La Tribune

"L'ENJEU DES VILLES MOYENNES SERA DE JOUER SUR LEUR TAILLE HUMAINE" (VILLEFRANC­HE-SUR-SAONE)

- MARIE LYAN

INTERVIEW. Son nom figure désormais en pôle position du palmare?s des centres-villes les plus dynamiques de France, de moins de 100.000 habitants, en pleine période Covid-19. Dévoilé ce lundi par Villes de France et Mytraffic, ce classement résonne comme une belle récompense pour la commune de Villefranc­he-sur-Saône, située à 30 km au nord de Lyon, et pour son maire UDI, Thomas Ravier. A 42 ans, il entame son second mandat après avoir été réélu dès le premier tour en juin dernier et revient sur les ingrédient­s de son succès.

Ce lundi, l'associatio­n d'e?lus fe?de?rant les villes moyennes, Villes de France, et leader europe?en de l'analyse du flux pie?tons, Mytraffic, viennent de dévoiler le premier palmarès des centre-villes les plus dynamiques de France, pour les villes de moins de 100 000 habitants. Et surprise, Villefranc­he-sur-Saône arrivent en première place de ce classement...

Nous sommes très heureux de terminer parmi les villes qui ont mieux résisté durant cette période en conservant près de 83% de ses flux. Mais il faut toutefois rappeler que les commerçant­s et artisans ont été très durement touchés par cette période et certains sont encore fermés.

Ce succès, c'est d'abord le leur et le fruit de leur travail de qualité, de leur proximité et de leur capacité à s'adapter.

Pour autant, cela démontre une très belle résilience de cet écosystème, dans une ville est historique­ment construite autour de son artère principale, la Rue Nationale, qui constitue le coeur économique de la ville, mais aussi son coeur identitair­e.

C'est l'âme de Villefranc­he et nous y sommes très attachés. Nous avons essayé de mener, au cours du dernier mandat, un certain nombre de politiques publiques concernant l'attractivi­té du centre-ville, qu'elle soient structurel­les ou conjonctur­elles avec le Covid.

Sur quels types de mesures structurel­les repose justement votre stratégie d'attractivi­té ?

Nous avons d'abord commencé par stopper la periphéris­ation du centre-ville tout en luttant contre l'érosion du coeur de ville en le densifiant, et notamment en proposant du logement neuf et des réhabilita­tions, afin de reconstrui­re la ville sur la ville.

C'est par exemple le cas avec un nouvel écoquartie­r que nous avons réalisé, et qui se situe à 300 mètres à vol d'oiseau de l'artère principale. On y retrouve des logements, mais aussi un multiplex qui se serait très certaineme­nt installé en périphérie si nous n'avions pas eu ce type de démarche.

Lire aussi : Malgré la crise, les coeurs de villes moyennes restent dynamiques

Cela vient renforcer les grands équipement­s culturels que nous avons, comme notre musée, qui est très bien classé. De la même façon, nous essayons de faire vivre notre politique touristiqu­e, en venant d'obtenir le label « Ville ou Pays d'art et d'histoire », de porter des animations régulières en centre-ville, mais aussi de concentrer des activités médicales en centre-ville. Toutes ces politiques nous permettent de créer et d'amener du flux vers le coeur de ville.

La question de la place de la voiture demeure un enjeu pour les centres-villes : comment adressez-vous cette question ?

Nous avons la conviction que la différence entre un centre-ville et un centre d'achats réside dans la qualité du coeur de ville que l'on propose.

C'est à la fois un travail composé de l'aménagemen­t urbain, de la rénovation des places publiques, mais aussi des aménagemen­ts pour les piétons et pour les véhicules. Car une ville moyenne ne peut pas se permettre de les exclure.

Nous avons créé dans cette optique une zone 30 ainsi que des parkings tout autour du centre-ville, avec un plan de stationnem­ent dont les tarifs font partie des plus bas de France. Cela nous permet de faciliter les rotations.

Il s'agit de trouver le bon équilibre, car nous ne voulons pas tomber dans l'excès. C'est l'idée de la zone 30, c'est bien de conserver une priorité pour les piétons, les cyclistes et en même temps, de ne pas chasser la voiture, tout en développan­t les lignes de bus.

Nous ne devons pas oublier que nous sommes une ville de taille moyenne à 30 km de Lyon : nous ne pouvons pas nous permettre de perdre en attractivi­té.

L'attractivi­té passe-t-elle également par des mesures plus conjonctur­elles ? Comment avezvous abordé à ce titre la période de la crise sanitaire ?

Ces quatre dernières années, nous avons triplé les investisse­ments en matière d'animation sur la période de Noël par exemple, mais aussi en été, avec plusieurs dizaines de dates de concerts tous les samedis. Nous avions déjà permis l'agrandisse­ment des terrasses sur les places de stationnem­ent depuis des années.

Car ce qui fait la différence entre un coeur de ville et une zone commercial­e, ce sont ses commerces, la proximité et le conseil : c'est presque un art de vivre.

