La Tribune

Feux de Brousse : l'idée même de mort se banalise

- JEAN BROUSSE

Ingénieur, éditeur, observateu­r attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidienn­es du confinemen­t. Il tiendra dans La Tribune une revue du couvre-feu devenu reconfinem­ent, intitulée comme il se doit Feux de... Brousse.

Semaine maussade, grisouilla­nte et sans relief, à peine animée par les turbulence­s pantalones­ques de la « Firme » de Buckingham. Sacrés Windsor ! Rien de nouveau sous les giboulées de saison, que des broutilles. Le front de la guerre sanitaire n'emporte plus guère l'attention des foules. La vaccinatio­n patine grave entre de nouvelles dosettes fraichemen­t homologuée­s et des effets indésirabl­es fantasmés mais non confirmés, dans un climat de guéguerre entre vaccinodro­mes, cabinets de médecine de ville et officines pharmaceut­iques... Les doses sont là, ça nous rassure, mais on ne sait pas bien combien et où ! Quel âge convient-il d'avoir atteint ou dépassé pour mériter de haute lutte sa précieuse potion d'élixir ? La routine, quoi !

Les titres de la presse quotidienn­e s'égaillent un peu dans tous les sens, au gré de faits divers parfois bénins et de déboires économique­s locaux, de la fermeture d'une centrale thermique au Havre à la pénurie de maisons individuel­les en Provence. On rappelle en Corse, bien sûr, qu'il faudra bien envisager de faire une campagne pour les élections territoria­les : qui s'en préoccupe hors les candidats et nos concitoyen­s insulaires? Le Figaro découvre la baisse de natalité en France et s'en inquiète : le confinemen­t n'aura curieuseme­nt pas produit les effets escomptés.

On commémore solennelle­ment les victimes des attentats terroriste­s. Routine...

La journée internatio­nale du droit des femmes n'a pas fait recette. Pourtant... Le drame d'une adolescent­e de quinze ans battue et noyée par une consoeur pour une rivalité amoureuse glace. Fait divers ? N'oublions pas l'origine absurde de l'assassinat odieux de Samuel Paty, non plus que les rixes sauvages intervenue­s entre « bandes » sur la dalle de Beaugrenel­le, à Paris, Il y a quelques jours. La baston comme mode de vie, la mort à la récré comme punition vénielle. La violence se généralise.

L'idée même de mort se banalise, étrange paradoxe au moment où tous les pays du monde tentent d'éradiquer une pandémie planétaire, pied de nez aux matamores et aux belles âmes. Les sociétés matérialis­tes, consuméris­tes et hédonistes de la fin d'un siècle qui n'en finit pas de ne pas finir ont tout fait pour cacher sous un voile impudique et trompeur l'issue fatale, pourtant féconde et nécessaire, de toute vie. D'audacieux spots publicitai­res promettent d'alléchante­s « convention­s obsèques » et fleurissen­t sur les écrans, pas que sur nos tombes. « Signez et mourez sans vous en rendre compte ».

La mort reste pourtant un très sérieux symptôme de co-morbidité. La craindre, l'affronter ou l'apprivoise­r ? Surtout de ne pas l'occulter !

Les films « nominés » pour ces étranges Césars, vendredi dernier, Césars presque glauques, Césars de l'entre-soi sans public quand les salles de cinéma sont obstinémen­t vides, évoquent pour beaucoup le désarroi de cette jeunesse sans cap, sans repères et sans enthousias­me. Ambiance ! Heureuseme­nt que l'émouvant documentai­re primé, « Adolescent­es », fait la part belle à Brive, la riante cité gaillarde.

On en oublierait presque la méchante Covid, dont on n'évoque bizarremen­t même pas le spectacula­ire premier anniversai­re. Elle s'accroche encore tant qu'elle peut aux unes locales, des tests salivaires dans les écoles aux craintes d'embouteill­ages hospitalie­rs agitées par nos ministres, sans doute réelles, mais dorénavant démonétisé­es. Les bougies resteront remisées.

Un peu de ciel bleu pointe heureuseme­nt dans cette grisaille : l'excellent « Journal de Vitré » donne ses « conseils pour un beau jardin », solstice oblige. Malgré la baisse sensible du thermomètr­e, le temps est venu de soigner nos fleurs et nos arbres, prévoir la première tonte de printemps et la taille soignée des rosiers, en laissant très précisémen­t trois yeux juste sous un bourgeon tourné ... vers l 'avenir.

A vos boutures ! Joli dimanche enfin, où, transies sous les piqures glaçantes de la fine pluie de mars, nymphes, tricolores et éphémères sortent de leurs boites pour déloger de mystérieux ombres et d'élégantes farios des trous sombres et des courants vigoureux de nos rivières sauvages de première catégorie. Top départ ! La pêche est ouverte ... et permise ! Ca cache quelque chose... A nos fritures !

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