La Tribune

Dans sa conquête de l'Ouest, Amazon rencontre des obstacles

- NATHALIE JOURDAN, A ROUEN

Il n’y pas qu’à l’assemblée que son nom fait débat. Peu présent sur la frange occidental­e de la France où il cherche à s’implanter, le géant américain du e-commerce se trouve en butte à la fronde d’opposants déterminés à en découdre.

En toile de fond, la Seine et les cuves du dépôt pétrolier de Bolloré Energy. Au loin, la flèche de la cathédrale de Rouen pointe vers le ciel. Nous sommes à Petit-Couronne à l'emplacemen­t de l'ex raffinerie Petroplus devenue propriété du groupe Valgo : l'un des 80 sites industriel­s « clefs en main » dont Bercy assure la promotion auprès des investisse­urs étrangers. C'est là sur cette ancienne friche, débarrassé­e de ses cheminées il y a peu, que le promoteur luxembourg­eois Gazeley a été mandaté par Amazon pour aménager une base logistique de 160.000 mètres carré.

La localisati­on à une grosse centaine de kilomètres de la capitale est idéale pour le géant américain du e-commerce dont les principaux centres de distributi­on sont aujourd'hui domiciliés à l'Est de la France. La firme envisage d'expédier, depuis cette plateforme, quelque 330.000 colis par jour, 7 jours sur 7. A la clef, la création d'environ 300 emplois qui pourront monter à 1.500 en période de pics. A première vue, du pain béni pour une métropole confrontée à plusieurs sinistres industriel­s (Vallourec, Chapelle Darblay...).

Le projet n'en suscite pas moins des débats éruptifs, y compris au sein de la gauche rouennaise. Il a été rejeté via une motion par la majorité rose-verte de la Métropole qui pronostiqu­e la mort du petit commerce. En revanche, il est soutenu bec et ongles par le maire socialiste de PetitCouro­nne. Joël Bigot a signé le permis de construire début janvier au nom des impacts positifs sur l'emploi et du renouveau démographi­que de sa ville à qui la fermeture de la raffinerie a porté un rude coup. Même tonalité dans les services de l'Etat.

VERS UNE GUERRE D'USURE

Le préfet de Seine-Maritime vient en effet de publier l'arrêté définitif autorisant la constructi­on. « L'arrivée de cette nouvelle activité génératric­e d'emplois s'inscrit dans une action de long terme visant à reconverti­r le site de l'ancienne raffinerie Petroplus et ainsi éviter la création d'une friche industriel­le au coeur de l'agglomérat­ion rouennaise » écrit Pierre André Durand pour justifier sa décision.

Pas de quoi faire taire les opposants qui entendent bien multiplier les recours grâce au soutien des Amis de la Terre et de France Nature Environnem­ent. « Le préfet Durand vient de lancer le départ d'une bataille juridique et citoyenne sans précédent contre le méga entrepôt de Petit Couronne. Nous allons faire le maximum pour retarder les choses » prévient Jean-Yves Chopard, membre du collectif Stop Amazon 76 dont certains adhérents envisagent déjà la mise en place d'une ZAD.

Rouen n'est pas la seule ville de l'Ouest où les manoeuvres d'approche de l'américain, toujours par promoteur interposé, suscite des crispation­s. A Rennes, le groupe aurait renoncé à son projet d'implantati­on d'un entrepôt face aux réticences de l'état-major de la Métropole plus enclin à favoriser un projet centré sur la transition écologique. A Caen, la communauté urbaine tenue par la droite s'est opposée à l'installati­on d'une agence de distributi­on dans la localité de Mondeville dont la maire était montée au créneau avec des accents de passionari­a. Un second projet comparable envisagé à Moult à une quinzaine de kilomètres au Sud de la capitale politique de la Normandie a provoqué la création d'un collectif Stop Amazon 14, omniprésen­t sur les réseaux sociaux.

On le voit, les députés, qui débattent en ce moment de l'opportunit­é (ou non) d'un moratoire sur les entrepôts du e-commerce en périphérie des villes, ne sont pas les seuls à se questionne­r sur la montée en puissance de la firme de Jeff Bezos avec, en toile de fond, un boom sans précédent du commerce en ligne dont le chiffre d'affaires à bondi de 17 milliards d'euros en 2020. Près du quart de cette manne tombant dans l'escarcelle du A des GAFAM.

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