Pendant la période du Covid, nous nous sommes battus pour essayer de maintenir ouverts nos marchés couverts, en instaurant des jauges. Et ce, tout en créant un site internet recensant les horaires d'ouverture et de livraisons afin de mettre les gens en lien, et en créant des places de stationnem­ent rapides devant les commerces. Il s'agit d'un travail collectif.

Comment travaillez-vous avec les commerçant­s : quelle forme prend la co-constructi­on que vous évoquez avec eux ?

Il existe à Villefranc­he une union commercial­e et depuis que je suis maire, je n'ai jamais pris une décision concernant le centre-ville sans consulter cette union commercial­e, ni la CCI.

Je considère qu'une bonne politique fonctionne lorsqu'on arrive à fédérer les gens, même si tout ne peut pas toujours se décider à l'unanimité.

Nous avons développé également des subvention­s aux commerçant­s afin de les aider à réhabilite­r et étendre leurs commerces, au moyen d'un fonds de concours, où les dossiers sont instruits par la CCI et l'union des commerçant­s.

La paupérisat­ion des centre-villes ainsi que des questions comme la propreté urbaine sont souvent vécues comme un enjeu majeur : qu'en est-il pour Villefranc­he ?

Nous n'avons pas réduit les passages de nos services de propreté urbaine et nous avons démarré une campagne de sensibilis­ation contre les incivilité­s comme les déjections canines, les jets de masques par terre... La sécurité est également un volet important : nous avons développé un gros plan de vidéoprote­ction au sein de notre hyper-centre, qui est entièremen­t mis sous protection.

A l'échelle de la ville, nous avons quasiment doublé notre parc, en installant près de 270 caméras. Pour un ratio de 36.000 habitants, c'est un chiffre assez élevé : nous pourrions probableme­nt finir premiers sur ce terrain également...

Au total, nous avons 25 policiers municipaux, dont 9 agents dédiés à la vidéosurve­illance.

Avez-vous capitalisé sur le plan coeur Coeur de ville mis en place par le gouverneme­nt ?

Nous n'avons pas été sollicités malheureus­ement sur cette opération, car notre coeur de ville se portrait justement plutôt bien. Franchemen­t, je pense néanmoins que ce type d'opération peut toujours être intéressan­t, j'aurais aimé que nous puissions être dans les clous pour pouvoir en bénéficier.

Face à votre voisine Lyon, qui fait partie des plus grandes métropoles françaises, ressentezv­ous certains défis pour conserver vos flux et plus largement, vos commerces ?

Lyon reste une grande métropole où l'on trouve de tout, mais il ne s'agit pas de la même échelle, et son centre n'est pas aussi facile d'accès que le nôtre.

Nos commerçant­s nous font remonter que de plus en plus de personnes provenant du nord de Lyon, et notamment des zones situées vers Champagne-au-Mont-d'or, viennent faire leurs achats sur Villefranc­he.

Ils trouvent tous ce dont ils ont besoin chez nous, et peuvent facilement accéder à notre coeur de ville. La diversité de nos enseignes est aussi un atout. Les gens ont également de plus en plus le réflexe d'acheter local, et nous sommes dans une zone portée naturellem­ent vers des appellatio­ns comme le beaujolais.

On a beaucoup évoqué le fait que la période Covid-19 pourrait signer le retour à une forme d'exode urbain à destinatio­n des villes de tailles moyenne : le ressentez-vous pour votre propre commune ?

Ces dernières années, notre démographi­e est plutôt en augmentati­on et flirte avec le 1%, alors que la moyenne des villes de notre taille se situe plutôt autour de 0,5%.

Nous enregistro­ns donc une vraie croissance démographi­que et l'un de nos enjeux est de parvenir à accompagne­r cette croissance, tout en conciliant à la fois le développem­ent et la qualité de vie.

Car l'objectif n'est pas non plus de bousculer nos organisati­ons urbaines. Nous souhaitons trouver un équilibre où nous pourrions progresser et nous développer, tout en conservant l'âme qui fait notre commune depuis des décennies, et sa qualité de vie.

Finalement, cette crise sanitaire aura-t-elle changé la donne pour une ville comme Villefranc­he à l'échelle de l'hexagone ? Quels pourraient être les effets qui demeurent sur le long terme ?

Il y a beaucoup de choses que l'on côtoie tous les jours et dont on oublie la saveur. Or dans cette période, les gens ont pu constater combien une ville est triste sans son centre-ville commercial.

Lorsqu'on va au boulanger, c'est aussi un tutoiement, une prise de nouvelles. L'enjeu des villes moyennes sera donc de jouer sur leur taille humaine et leur proximité.

Je suis convaincu qu'il existe un bel avenir pour des villes moyennes comme Villefranc­he-surSaône, qui présentent un bon équilibre.

On y trouve suffisamme­nt de services tout en se situant, lorsque l'on parcourt quelques kilomètres, en plein coeur du Beaujolais. On peut également être en train ou via l'autoroute dans une grande métropole de taille européenne en une dizaine de minutes.

Et tout cela, dans une ville où l'on connait encore les gens, un facteur qui est devenu important dans cette crise.

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