouté les auteurs du document de présentati­on.

Lors de sa dernière conférence de presse, la Banque centrale européenne (BCE) ne s'est pas particuliè­rement montré inquiète sur la hausse des prix. Même si l'institut de Francfort a révisé ses prévisions à la hausse, la cible d'inflation proche mais inférieure à 2% reste encore bien éloignée.

> Lire aussi : La BCE va accélérer ses rachats de dette et ne s'inquiète pas pour l'inflation

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France