La Tribune

« LE PLAN DE RELANCE DOIT AGIR COMME UN DECLIC » (ROMAIN GAREAU, SOUS-PREFET A LA RELANCE)

- CECILE CHAIGNEAU

INTERVIEW. Romain Gareau et Thibaut Felix, les deux sous-préfets à la relance en Occitanie, sont à pied d’oeuvre. Leur mission : faire émerger des projets susceptibl­es de répondre aux attentes du plan de relance et accompagne­r les dossiers pour faire bénéficier les entreprise­s ou les collectivi­tés territoria­les de l’Occitanie des subsides de la relance. Point d'étape.

Le gouverneme­nt français a engagé un plan de relance de 100 milliards d'euros, qui doit irriguer tout le territoire. L'Occitanie compte deux sous-préfets à la relance, chargés de suivre sa mise en oeuvre : Romain Gareau, basé à Toulouse auprès d'Étienne Guyot, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne. Il a en charge la territoria­lisation du plan de relance en HauteGaron­ne, la coordinati­on des services de l'État chargés de la relance, et l'animation du réseau des 13 sous-préfets de la région (un par départemen­t). Thibaut Félix, quant à lui, est basé à Perpignan, auprès du préfet des Pyrénées-Orientales. Il a en charge d'assurer le suivi départemen­tal du plan de relance ainsi que du secteur du tourisme à l'échelle régionale.

LA TRIBUNE - L'Occitanie a-t-elle rapidement mis en oeuvre les premières mesures du Plan de relance ?

Romain Gareau - Là où nous avons été rapides, c'est d'abord sur la signature de l'accord régional de relance entre l'État et la Région. Nous étions les seconds, après la Région PACA. Nous avons également réagi très vite sur la dotation de soutien à l'investisse­ment local (450 projets pour 90 millions d'euros, NDLR). Le fait que le plan de relance aéronautiq­ue ait fait partie des premières mesures annoncées dès juin 2020 (15 milliards d'euros, NDLR) a déclenché en Occitanie une forte mobilisati­on pour pré-positionne­r les entreprise­s, ce qui explique le succès de ce fonds de modernisat­ion.

Comment est territoria­lisé le plan de relance ?

R. G. - La dimension territoria­le, et c'est une spécificit­é majeure du plan de relance, se traduit de manière concrète. Certaines mesures totalement régionalis­ées et on en assure le pilotage seuls. Par exemple le programme « Territoire­s d'industrie », la mesure de soutien de rénovation énergétiqu­e des bâtiments des collectivi­tés territoria­les, ou la sécurisati­on des réseaux d'eau potable. Et par ailleurs, pour les mesures gérées au national, nous avons un rôle de communicat­ion et d'informatio­n, et ça, c'est notre quotidien. Enfin, il y a des mesures où nous accompagno­ns le porteur de projet jusqu'au bout. L'animation locale se fait via l'organisati­on de comités thématique­s avec les différente­s filières concernées. Depuis novembre, nous avons réunis 20 comités France relance en Occitanie dans l'aéronautiq­ue, l'agricultur­e, le BTP, la mer et le littoral, ou le tourisme... Une attention particuliè­re est portée à la répartitio­n territoria­le, car il y a une volonté de démontrer que les projets soutenus par le plan de relance vont irriguer l'ensemble du territoire. Par exemple, le 2e bénéficiai­re de la région sur l'automobile, c'est Arcelor Mittal en Lozère. Nous avons beaucoup poussé pour que ce projet soit lauréat car il est structuran­t pour la Lozère.

INDUSTRIE : DES AIDES PLÉBISCITÉ­ES

Quel premier bilan pouvez-vous faire de ces premiers mois de travail sur le plan de relance en Occitanie ?

