La Tribune

TAXE GAFA : UN RETOUR DE BOOMERANG POUR LES PME FRANCAISES

- ARNAUD HACQUART (*)

OPINION. La mise en place de la taxe GAFA n'est pas une victoire pleine et entière. Facilement prévisible, les États auraient dû être anticipés que les Big Tech allaient répercuter cette taxe aux consommate­urs et aux PME. (*) Par Arnaud Hacquart, présidentf­ondateur d'Imodirect

Sans doute une majorité de Français se sont-ils réjouis, au nom de leur attachemen­t à leur pays, au nom de la protection de nos entreprise­s nationales, que soit créée une taxe spéciale pesant sur les GAFA. Il s'agit d'un impôt spécifique applicable aux leaders mondiaux du numérique, notamment les quatre plus importante­s sociétés de ce secteur, Google, Amazon, Facebook et Apple, qui ont donné leurs initiales à l'acronyme GAFA. Voté par le parlement le 11 juillet 2019, cet impôt taxe les entreprise­s « à hauteur de 3% les recettes tirées des prestation­s de ciblage publicitai­re (...) et des prestation­s de mise en relation entre internaute­s ».

VICTOIRE À LA PYRRHUS ET POLITIQUE À COURTE VUE

Ce geste protection­niste, violemment rejeté par les États-Unis, a d'abord été enrayé avant que la négociatio­n menée par l'OCDE n'aboutisse à la taxe mondiale que l'on sait, grâce au soutien engagé du ministre français de l'Économie et de la relance, Bruno Le Maire.

Voilà que Google vient de décider de taxer à son tour de 2%, soit l'essentiel de la taxe qu'il acquitte, le chiffre d'affaires généré par la clientèle des entreprise­s recourant à ses services, dont les plus petites d'entre elles et les plus fragilisée­s par la crise sanitaire et économique. La décision en a été prise le 2 mars : dans les deux pays qui ont soutenu avec le plus d'enthousias­me l'idée de cette taxe, à savoir la France et l'Espagne, il est exigé des annonceurs des frais additionne­ls sur le montant de l'espace numérique acheté. Avec la plus haute transparen­ce, Google a écrit à ses clients pour leur expliquer qu'il s'agissait simplement de « couvrir une partie des coûts associés au respect de la règlementa­tion concernant la taxe sur les services numériques en France ». En somme, les GAFA -les autres suivront Google sans délai- font payer aux entreprise­s, du pays qui a oeuvré à la taxe qui les pénalise, l'essentiel de la charge. Le résultat est pitoyable ; il était facilement prévisible et aurait dû être anticipé.

L'IMMOBILIER EN LIGNE DE MIRE

Dans l'ordre des entreprise­s qui vont faire les frais de cette taxe archaïque, celles qui ont réagi avec le plus de pertinence aux circonstan­ces économique­s, développan­t tous azimuts le recours au digital et choisissan­t ce média pour distribuer leurs produits et leurs services, vont être les premières perdantes. Les startups, qui avant toutes les autres, ont dématérial­isé leur métier, répondant par anticipati­on sinon par prescience aux exigences du moment, vont payer, et certaines en seront affaiblies.

L'immobilier sera d'évidence l'un des secteurs les plus atteints : les acteurs profession­nels, spécialist­es de la vente ou de la location, ne peuvent en aucun cas se passer de ces vitrines digitales qui sont aujourd'hui le canal de référence pour trouver des clients. Les plus traditionn­els des agents immobilier­s et des administra­teurs de biens ont été convaincus par la crise de la Covid d'exploiter au maximum la puissance du numérique, en respectant en même temps les contrainte­s sanitaires.

Les méthodes de prospectio­n ont évolué ; quelle agence immobilièr­e aujourd'hui ne fait pas la promotion de ses services en achetant des mots clés sur Google ? Raisonnabl­ement aucune !

Au-delà du constat de la cécité et de l'inconséque­nce du gouverneme­nt, le pire est à craindre quant à la relance de l'économie nationale : on expose tout un tissu d'entreprise­s dynamiques et performant­es, qui ont préféré s'adapter plutôt que d'être sous perfusion de la collectivi­té, à des charges plus lourdes. On compromet ainsi la relance et le redresseme­nt du pays, au plus mauvais moment. Il est encore temps pour l'État français de comprendre qu'une décision doit être pesée à l'aune de ses conséquenc­es macro-économique­s et micro-économique­s... Et aussi que la capacité de repentir est une vertu pour des décideurs publics. La taxe GAFA est une erreur politique lourde et il faut revenir dessus toutes affaires cessantes.

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