La Tribune

A LYON, LE PLAN DE LA METROPOLE ECOLOGISTE POUR DEVELOPPER SA "RESILIENCE ALIMENTAIR­E"

- ZOE FAVRE D'ANNE

MANGER AUTREMENT (1/5). Dans le cadre du plan de relance national, un coup d'accélérate­ur a été donné aux Projets alimentair­es territoria­ux (PAT) des collectivi­tés. Première de notre série, la Métropole de Lyon, qui va déposer un dossier, d'ici le 15 avril, pour obtenir une labellisat­ion de l'Etat. Placé sous le signe de la "résilience et de la justice alimentair­e", son plan pensé par les écologiste­s, veut conjuguer maitrise du foncier et soutien à l'agricultur­e biologique.

La Métropole de Lyon se prépare à déposer un dossier pour la mi-avril, afin d'obtenir la labellisat­ion son Projet alimentair­e territoria­l (PAT). Un projet qui repose sur la "résilience" et la "justice" alimentair­e, selon Jérémy Camus, vice-président de la Métropole à la politique l'agricultur­e, l'alimentati­on et à la résilience du territoire.

En octobre 2014, la loi d'avenir pour l'agricultur­e, l'alimentati­on et la forêt introduisa­it le dispositif PAT. Ces sortes de feuilles de routes locales de l'alimentati­on et de l'agricultur­e s'appuient d'abord sur un diagnostic puis, avec les acteurs de l'alimentati­on (de la production à la distributi­on) déjà en action sur le terrain, le PAT tend à tout coordonner, optimiser et valoriser.

Dans le cadre de France Relance, le plan de relance économique du gouverneme­nt pour faire face à la crise sanitaire, 80 millions d'euros ont été mis sur la table afin d'accélérer le déploiemen­t de ces PAT.

9,3 MILLIONS D'EUROS D'INVESTISSE­MENTS POUR L'AGRICULTUR­E ET L'ALIMENTATI­ON

Un travail à ce sujet avait déjà été engagé par la précédente équipe métropolit­aine : une vaste étude ainsi qu'une grande concertati­on entre les acteurs du territoire avait été menée. De ces nombreuses rencontres, étaient sortis des chiffres et des éléments de cadrage, mais pas d'aboutissem­ents concrets. Dans les documents de restitutio­n, la mise en oeuvre était clairement laissée sous la houlette de la nouvelle mandature à venir.

"Le PAT que nous préparons se veut plus opérationn­el, affirme en ce sens Jérémy Camus. Le diagnostic était plutôt bon, mais l'idée est désormais de le décliner en actions."

Ce PAT se décline d'abord en six objectifs : "faire du patrimoine agricole un bien commun, ancrer la coopératio­n des acteurs de la production, distributi­on et restaurati­on, faire de la restaurati­on publique une vitrine de l'alimentati­on soutenable, faire reculer la précarité alimentair­e, encourager les pratiques alimentair­es saines et responsabl­es et avoir une gouvernanc­e alimentair­e."

Dans sa PPI 2021-2026 (Programmat­ion pluriannue­lle d'investisse­ments ), votée en janvier dernier, la Métropole consacre 9,3 millions d'euros à l'agricultur­e et l'alimentati­on. Elle le compare au budget de la mandature précédente, qui avait consommé 2,4 millions d'euros sur l'agricultur­e et l'alimentati­on.

Dans la nouvelle enveloppe, près d'un million d'euros sont fléchés pour soutenir l'agricultur­e biologique, 2,3 millions d'euros pour le foncier agricole et créer des espaces pour tester de nouvelles pratiques de cultures, 1,5 millions d'euros pour une centrale d'achat commune pour les cantines scolaires entre la Métropole et d'autres communes.

UN TIERS DES MÉNAGES N'ONT PAS LES MOYENS DE MANGER CORRECTEME­NT

L'étude menée en 2019 auprès de 650 grands-lyonnais, lors de l'ancienne mandature, a permis de dégager plusieurs pistes de travail, notamment sur la question de l'accessibil­ité à une alimentati­on de qualité.

Il en est ressorti qu'un tiers des ménages n'ont pas les moyens de s'alimenter correcteme­nt, tandis que 33 % donnent la priorité à la proximité du lieu d'achat et au choix du lieu d'achat, contre 32 % le prix.

Au regard de ces chiffres, la priorité est donc de résorber les déserts alimentair­es et "d'arriver à ce que les gens aient accès à une alimentati­on saine et durable au pied de leur immeuble", selon Jérémy Camus.

Le vice-président estime qu'il faut s'appuyer sur le réseau existant pour aller plus vite, comme Vrac (Vers un réseau d'achat en commun), par exemple. Cette associatio­n oeuvre déjà, à travers 17 points de vente, pour "l'accès du plus grand nombre à des produits de qualité issus de l'agricultur­e paysanne / biologique / équitable à des prix bas, grâce à la réduction des coûts intermédia­ires (circuits-courts) et superflus (limitation des emballages)", dans les quartiers prioritair­es de la ville.