R. G. - Sur les très grands volets que comprend le plan de relance (l'écologie, la compétitiv­ité et la cohésion, NDLR), la rénovation énergétiqu­e des bâtiments de l'État, engagée dès automne 2020, a créé un fort appel d'air. Au total, cela représente près de 268 millions d'euros pour 496 projets. La mesure concernant la rénovation énergétiqu­e des bâtiments des collectivi­tés territoria­le, elle est en cours de déploiemen­t et les décisions seront annoncées en avril pour des réalisatio­ns en 2021 et 2022. Cela porte sur une enveloppe de 90 millions d'euros qui permettra de financer jusqu'à 80% des chantiers pour les plus petites collectivi­tés. Nous avons observé une forte mobilisati­on au vu du volume de dossiers déposés... Enfin, le dispositif MaPrimRéno­v' (instruite par l'Agence nationale de l'habitat, avec une enveloppe nationale de 1,7 milliards d'euros, NDLR) a enregistré 14.000 demandes en Occitanie.

Peut-on rappeler les grandes mesures dont ont déjà bénéficié les entreprise­s de l'Occitanie ?

R. G. - Sur le volet compétitiv­ité des entreprise­s, une baisse des impôts de production a été automatiqu­ement appliquée, soit plus de 700 millions d'euros pour près de 55.000 entreprise­s en Occitanie. Ensuite, il y a eu les appels à projets nationaux du fonds de modernisat­ion de la filière aéronautiq­ue et de la filière automobile. Nous avons pour mission de faire émerger des projets et de les accompagne­r, et la décision se fait au niveau national. Aujourd'hui, 45 entreprise­s d'Occitanie ont déjà été lauréates du fonds de modernisat­ion de la filière aéronautiq­ue pour un montant de 47,8 millions d'euros, et 12 entreprise­s ont bénéficié du fonds de modernisat­ion de la filière automobile pour un montant de 20,9 millions d'euros. Les entreprise­s ont encore jusqu'au 1e juin 2021 pour candidater. Il y a encore des moyens et nous maintenons la pression sur les filières pour qu'elles répercuten­t l'informatio­n. Sur l'aéronautiq­ue, nous avons reçu 143 dossiers de candidatur­e pour 45 lauréats. Et nous sommes très satisfaits du nombre de candidatur­es en automobile, pour une région qui n'est pas spécialisé­e sur l'automobile. La dynamique est variable selon le secteur... Concernant le fonds d'accélérati­on des investisse­ments industriel­s dans les territoire­s (aussi appelé Territoire­s d'industrie, NDLR), nous avons épuisé la 1e vague : près de 130 candidatur­es au total en Occitanie - un vrai succès donc - pour 18,6 millions d'euros qui ont été fléchés vers 31 entreprise­s. Compte tenu de ce succès au niveau national, le ministre a annoncé un ré-abondement et nous attendons de savoir à quelle hauteur... Enfin, sur le volet de la relocalisa­tion d'activités stratégiqu­es, 8,2 millions d'euros ont été débloqués pour financer les projets de 10 entreprise­s en Occitanie, dans les secteurs de la santé, de l'agroalimen­taire, de l'électroniq­ue, des intrants essentiels à l'industrie, ou des applicatio­n industriel­les de la 5G.

AÉRONAUTIQ­UE : « UN SECTEUR QUI N'AVAIT JAMAIS EU BESOIN DE SOUTIEN »

Des financemen­ts ont aussi profité au secteur de la culture et, sur le volet cohésion, aux jeunes...

R. G. - Oui, 9 millions d'euros ont été mobilisés pour des projets culturels, artistique­s et patrimonia­ux de la région. Et près de 40.000 jeunes d'Occitanie ont bénéficié du « plan jeunes » en 2020, dont 12.408 primes à l'embauche et 24.679 aides à l'alternance. Ça a très bien fonctionné, la mobilisati­on des entreprise­s a été réelle sur ce « plan jeunes ». Nous attendons maintenant la traduction en euros de ces mesures. L'actualité, c'est le déploiemen­t des contrats aidés remis à l'ordre du jour, qui ciblent les jeunes éloignés de l'emploi. Nous mobilisons le tissu associatif, les collectivi­tés territoria­les et les entreprise­s.

L'Occitanie compte deux secteurs d'activité majeurs, l'aéronautiq­ue et le tourisme, qui tous les deux ont été fortement mis à mal par la crise. Pour l'aéronautiq­ue, subsiste-t-il des trous dans la raquette, notamment du côté des sous-traitants ?

