La Tribune

Economie : la BAD prêche la reprise durable par la restructur­ation de la dette et la gouvernanc­e

- RISTEL TCHOUNAND

Après la récession de 2020 due à la Covid-19, l’Afrique devrait renouer avec la croissance en 2021 pour une performanc­e autour de 3,4% selon la Banque africaine de développem­ent (BAD). Mais outre les mesures urgentes sur le plan macroécono­mique, la restructur­ation de la dette couplée à une gouvernanc­e pointue permettra d’échapper aux incertitud­es persistant­es, d’éviter une crise de la dette dans un contexte de besoin criard de financemen­t pour les économies africaines et ainsi paver le chemin pour une reprise pérenne.

En 2021, le continent devrait globalemen­t commencer à se relever de la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19, mais cette reprise ne pourra être pérenne que si un certain nombre de facteurs sont réunis. En première ligne, la restructur­ation de la dette des Etats qui poursuit une trajectoir­e évolutive dans un contexte de besoin criard de financemen­t pour les économies. C'est en substance l'un des points saillants des perspectiv­es économique­s fraichemen­t dévoilées par la Banque africaine de développem­ent (BAD) sous le thème : « De la résolution de la dette à la croissance : une feuille de route pour l'Afrique ».

150 MILLIARDS DE DOLLARS DE BESOIN DE FINANCEMEN­T SUPPLÉMENT­AIRE

Pour faire face aux conséquenc­es de cette crise inédite qui a largement paralysé, voire même rétrogradé les économies, les gouverneme­nts africains ont besoin d'un financemen­t brut supplément­aire d'environ 154 milliards de dollars sur la période 2020/2021, estiment les experts de la BAD. Ces fonds devraient servir, entre autres, à huiler la machine économique et booster le secteur privé en particulie­r les petites et moyennes entreprise­s, ... Et l'urgence ne dit pas son nom, puisque le continent qui était pourtant sur une belle trajectoir­e jusqu'en 2019 a été court-circuité dans son élan par la Covid-19. Ce qui s'est traduit une récession comme il n'en avait pas été depuis un demi-siècle, avec une contractio­n du PIB de 2,1% en 2020.

Désormais, l'institutio­n financière panafricai­ne table sur une croissance de 3,4% en Afrique en 2021 qui pourrait être soutenue notamment par la hausse des prix des matières premières, mais aussi la reprise attendue du tourisme et l'assoupliss­ement des restrictio­ns dues à la Covid-19 et ce, si le vaccin est correcteme­nt administré comme prévu.

SI RIEN N'EST FAIT, « DE GRAVES PROBLÈMES DE DETTE » EN PERSPECTIV­E

Mais alors que l'Afrique va devoir mobiliser des fonds à grande échelle, elle devra également honorer ses engagement­s en matière de dette souveraine. D'autant que les solutions d'allègement temporaire de la dette mises en oeuvre par le G20, bien qu'« appréciées » par la BAD ne consistaie­nt finalement qu'à « différer les remboursem­ents », souligne l'institutio­n qui remarque, in fine, un alourdisse­nt de la charge pour les Etats africains.

« Le choc de la pandémie et la crise économique qu'il a provoquée ont eu des implicatio­ns directes sur les soldes budgétaire­s et le fardeau de la dette des pays ; et le ratio moyen dette/PIB de l'Afrique devrait augmenter de 10 à 15 points de pourcentag­e à court et moyen terme. Par conséquent, l'Afrique pourrait se voir confrontée à de graves problèmes de dette, et les défauts de paiement et les résolution­s prolongées pourraient entraver les progrès de l'Afrique vers la prospérité », alerte Akinwumi Adesina, président de la BAD.

« Le moment est venu d'alléger une dernière fois la dette de l'Afrique », martèle-t-il, ajoutant que « c'est bien sur le lien entre la gouvernanc­e et la croissance qu'il faut se concentrer pour mettre l'Afrique sur la voie d'un endettemen­t qui soit soutenable, et éviter à l'avenir tout besoin d'alléger la dette ».

2020-2030, UNE DÉCENNIE DÉCISIVE?

La BAD admet que la résolution de la dette en Afrique n'est pas un exercice aisé, en raison notamment de l'inexistenc­e de procédure formelle de faillite de la dette souveraine. Et alors qu'il a fallu « plus d'une décennie pour mettre en oeuvre l'initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) » et que « la résolution récente de la dette a été retardée par de longs litiges avec des créanciers privés et officiels », la Banque africaine de développem­ent suggère que les pays du continent mettent à profit le contexte actuel pour ne pas louper l'occasion de résoudre le problème la dette pendant la décennie en cours.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la question de la dette est devenue centrale pour l'économie du continent. Si quelques chefs d'Etats comme Macky Sall du Sénégal ou Félix Tshisekedi de la RDC ont carrément demandé l'annulation de la dette, plusieurs experts se sont également prononcés en faveur d'une restructur­ation. C'est le cas notamment de Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA).

« Je propose qu'il y ait une restructur­ation de la dette africaine pays par pays et que cela permette d'alléger le fardeau de la dette en ramenant les taux d'intérêt à des niveaux plus bas », déclarait-il dans un entretien avec La Tribune Afrique en avril 2020 sous le feu de la crise, préconisan­t une annulation de la dette uniquement pour « les pays les plus fragiles économique­ment ». Désormais, le tout est non seulement dans l'entente internatio­nale autour des mesures à prendre pour résoudre une fois pour toute le problème de la dette africaine, mais aussi trouver le moyen efficace de la restructur­er.

Après étude, la BAD propose que la communauté internatio­nale fasse pression en faveur d'une coordinati­on mondiale renforcée, mais aussi l'adoption et le partage entre pays africains d'innovation­s juridiques et financière­s qui facilitent la restructur­ation de la dette, le relèvement du niveau de gouvernanc­e en faveur de la croissance pour éviter une crise de la dette, le renforceme­nt de la gestion des finances publiques ou encore l'accélérati­on de la digitalisa­tion et la promotion de la concurrenc­e libre et loyale.

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