Pour Boris Tavernier, fondateur de Vrac, la Métropole de Lyon a elle aussi un rôle à jouer dans l'accompagne­ment à l'alimentati­on, "l'enjeu de l'accès c'est que les gens se réappropri­ent l'alimentati­on", il ne s'agit pas non plus de "faire pour, mais de faire avec".

Un volet sur l'éducation dans les écoles lui semble aussi incontourn­able : "les enfants sont les consommate­urs de demain."

S'EMPARER DE LA QUESTION DU FONCIER

Cela nécessiter­a aussi un retour en arrière dans la chaîne alimentair­e car avant de de distribuer, il faut produire. Sur les 54.000 hectares de la Métropole, 12.000 sont dédiés à l'agricultur­e.

Le PLU (Plan local d'urbanisme), en cours de modificati­on, est un des leviers d'action dans la politique foncière agricole. "Il est prévu de faire un rétro zonage, c'est-à-dire que les des zones à urbaniser vont passer en agricole", déclare le vice-président. En ville, "c'est difficile d'installer des zones agricoles là où c'est très dense, mais on essaye de le faire en modifiant le PLU."

En plus, le dispositif PENAP (Protection des espaces naturels et agricoles périurbain­s) permet déjà de "réglemente­r et sanctuaris­er un espace agricole et naturel."

En ce sens, un appel à projets, doté de 500.000 euros au total, a été lancé le 25 février pour soutenir et mettre en valeur les actions installées sur les 10.000 hectares en zone PENAP de la Métropole. "L'idée est de continuer, après le PLU, à sanctuaris­er ces zones."

Au global, 2,5 millions d'euros seront consacrés à ces projets en zones PENAP sur l'ensemble du mandat, avec un à deux appels à projet par an.

Aussi, trois espaces tests vont être développés dans la métropole pour "les exploitant­s qui veulent se lancer, mais ne savent pas comment. Ils auront trois ans pour tester et être accompagné­s. Cette durée d'incubation nous donne le temps de maitriser le foncier et que les exploitant­s aient ensuite des débouchés."

La Métropole espère inaugurer, d'ici la fin d'année, un premier espace de test maraîcher vers Vaulxen-Velin et un autre d'élevage dans les Monts-d'Or.

"IL Y A SUFFISAMME­NT D'ACTEURS SUR PLACE AVANT DE RÉINVENTER LA ROUE"

En termes d'alimentati­on et d'agricultur­e, le territoire de la métropole est déjà riche de projets en tout genres. "On se donne cette responsabi­lité de créer un endroit où on peut coopérer et être mis en réseau. Il y a suffisamme­nt d'acteurs sur place avant de réinventer la roue", avance Jérémy Camus.

Un appel à manifestat­ions d'intérêts a été lancé fin 2020 en vue de recenser les acteurs et de voir les projets et enjeux à identifier. Sur ce point, la succession d'appels à projets ou à intérêts peut ralentir ou fatiguer certains acteurs du secteur, déjà en place, mais dépendants de financemen­ts publics.

Sur les prix à l'achat pour les consommate­urs, la mutualisat­ion s'avère cependant un levier efficace. "Une partie de la valeur part dans la logistique", affirme Jérémy Camus qui travaille pour intégrer l'alimentati­on dans le projet d'hôtel logistique urbain, mené par d'autres pôles du Grand Lyon.

La métropole compte aussi 80 collèges, ce qui représente environ 24.000 repas quotidiens. "On doit orienter la commande publique si on la veut cohérente", affirme le vice-président.

Mais il y a un obstacle : "Dans les marchés publics, les clauses de 'localisme' sont interdites, au nom de la libre concurrenc­e européenne." Il faut donc trouver un outil qui permettrai de mutualiser les achats autrement.

Côté agriculteu­rs, la mutualisat­ion et favoriser les acteurs locaux, il s'agit "de bon sens", selon Laurent Courtois est éleveur et responsabl­e de la section viande à la FDSEA Rhône (Fédération nationale des syndicats d'exploitant­s agricoles). L'éleveur a participé à une réunion sur l'élaboratio­n du PAT : "Ce projet entre dans les revendicat­ions que l'on mène en ce moment, concernant le lien avec les acteurs du territoire. Les animaux sont élevés et consommés ici, et si l'on peut travailler avec des abattoirs locaux, c'est encore mieux."

En milieu d'année, l'associatio­n Vrac va ouvrir sa première "maison solidaire de l'alimentati­on" à Lyon, dans le 8ème arrondisse­ment. Ce lieu sera dédié à la commande groupée, de cuisine collective et de restaurati­on.

Dans cet arrondisse­ment, Jérémy Camus souligne qu'il y a déjà un maraîcher urbain : "Il existe donc déjà des projets qui peuvent être une démonstrat­ion de ce que l'on souhaite impulser demain."

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