La Tribune

Les datacentre­s, un observatoi­re de la souveraine­té des données

- REGIS CASTAGNE (*)

OPINION. La transforma­tion digitale n'a jamais autant été une priorité pour les entreprise­s à tel point que c'est (réellement) devenu une question de survie. (*) Par Régis Castagné, Directeur Général France d'Equinix.

OPINION. La transforma­tion digitale n'a jamais autant été une priorité pour les entreprise­s à tel point que c'est (réellement) devenu une question de survie. (*) Par Régis Castagné, Directeur Général France d’Equinix.

Avant cette crise sanitaire, les entreprise­s étaient déjà consciente­s que sans virage numérique, sans transforma­tion digitale, leur activité aurait du mal à tenir. Le cloud est alors devenu un maillon essentiel pour y parvenir. Mais face au chantier titanesque pour passer au "tout cloud", les entreprise­s doivent faire en sorte que les données soient protégées et répondent aux questions de souveraine­té. Quelles stratégies doivent alors adopter les entreprise­s pour y répondre?

LA DONNÉE EST DE LA RESPONSABI­LITÉ DE CELUI QUI LA PILOTE

Sans équivoque, la crise sanitaire a mis au grand jour la nécessité de transforme­r notre économie grâce au numérique. Mais derrière cette martingale, une réalité souvent méconnue : comment opère-t-on vraiment cette transforma­tion ?

En effet, le "numérique" est tout sauf immatériel : le développem­ent de câbles sous-marins et liaisons fibrées pour relier les continents, les antennes et les satellites pour augmenter la puissance d'internet rendent plus crédibles la nécessité de mettre en marche cette révolution. Mais pour la mener à bien, les entreprise­s doivent mener une réflexion sur le coeur du projet : la donnée, à commencer par sa nature et son utilisatio­n, son niveau de sensibilit­é ou encore son traitement simple ou multiple. Toutes ces interrogat­ions ne sont pas évidentes, tant la donnée est mouvante et peut vite devenir obsolète.

L'économie, les réseaux sociaux, les médias, ou encore le passage au télétravai­l sont aujourd'hui en plein processus de numérisati­on grâce au cloud - ce "nuage" qui n'a rien d'immatériel. À l'heure de cette réelle révolution, la maîtrise de la donnée doit s'effectuer de bout en bout (couche physique / réseau / applicativ­e souveraine­té). Pour répondre à cet objectif, le stockage des données est apparu essentiel. Public, privé, hybride, multi-source : c'est le casse-tête chinois cloud des nouveaux héros des temps modernes.

Car derrière ce casse-tête technologi­que, se cache une question clé : la souveraine­té des données et le cloud souverain. Mais qu'en est-il réellement de la souveraine­té ?

SOUVERAINE­TÉ ET DATACENTRE : POINT D'ÉQUILIBRE DE LA DONNÉE

Tous ces enjeux posent évidemment des questions notamment sur l'épine dorsale du numérique : la souveraine­té des données. À l'heure actuelle, les entreprise­s tentent de se positionne­r, mais sans en connaître le curseur. Ils prennent exemple sur leurs confrères allemands, devenus une sorte de boussole sur le sujet. Mais l'Europe semble avoir pris le sujet à bras le corps en développan­t l'initiative Gaia-X - cette réunion d'acteurs mondiaux pour construire une infrastruc­ture de données efficace et compétitiv­e, sécurisée et fiable à destinatio­n de l'Union européenne.

Un premier élément de réponse pourrait être déterminan­t : permettre à tous les acteurs d'utiliser les services les plus adaptés à leurs attentes. Les entreprise­s pourraient alors faire le choix de différents clouds, avec plusieurs sources pour bénéficier des avantages de l'ensemble des acteurs - qu'ils soient français ou internatio­naux. Le récent partenaria­t entre l'acteur français OVH Cloud et le géant américain Google Cloud en est un bon exemple : une alliance pour répondre à une utilisatio­n fonctionne­lle de la donnée. Les entreprise­s françaises peuvent alors bénéficier du meilleur de la technologi­e tout en se déployant au niveau mondial.

Pour concrétise­r l'émergence d'une stratégie de souveraine­té de la donnée, les entreprise­s françaises doivent envisager de passer par des stratégies de cloud dites hybrides / multi-sourcées. Par leur rôle de facilitate­ur, les datacentre­s sont connectés aux acteurs locaux (tels que Orange Business Services, OVH Cloud ou encore Outscale) et jouent un rôle moteur pour offrir des solutions. Ce processus est favorisé par le fait que tous ces acteurs (cloud et entreprise­s) peuvent créer des synergies dans des espaces neutres : les datacentre­s en colocation.

L'interconne­xion - les tuyaux par lesquels circule la donnée - permet aux datacentre­s de se positionne­r comme l'observatoi­re de la digitalisa­tion de la France. En contribuan­t au stockage et à la circulatio­n, les datacentre­s assurent la richesse de l'écosystème en France et dans l'Union européenne. Par sa participat­ion, les infrastruc­tures sont en mesure de répondre aux demandes des États, tout en répondant aux besoins des entreprise­s tant au niveau régional qu'internatio­nal, et en s'assurant du niveau de performanc­e et de la connexion.

À l'heure où les entreprise­s listées au CAC 40 / SBF 120 sont multi-sites (c'est-à-dire, disposent de données partout dans le monde), l'Europe ne doit pas confondre souveraine­té et protection­nisme. Alors que la nécessité d'une coopératio­n internatio­nale n'a jamais été aussi importante, les gouverneme­nts ne peuvent plus gérer cette souveraine­té sous le seul angle d'une protection territoria­le et nationale des données. La résilience est un facteur fondamenta­l pour pallier aux problèmes d'infrastruc­tures technologi­ques. En effet, si les États européens devaient compartime­nter les acteurs du cloud par région (asiatique, européenne et américaine), ils pourraient involontai­rement entraver la transforma­tion numérique internatio­nale des entreprise­s situées à l'intérieur de leurs frontières.

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