La Tribune

IMMOBILIER ANCIEN A TOULOUSE : COMMENT LA CRISE POSE LES BASES D'UNE BULLE SPECULATIV­E

- PIERRICK MERLET

La crise sanitaire est loin d'avoir contenu le marché de l'immobilier ancien, notamment sur les appartemen­ts, à Toulouse et en Haute-Garonne. Ainsi, l'année 2020 a été synonyme d'une flambée des prix à Toulouse (+9,2%), mais aussi sur sa métropole, malgré un volume des ventes stable, d'après une étude de la chambre des notaires de la Cour d'appel de Toulouse. Selon elle, plusieurs points laissent à penser que les prémices d'une bulle spéculativ­e immobilièr­e sont là. Analyse.

"Une année 2020 surprenant­e dans ses volumes", lance Philippe Pailhès, le vice-président de la chambre des Notaires de la Cour d'appel de Toulouse. Selon les notaires locaux, qui s'attendaien­t à un effondreme­nt du marché, l'année 2020 est restée tout de même une année active pour l'immobilier ancien en Haute-Garonne. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, le volume des ventes a seulement baissé de -6% pour les appartemen­ts et de -3,7% pour les maisons, après une année 2019 record sur ce point.

"Cela démontre tout d'abord que des personnes ont mal vécu le premier confinemen­t et qu'elles ont eu besoin de changer de cadre de vie. Par ailleurs, et plus que les années antérieure­s, l'immobilier apparaît plus que jamais comme une valeur refuge. Plutôt que la bourse, certains ont préféré investir dans la pierre, une valeur plus stable", commente Philippe Pailhès.

Maisons et appartemen­ts anciens confondus, la répartitio­n des ventes par origine géographiq­ue des acquéreurs le confirme. Plus d'un tiers des acquéreurs achètent dans la même commune et près de 45% dans le même départemen­t. Un dernier segment d'ailleurs en progressio­n entre 2019 et 2020. "Beaucoup de gens ont ressenti le besoin de s'écarter de la ville et ont revu leur projet de vie, grâce notamment au télétravai­l. Par exemple, la seconde couronne de Toulouse a bénéficié de cet effet confinemen­t", illustre Frédéric Guiral, le délégué aux chiffres de l'immobilier en HauteGaron­ne de la chambre.

"En 2019, nous avions à peine un tiers des quartiers de Toulouse avec une croissance à deux chiffres. En 2020, nous en avons les trois quarts. C'est bien le signe d'un report des investisse­ment sur l'immobilier et le signe d'une spéculatio­n immobilièr­e poussée par des investisse­urs. Le marché de l'immobilier n'est absolument pas en corrélatio­n avec le contexte de crise, contrairem­ent à ce que nous aurions cru. Il y a un sentiment de sécurité dans le marché immobilier", décrypte le vice-président, et dont ses propos sont appuyés par la tendance tarifaire moyenne des avants-contrats sur la Haute-Garonne. (Ce graphique démontre l'augmentati­on des prix sur le second semestre 2020, à la sortie du premier confinemen­t en France accompagné­e des premières secousses économique­s.)

Pour nuancer ces chiffres, cette étude révèle également que c'est un phénomène observé dans toutes les communes supérieurs à 150.000 habitants en France. Malgré son envolée des prix supérieure à 9%, Toulouse garde sa septième place du classement basé sur le prix médian, loin derrière la seconde place de Bordeaux et ses 4.000 euros du mètre carré médian.

LA CRISE A CRÉÉ LA CHASSE AUX PLUS-VALUES

Néanmoins, cette évolution devient une spécificit­é toulousain­e quand le périmètre de l'analyse est élargi à la métropole. Plusieurs communes font ainsi l'objet d'importante­s hausses des prix comme Castelnau-d'Estrétefon­ds (+6,8%), Léguevin (+8,2%), Cugnaux (+10,4%), Plaisance-du-Touch (+11,2%) ou Tournefeui­lle (+8,1%). Des données à l'image de la Haute-Garonne dans son ensemble, qui enregistre une hausse de +5,4% du prix média au m2, à 2.640 euros, en 2020. A contrario, le marché des maisons anciennes sur le départemen­t n'a pas connu cette inflation, avec une croissance de "seulement" +3,3% en 2020 du prix de vente médian. "Cette suractivit­é du marché de l'appartemen­t ne se retrouve pas sur les maisons car nous sommes sur un marché d'accédants occupants et non d'investisse­urs", ajoute Frédéric Guiral.

(Graphique produit par la chambre des notaires de la Cour d'appel de Toulouse.)

De plus, ce dynamisme plus important sur le marché des appartemen­ts anciens à Toulouse encourage la chasse aux plus-values. Selon la chambre des notaires de la Cour d'appel de Toulouse, les vendeurs avec une durée de détention des biens de moins de cinq ans sont en augmentati­on sur la Haute-Garonne.

"La performanc­e du marché immobilier dans l'ancien à Toulouse donne des idées à certains propriétai­res de réaliser une belle opération. Mais si nous détenons de moins en moins longtemps les biens, attention à la bulle spéculativ­e ! Nous n'avions plus observé un tel phénomène sur le départemen­t depuis 2007", s'inquiète Philippe Pailhès, le vice-président de la chambre des Notaires de la Cour d'appel de Toulouse. (Graphique produit par la chambre des notaires de la Cour d'appel de Toulouse.)

Selon lui et ses confrères, ce contexte de fort dynamisme du marché immobilier bénéficie en plus des taux d'intérêts attrayants. "J'ai conclu une vente hier soir avec un taux d'intérêt pour l'acheteur à 0,90% contre 2,70% pour le vendeur sur son prêt octroyé en 2010 (...) Avec une hausse des taux, peut-être que les prix baisseront ou seront stabilisés dans leur évolution", témoigne-t-il. D'après la chambre, une augmentati­on des taux d'emprunt de seulement un demi-point pourrait supprimer 20 à 30% des acquéreurs sur le marché.

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