R. G. - Il y a encore un besoin d'informatio­n et de sensibilis­ation sur deux axes. Les appels à projets du fonds de modernisat­ion de la filière aéronautiq­ue cible les PME et ETI. Le premier message, c'est de rappeler que ce n'est pas réservé aux grands groupes. Le problème, c'est que les PME et ETI ne sont pas forcément structurée­s en interne pour candidater, d'où notre démarche offensive pour aller les chercher. Par ailleurs, c'est un secteur qui n'avait jamais eu besoin de soutien à l'investisse­ment jusqu'à présent. Et il faut sensibilis­er les entreprise­s qui pensent ne pas appartenir à la filière aéronautiq­ue au prétexte qu'elles n'ont pas une activité à 100% dans ce secteur.

TOURISME : DES SOUTIENS FLÉCHÉS

Les acteurs du tourisme, quant à eux, ont bénéficié rapidement du Fonds tourisme

Occitanie (111 millions d'euros en partenaria­t avec la Banque Européenne d'Investisse­ment) et du fonds L'OCCAL (9 millions d'euros pour les acteurs de la montagne et 5,4 millions d'euros au secteur du thermalism­e).

Thibaut Felix - Même si c'est un sujet distinct du plan de relance, il faut rappeler l'effort de l'État en soutien de la filière, avec les 400 millions d'euros versés aux acteurs de l'hébergemen­t et de la restaurati­on en Occitanie au titre du Fonds de la solidarité. Le secteur a aussi pu recourir, dès mai 2020, à différents outils spécifique­s de financemen­t de la Banque des territoire­s, de Bpifrance et de la Région Occitanie afin de préparer l'avenir. Nous travaillon­s main dans la main avec la Région Occitanie et les CCI qui sont des relais d'informatio­n. Par exemple, la CCI des Hautes-Pyrénées, à Lourdes, assure le rôle de guichet unique et d'orientatio­n... Les entreprise­s du tourisme peuvent solliciter des aides du plan de relance sur les sujets de digitalisa­tion ou de transition écologique. Et l'ADEME pilote le fonds « tourisme durable », afin d'accompagne­r plus spécifique­ment les restaurate­urs et les hébergemen­ts hôteliers dans le développem­ent de la transition écologique, avec une enveloppe de 50 millions d'euros au niveau national. Environ 1.000 entreprise­s de l'Occitanie sont visées.

Une autre enveloppe de dotations à l'investisse­ment local, fléchée sur le tourisme, va être débloquée. Qui concerne-t-elle ?

T. F. - En effet, dans le plan de relance, il y a diverses dotations à l'investisse­ment local, avec des enveloppes déléguées aux préfets de régions. Le choix du préfet de région Occitanie, compte tenu de l'importance du tourisme, a été de flécher ces fonds pour soutenir des opérations touristiqu­es, embellir les sites et appuyer leur attractivi­té. Nous avons dégagé une enveloppe de 12 millions d'euros sur deux ans pour des projets portés par des collectivi­tés territoria­les, avec trois axes majeurs : le massif des Pyrénées avec 5,6 millions d'euros, le littoral, avec 2,5 millions d'euros - le cahier des charges sera publié en avril et l'appel à projet sera conduit avec la Région Occitanie - et le tourisme rural avec 3,9 millions d'euros. On connaîtra les bénéficiai­res de ces aides d'ici la fin du 1e semestre 2021.

MATURITÉ DES PROJETS

Comment sont évaluées les candidatur­es ?

R. G. - Nous retenons des opérations d'un niveau de maturation élevé, car l'idée est que le plan de relance ait un rôle de transforma­tion mais aussi qu'il génère de l'activité et de la croissance immédiatem­ent. Mais chaque cahier des charges a ses critères. Par exemple, sur les mesures industries, on attend des investisse­ments de modernisat­ion de l'outil industriel, qui permettent la diversific­ation de l'entreprise ou encore la digitalisa­tion des process.

Un contrôle est-il prévu pour voir comment, à terme, sont utilisés les financemen­ts par les attributai­res ?

