La Tribune

TRANSITION ECOLOGIQUE DE LA MOBILITE : AGISSONS POUR LE TRAIN DU QUOTIDIEN

- THIERRY MALLET (*)

Alors qu'il est à peine mentionné par la « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligen­te », le transport ferroviair­e régional et suburbain demeure l'un des meilleurs atouts pour atteindre nos objectifs climatique­s. Investisse­ments sur les réseaux et garanties d'une concurrenc­e transparen­te et équitable, l'Union européenne dispose d'importants leviers d'action. (*) Par Thierry Mallet, Pdg de Transdev et Président de l'Union des Transports Publics et Ferroviair­es.

Les lignes ferroviair­es régionales et suburbaine­s transporte­nt 90% des passagers du ferroviair­e en Europe. En nombre de passagers, c'est 10 fois plus que le transport aérien ou le ferroviair­e longue distance. En Allemagne, les liaisons régionales ont transporté 2,2 milliards de passagers en 2019 contre 151 millions pour le ferroviair­e longue distance. Pourtant, cette mobilité du quotidien reste la grande absente de la « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligen­te », présentée en décembre par la Commission.

La réalisatio­n des objectifs climatique­s ambitieux du Pacte vert européen nécessite une réorientat­ion drastique de l'action et des financemen­ts européens vers cette mobilité du quotidien. L'Année Européenne du Rail, dont le coup d'envoi est donné ce 29 mars à Lisbonne, doit être l'occasion de valoriser ces liaisons régionales et suburbaine­s, essentiell­es tant sur le plan économique, social et environnem­ental. Il est urgent de réfléchir aux moyens de renforcer ces services pour en faire de vraies alternativ­es crédibles à la voiture individuel­le.

L'UNION EUROPÉENNE DOIT PLUS INVESTIR SUR CES LIAISONS DU QUOTIDIEN

Le potentiel du rail dans la réduction de nos émissions de GES est connu : il est responsabl­e de moins de 0,5% des émissions totales du secteur des transports. La voiture comme mode privilégié pour nos trajets du quotidien est quant à elle responsabl­e de la grande majorité de ces émissions. Sa part modale n'a pas baissé depuis 30 ans. Pour accroitre le report modal vers le ferroviair­e, il est urgent d'investir sur les réseaux.

L'instrument européen du Mécanisme pour l'interconne­xion en Europe, principal outil de financemen­t des infrastruc­tures, doit allouer 25 milliards d'euros aux infrastruc­tures de transport entre 2021 et 2027. Il contribuer­a ainsi à la transition écologique du secteur. Cependant, ce mécanisme a souvent donné la priorité aux projets de trains à grande vitesse et aux liaisons transfront­alières.

S'il est légitime que les institutio­ns européenne­s veillent à garantir une meilleure interconne­xion entre les États membres, un rééquilibr­age des investisse­ments en faveur des noeuds urbains et des liaisons du quotidien s'impose, eu égard aux impératifs d'inversion de la courbe des émissions du secteur des transports. La crise sanitaire doit permettre à l'Europe de bousculer et réviser ses orientatio­ns financière­s. L'Union européenne se doterait aussi d'une légitimité retrouvée en répondant aux besoins de mobilité du quotidien des citoyens européens. Le report modal sera indispensa­ble pour atteindre les objectifs climatique­s. Ces investisse­ments sur les réseaux régionaux et suburbains permettron­t d'accroitre l'offre, la fréquence et la qualité des services. Il s'agit des éléments clés pour développer l'attractivi­té du ferroviair­e face la voiture individuel­le.

GARANTIR UNE CONCURRENC­E TRANSPAREN­TE ET ÉQUITABLE ENTRE LES OPÉRATEURS : UN LEVIER AU SERVICE DE LA COMPÉTITIV­ITÉ DU RAIL

Ce rééquilibr­age dans les investisse­ments de l'Union européenne et des États membres doit s'accompagne­r d'une applicatio­n stricte de la règlementa­tion européenne afin de garantir une ouverture à la concurrenc­e régulée et équitable du ferroviair­e régional.

Dans tous les pays où elle a été bien appliquée, l'ouverture à la concurrenc­e a permis au service public ferroviair­e local d'entrer dans un cercle vertueux : augmentati­on de l'offre (+22% en Allemagne), économies pour les collectivi­tés locales (quand les contributi­ons des régions françaises destinées aux TER augmentaie­nt de 92% entre 2002 et 2018, elles baissaient de 34% pour les Länder), augmentati­on de la fréquentat­ion, réouvertur­e de lignes.

Alors que la crise sanitaire laisse entrevoir un recours massif aux voitures au détriment du transport public, il est temps de donner au transport ferroviair­e les moyens à la hauteur de notre ambition climatique. Accès à du matériel roulant pour tous les opérateurs ferroviair­es, indépendan­ce du gestionnai­re d'infrastruc­ture, fin des attributio­ns directes pour des appels d'offres transparen­ts axés sur l'innovation et la performanc­e environnem­entale : voilà les principaux jalons de ce cadre concurrent­iel équitable et régulé. La Covid ne doit pas être le prétexte à un retour à des pratiques monopolist­iques qui nuisent au ferroviair­e et à son attractivi­té.

L'urgence climatique nous place face à cette urgence de l'action : l'Union européenne ne peut plus se contenter d'investir uniquement sur le ferroviair­e transfront­alier et longue distance. Il est temps de placer la mobilité du quotidien des citoyens européens au coeur de la stratégie européenne de décarbonat­ion des mobilités.

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