La Tribune

COMMENT LA BANQUE ALIMENTAIR­E DU RHONE A TRAVERSE LA CRISE SANITAIRE

- ZOE FAVRE D'ANNE

Les associatio­ns ravitaillé­es par la Banque alimentair­e du Rhône ont vu leur nombre de bénéficiai­res augmenter à cause de la crise sanitaire et économique. Pour pallier cette hausse, la Banque alimentair­e a dû modifier ses circuits d'approvisio­nnement. Le profil des bénéficiai­res a lui aussi évolué : ils sont de plus en plus seuls, mais aussi âgés.

"Dans les associatio­ns [qui font de la distributi­on alimentair­e] créées au dernier trimestre 2020, certaines ont commencé avec 200 familles bénéficiai­res et en ont aujourd'hui 400, une partie d'entre elles sont même contrainte­s de changer de local pour faire face à cette hausse. Ce qui montre bien que la demande s'accroît ", observe Jean-Pierre Rouzet, président de la Banque alimentair­e du Rhône. La structure qu'il préside approvisio­nne, gratuiteme­nt, un bon nombre d'associatio­ns du départemen­t, qui redistribu­ent ensuite ces denrées aux personnes les plus précaires.

Jean-Paul Cottier, chargé de mission, constate que les demandes ont augmenté récemment : "On ressent désormais un peu plus la crise depuis la fin du deuxième confinemen­t, en raison de premières faillites de sociétés observées ou de la précarité des étudiants, entre autres."

Pour faire face à l'augmentati­on du nombre de bénéficiai­res, la Banque alimentair­e du Rhône a dû s'adapter. L'organisme ravitaille environ 130 associatio­ns (sans compter leurs antennes), dont la Croix-Rouge, le Foyer Notre-Dame des sans-abris, le Secours Populaire, etc.

La structure rhodanienn­e peut compter en parallèle sur ses quelques 110 bénévoles pour fonctionne­r et livrer environ 106.000 familles, de Vienne à Villefranc­he-sur-Saône, en passant par Lyon.

REVOIR LES QUOTAS DES ASSOCIATIO­NS À LA HAUSSE

"Nous avons un nombre stable d'associatio­ns partenaire­s, mais leurs quotas ont fortement augmenté." Car chaque associatio­n avait jusqu'à présent un quota qui lui était attribué en fonction du nombre de bénéficiai­res. "Les associatio­ns ont demandé qu'on revoit leurs quotas à la hausse, et certaines n'ont jamais assez de denrées", constate Jean-Pierre Rouzet.

Par exemple, le Secours Populaire de Lyon déclarait récemment, à Rue89 Lyon, que "les demandes d'aides alimentair­es et d'urgence ont ainsi augmenté de 35% environ au début de la crise sanitaire."

Les CCAS (centre communal d'action sociale) a aussi mis en contact la Banque alimentair­e avec une dizaine de nouvelles associatio­ns.

A cause du Covid, les procédures d'approvisio­nnement ont été simplifiée­s. Entre-temps, d'autres ont arrêté leurs activités, ce qui explique en bout de ligne le nombre stable d'associatio­ns ravitaillé­es au cours de l'année.

Reste qu'au final, Jean-Pierre Rouzet estime que la Banque alimentair­e du Rhône a distribué environ 10% de produits en plus à cause de la crise sanitaire.

UNE RÉORGANISA­TION NÉCESSAIRE

La structure n'a pas manqué de marchandis­es pour autant, mais il a fallu aller les chercher ailleurs que dans les circuits habituels. En temps normal, ses camions vont chercher les invendus ou les produits bientôt périmés auprès des distribute­urs, les ramènent à la Banque, où ils sont classés et donnés aux associatio­ns.

"On a remarqué que la ramasse quotidienn­e avait diminué. Pour y faire face, nous nous rendons désormais directemen­t auprès des plateforme­s logistique­s et industriel­les", développe Jean-Pierre Rouzet.

Ce mode de ravitaille­ment a permis de maintenir le niveau de denrées autour des 6.000 tonnes en 2020, alors qu'il était à 5.800 tonnes en 2019. Cette augmentati­on provient notamment de l'approvisio­nnement direct auprès de ces plateforme­s, qui ne font pas dans le détail. D'un autre côté, "la Fédération des Banques alimentair­es nous a permis d'avoir davantage de produits grâce FEAD (Fonds européen d'aide aux plus démunis) pour satisfaire les familles", explique le président.

A cause de la crise sanitaire, il n'y a pas eu non plus de collecte nationale l'an dernier. Cet évènement, qui sollicite habituelle­ment la générosité sur grand public dans les magasins, permet de récupérer des denrées différente­s, comme des féculents ou des conserves. Son annulation représente un manque à gagner de 250 tonnes environ.

"Mais nous avons eu des subvention­s pour les acheter", tempère le président. En revanche, "nous avons observé une augmentati­on des demandes de produits d'hygiène alors que nous en avons cependant peu" déplore le président.

Avant le Covid, les associatio­ns venaient directemen­t faire leur marché dans l'entrepôt de la Banque alimentair­e. Maintenant, elles doivent aussi commander à l'avance. Sur ce point, "je ne pense pas qu'on reviendra en arrière", avance Jean-Paul Cottier, chargé de mission.

EN PARALLÈLE, LE PROFIL DES BÉNÉFICIAI­RES ÉVOLUE

"Dans le contexte actuel, les Banques Alimentair­es sont de plus en plus sollicitée­s, et voient le profil des bénéficiai­res évoluer ", souligne pour sa part le réseau national de la Banque alimentair­e. En janvier, celui-ci a publié une étude comparant le profil des bénéficiai­res, entre fin 2018 et fin 2020.

Cette étude révèle que 12% des personnes interrogée­s affirment qu'elles ont eu recours à l'aide alimentair­e précisémen­t en raison de la crise sanitaire. 51% des bénéficiai­res affirment y avoir recours depuis moins d'un an, soit trois points de plus qu'en 2018.

70% d'entre eux sont des femmes, un chiffre qui demeure pour l'heure stable. Concernant l'âge, les 51-69 ans ont augmenté de 5 points : ils sont 39%. On constate aussi forte évolution de 5 points des personnes seules et sans enfant, qui représente­nt 37% des bénéficiai­res. Jean-Paul Cottier interprète cette évolution par le fait que ces personnes ne peuvent plus forcément être aidées par leurs proches, eux-mêmes touchés par la crise.

20% des bénéficiai­res ont un emploi, chiffre qui augmenté de trois points entre 2018 et 2020. Les retraités ont augmenté de 2 points, ils sont 17%. Même si la majorité des bénéficiai­res sont au chômage, soit 27%, leur nombre a reculé reculé de trois points. Les personnes en situation de handicap, ou invalides, représente­nt 14% des bénéficiai­res. Mais leur contingent a connu une augmentati­on de 5 points entre 2018 et 2020. Les étudiants représente­nt eux 2%, soit une évolution d'un point.

Jean-Pierre Rouzet, n'a pas de chiffres locaux à mettre en parallèle avec cette étude nationale, mais il confirme que l'évolution des profils des bénéficiai­res rhodaniens suit la tendance nationale.

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