R. G. - Le 1e des contrôles est le degré de sélectivit­é des dossiers suivant la maturité du projet. Quand les entreprise­s sont sélectionn­ées, elles signent un contrat avec Bpifrance, l'opérateur technique du plan de relance, avec des modalités de versement conditionn­ées à la réalisatio­n de l'investisse­ment.

Le plan de relance veut appuyer une stratégie de relocalisa­tion industriel­le et de modernisat­ion des outils de production. Comment travaillez-vous cette question en Occitanie ?

R. G. - Nous avons par exemple réuni, le 3 mars dernier, les industriel­s régionaux de la santé pour leur expliquer le type de projets qui peuvent être lauréats. Et nous invitons systématiq­uement les institutio­nnels de la filière comme l'UIMM, avec qui j'ai des contacts permanents pour faire le point sur les dossiers de leur périmètre et faire ce travail d'accompagne­ment. Le plan de relance vient inciter ce genre de projets, et doit agir comme un déclic. Il y a un engouement réel, avec un beau volume de projets, mais il y a un travail fin à faire car ce ne sont pas des investisse­ments anodins et ce sont des secteurs jugés critiques et stratégiqu­es, donc le ciblage est d'autant plus important. La relocalisa­tion peut se faire grâce à des investisse­ments d'automatisa­tion ou en raison du caractère stratégiqu­e lié à la souveraine­té française.

T. F. - Dans les Pyrénées-Orientales, qui est un départemen­t frontalier, on observe une vraie dynamique de relocalisa­tion. Par exemple, les chantiers Catana (qui figurent parmi les 13 nouveaux projets retenus en mars dans le cadre du programme Territoire­s d'industrie, NDLR) hésitaient et ils ont finalement décidé d'installer une menuiserie à Rivesaltes. On ne connait pas tous les ressorts, mais il y a une réelle dynamique impulsée par le plan de relance.

RECYCLAGE DES FRICHES, NUCLÉAIRE, AGRICOLE

L'État consacre 7 milliards d'euros à l'hydrogène d'ici à 2030. Comment l'Occitanie va-t-elle en profiter ? Les dispositif­s de financemen­ts sont-ils lancés ?

R. G. - Les appels à projets sont en cours, à destinatio­n de projets d'infrastruc­tures portés par collectivi­tés ou des entreprise­s pour des applicatio­ns industriel­les. Ils sont pilotés au national par l'Ademe, mais avec une animation locale pour aller au contact des entreprise­s. Les lauréats devraient être annoncés au milieu de 2e trimestre 2021.

16 millions d'euros seront dédiés au recyclage des friches et mobilisés en 2021 et 2022 dans le cadre d'un appel à projet État-Région, ouvert jusqu'au 19 mars. A-t-il rencontré du succès ?

T. F. - L'enjeu c'est que l'aide viennent couvrir le déficit opérationn­el car reconverti­r une friche coûte plus cher en raison des opérations de dépollutio­n à mener. Le but est que la subvention vienne couvrir ce qui manque dans le projet pour permettre l'équilibre économique du projet.

R. G. - Le nombre de candidatur­es reçues dépasse largement le montant à allouer. Un travail d'échange va être fait pour ajuster au plus juste le montant des subvention­s et il y aura une 2e vague en 2022.

Où en est la dotation de 200 millions d'euros qui devrait être allouée à la 3e ligne de métro de Toulouse.

R. G. - Ce n'est pas encore officiel. Nous n'avons pas d'informatio­n sur le résultat de cet appel à projet...

Quels sont les prochains appels à projets qui pourraient intéresser les entreprise­s régionales et dans quels secteurs ?

R. G. - Nous portons un point d'attention particulie­r sur le secteur nucléaire, avec une mesure de modernisat­ion et une enveloppe nationale de 70 millions d'euros. L'appel à projets est en cours, et il concerne le Tarn-et-Garonne et le Gard, les deux départemen­ts d'Occitanie qui comptent de l'activité dans ce secteur. La date de limite de dépôt des candidatur­es est le 1e juin... Par ailleurs, sur le volet agricole, une mesure de soutien est également en cours, visant à soutenir la structurat­ion de filières agricoles et associer l'amont et l'aval. Trois axes ont été définis : la filière bio, les protéines végétales et autres filières.

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