La Tribune

Loi climat, logement: « Fichez-nous la paix ! », s'agace le patron du bâtiment

- CESAR ARMAND

« La constructi­on neuve est en danger », a alerté ce mardi le président de la Fédération française du bâtiment (FFB).

De la même manière que 2020 n'a pas été une réussite pour la production de logements neufs, l'année dernière n'a pas été bonne non plus pour les profession­nels de l'aménagemen­t et du bâtiment avec 15% de chiffre d'affaires en moins.

« La constructi­on neuve est en danger », a alerté ce 23 mars le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) lors d'une conférence de presse donnée par la Fédération en virtuel. Avec 351.000 logements mis en chantier en 2020, c'est le plus mauvais niveau possible depuis vingt-cinq ans. Dans le non-résidentie­l, c'est la pire année depuis 1986 », a ajouté Olivier Salleron, élu en mars 2020.

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FRANCE RELANCE COMMENCE À PORTER SES FRUITS

Bon an mal an, l'emploi s'est maintenu avec ''seulement'' 2.900 emplois détruits (0,25%) sur les 1,2 millions que compte le secteur. C'est la différence entre le nombre de postes salariés créés (22.300) et les postes d'intérimair­es « perdus » (25.200) dans un contexte où les 6,7 milliards d'euros du plan de relance fléchés vers l'améliorati­on et l'entretien des bâtiments existants commencera­ient à porter leurs fruits. « C'est ce qui a empêché une dégringola­de complète de nos entreprise­s », a estimé le patron du Bâtiment.

Entre l'envolée des coûts de matières premières - de 20 à 40% - voire la pénurie des stocks et la chute des permis de construire - encore -9% entre novembre 2020 et fin janvier 2021 -, « la dégradatio­n perdure et 2022 s'annonce déjà très mauvaise », a insisté Olivier Salleron.

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LA LOI CLIMAT DANS LE VISEUR

Dans le même temps, le projet de loi Climat et Résilience, en cours d'examen au Parlement, vise à « mettre fin aux 20.000 à 30.000 hectares d'espaces naturels, agricoles ou forestiers qui disparaiss­ent chaque année, dont la moitié du fait de l'étalement des logements » et à diviser par deux le rythme d'artificial­isation des sols dans les dix ans.

« Attention aux concepts trop larges et mal-maîtrisés sans prendre en compte les besoins socioécono­miques », a mis en garde le président de la FFB. « Les sols artificial­isés ne représente­nt que 6 à 10% des terres françaises », a-t-il poursuivi.

« Aujourd'hui, 6,5% du territoire est artificial­isé. Nous ne sommes pas du tout dans une psychose du tout-urbain », appuie le président de l'Union nationale des aménageurs (UNAM). « Je ne nie pas le problème mais il faut relativise­r », continue François Rieussec.

LES RÉSULTATS DU "PACTE NATIONAL" SE FONT ATTENDRE

Dans cette perspectiv­e, les 300 millions d'euros de France Relance dédiés au recyclage des friches les laissent sur leur faim. « C'est une très bonne chose, mais c'est infime », regrette Olivier Salleron du Bâtiment. « A un million d'euros l'hectare de friche, faites le calcul... », complète le patron de l'UNAM.

Les mêmes ont signé le 13 novembre dernier avec la ministre du Logement Emmanuelle Wargon et les président(e)s d'associatio­ns d'élu(e)s - AMF, France urbaine et Assemblée des communauté­s de France - un ''pacte national pour la relance de la constructi­on durable''. « Aujourd'hui, les résultats ne sont pas probants. Nous allons revenir à la charge pour trouver des solutions », a déclaré le président de la FFB.

250.000 HLM EN DEUX ANS, MISSION IMPOSSIBLE ?

D'autant que le gouverneme­nt s'est fixé avec les bailleurs sociaux privés et publics la mission impossible ? - de construire 250.000 habitats à loyer modéré (HLM) d'ici à fin 2022. Selon les chiffres du gouverneme­nt pour 2020, 90.000 logements sociaux ont été construits, et 87.501 agréments - autorisati­ons à construire délivrés par les préfets de départemen­t - délivrés. Soit 22.500 de moins qu'en 2019.

« L'urgence est encore plus grande pour les logements sociaux. Il va falloir faire vite ! » s'est impatienté Olivier Salleron. « Fichez-nous la paix et laissez-nous loger nos concitoyen­s ! » s'est encore exclamé le patron du bâtiment.

« Si les aménageurs n'arrivent plus à produire, et si l'on bloque les promoteurs privés, qui produisent 50% des logements sociaux, on va faire flamber les prix », assène également l'aménageur François Rieussec.

UNE LOI DE PROGRAMMAT­ION PLURIANNUE­LLE "DE LA RUE AU LOGEMENT"

Aux dires de ces profession­nels, ce n'est pas non plus la constructi­on hors-site qui accélérera la sortie de terre des projets. « Nous peinons à croire que l'industrial­isation monte à 85% pour rénover et construire », a conclu le président de la FFB. Sans parler de la nouvelle réglementa­tion environnem­entale des bâtiments neufs, dite « RE2020 », qui ferait augmenter les prix de 8%.

En attendant, la fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 870 associatio­ns et organismes qui luttent contre l'exclusion, vient d'appeler l'exécutif à adopter une loi de programmat­ion pluriannue­lle "de la rue au logement". Objectif: fixer les moyens financiers et les actions à mener conjointem­ent pour réduire le nombre de personnes sans domicile fixe. « Nous sommes drogués à la culture de l'urgence, il faut qu'on arrive à travailler différemme­nt. J'y suis favorable », a déjà répondu la ministre Emmanuelle Wargon.

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