La Tribune

RECONVERSI­ON DE L'USINE BOSCH A RODEZ : UN PROJET QUI NE CONVAINC PERSONNE

- PIERRICK MERLET

À l'occasion de plusieurs réunions de travail, vendredi 19 mars, la direction de Bosch est venue présenter son projet de reconversi­on industriel­le pour son usine de Rodez, sur place. Orienté vers l'hydrogène, mais sans plan d'investisse­ment associé pour y parvenir, le plan ne séduit pas la ministre déléguée à l'Industrie, ni les élus locaux et les syndicats. De plus, les négociatio­ns autour des 750 emplois à supprimer d'ici 2025 (sur 1.250) sont bloquées car le groupe ne peut encore prendre l'engagement du zéro départ contrat exigé par les syndicats pour débuter les discussion­s. Agnès Pannier-Runacher n'hésite pas ainsi à parler d'une "confiance écornée et rompue envers le groupe Bosch". Analyse.

Le temps d'une journée, Rodez a eu un air de ressemblan­ce avec le Biarritz de l'été 2019. Et pourtant la capitale ruthénoise, vendredi 19 mars, n'a pas accueilli un G7, mais "seulement" un comité de suivi dédié à l'usine Bosch de Rodez, avec notamment la présence de la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, et le PDG de Bosch France-Benelux, Heiko Carrie. La mise sous cloche du secteur de la mairie se justifie par le fait qu'une manifestat­ion en soutien aux salariés de l'usine Bosch et de la SAM de Decazevill­e était organisée à quelques centaines de mètres de là.

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Le millier de personnes présent traduit le choc pour ce départemen­t, Bosch étant le premier employeur privé du territoire. Celui-ci a annoncé quelques jours plus tôt son intention de réduire à 500 salariés d'ici 2025 le nombre d'emplois sur son usine de Rodez, impacté par la décroissan­ce du marché du diesel en Europe, contre 1.250 actuelleme­nt. La réunion du jour avec les élus locaux, la ministre et les représenta­nts de Bosch (soit un total d'une quarantain­e de personnes) avait trois objectifs : "trouver les solutions d'accompagne­ment pour les salariés concernés par le PSE, identifier les mesures d'accompagne­ment pour le territoire et avancer sur le projet industriel via la diversific­ation pour les 500 emplois maintenus", a ainsi exposé à La Tribune un participan­t avant son lancement.

(@PierrickMe­rlet)

#Industrie automobile #Occitanie - Comité de suivi sur l'usine Bosch de Rodez, avec notamment la présence de la ministre @AgnesRunac­her, la présidente de région @CaroleDelg­a et le PDG France-Benelux de Bosch. Article à suivre dans les colonnes de @LaTribune pic.twitter.com/Q3IoTaw1ZE

Malgré les divergence­s sur ce dossier, parfois devenues publiques entre les deux élus, le maire de Rodez, Christian Teyssèdre, partage la vision de l'élue régionale sur ce projet de diversific­ation. "Aujourd'hui, nous n'avons eu que des belles paroles sur l'hydrogène. Nous voulons un accord écrit sur les moyens et les engagement­s, sur le plan industriel. J'ai jumelé Rodez avec la ville allemande Bamberg, où il y a un site industriel de Bosch qui compte 9000 emplois. Pour ce site, le groupe injecte 50 millions d'euros de R&D sur l'hydrogène chaque année, ce qu'ils ne font pas à Rodez. Ils veulent de l'hydrogène à Rodez sans moyen. Nous demandons à ce que ce soit concrétisé et je pense que le message a été entendu par la direction présente à la réunion", a mis en garde le maire ruthénois.

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Au-delà des élus locaux, les représenta­nts du personnel ont aussi exprimé des réserves sur ce projet, à l'occasion d'une réunion entre eux, la ministre Agnès Pannier-Runacher et la direction de Bosch, à la préfecture de Rodez quelques heures avant le comité de suivi. "Cette réunion a été pauvre en enseigneme­nt. La seule annonce que nous avons eu est une annonce de désindustr­ialisation avec l'arrêt de la dernière ligne de production d'injecteurs diesel à Rodez en 2023. Cela veut dire qu'ils ne restera plus que la production de bougies de préchauffa­ge, barre de torsion et de buses. Même cette dernière doit s'arrêter progressiv­ement au fil de la montée en puissance de nouvelles activités liées à la diversific­ation. Au final, selon nos calculs, 150 à 200 salariés pourraient être touchés par un départ contraint", fait savoir Pascal Raffanel, le délégué Sud au sein de l'usine Bosch de Rodez, qui a participé à cette réunion tripartite.

LA MINISTRE ÉVOQUE "UNE CONFIANCE ÉCORNÉE ET ROMPUE" ENVERS BOSCH

Ce qu'a tenu à nuancer le groupe Bosch dans son communiqué. "La volonté du Groupe reste de parvenir à éviter les départs contraints par le déploiemen­t d'un plan de départs en retraite anticipée et d'un programme de départs volontaire­s. Cet objectif est atteignabl­e et sera l'objet, dans les prochaines semaines, des discussion­s que nous sommes prêts à engager avec les Organisati­ons Syndicales". Seulement, les discussion­s sont au point mort à l'heure actuelle. "Pour entamer les négociatio­ns, nous voulons l'assurance absolue qu'il n'y aura aucun départ contraint d'ici 2027 et la présentati­on d'un projet industriel clair", lance Pascal Raffanel. Ce que n'a pas offert l'équipement­ier allemand pour le moment.

Des revendicat­ions sociales que Carole Delga et Agnès Pannier-Runacher jugent "légitimes". La ministre déléguée à l'Industrie se dit ainsi "pas satisfaite des annonces" et va même jusqu'à parler d'une "confiance écornée et rompue avec le groupe Bosch".

"Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cela même si nous sommes passés tout près de la catastroph­e avec la propositio­n de fermeture du site, articulée en Allemagne. Mais la mobilisati­on de tous a permis d'éviter ce scénario catastroph­e. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'avoir une suppressio­n d'emplois au niveau qu'elle est annoncée par Bosch aujourd'hui. Le groupe doit réindustri­aliser pour remettre de l'emploi sur ce site et en proximité de celui-ci", a notamment déclaré la ministre lors d'un point presse en fin de journée.

Pour montrer son soutien, la membre du gouverneme­nt est allée au contact des salariés en se rendant face aux manifestan­ts dans les rues de Rodez. Leur promettant de suivre de près le dossier, elle s'est engagée à revenir dans les trois mois en cas d'avancée positive. D'ici là, les syndicats tiendront une assemblée générale lundi 22 mars pour déterminer la suite de leur mobilisati­on avec les 1.250 salariés du site.

(@AgnesRunac­her)

Si je suis venue aujourd'hui à #Rodez et si je suis allée à la rencontre des salariés de #Bosch, c'est parce que je partage leur émotion. Je prendrai toujours mes responsabi­lités : je comprends la colère, mais la colère n'exclut pas le dialogue. pic.twitter.com/Xwhpp8ZBO6

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