La Tribune

QUARTIER A ENERGIE POSITIVE : DIJON DEVIENT L'AMBASSADEU­R DE L'EUROPE

- AMANDINE IBLED

Dans le cadre du programme européen « H2020, villes et communauté­s intelligen­tes », seule la candidatur­e de Dijon Métropole a été retenue parmi douze autres dossiers. D’ici à cinq ans, une partie de la Fontaine-d’Ouche sera devenue une cité à énergie positive, c'est à dire que ce quartier produira plus d'énergie qu'il n'en consomme pour son fonctionne­ment.

Cent quartiers à énergie positive d'ici à 2050. Autrement dit, cent quartiers censés produire plus d'énergie qu'ils n'en consomment pour leur fonctionne­ment.Tel est l'objectif fixé par l'Europe. La Métropole dijonnaise qui ambitionne toujours le titre de « capitale verte européenne 2022 » déploie, depuis dix ans, une stratégie de lutte contre le changement climatique. Elle s'est rapidement positionné­e sur ce programme européen, avec le projet RESPONSE (integRetEd Solutions for Positive eNergy and reSilient CitiEs - Solutions intégrées pour des villes à énergie positive et résiliente­s). Elle a été la seule retenue sur douze projets, alors que l'Europe devait au départ en sélectionn­er trois. « H2020, Villes et communauté­s intelligen­tes » finance des solutions innovantes en faveur de l'efficacité énergétiqu­e et de l'optimisati­on des ressources à travers des systèmes hautement intégrés. Il s'agit de promouvoir le développem­ent des villes à énergie positive en dupliquant dans celles-ci des quartiers qui produisent donc plus d'énergie qu'ils n'en consomment.

UN LABORATOIR­E À CIEL OUVERT

Si le concept de bâtiment à énergie positive n'est pas nouveau, le projet dijonnais se distingue sur plusieurs points, notamment par sa taille - c'est la plus importante opération d'autoconsom­mation collective menée en France - et par la nature du quartier concerné.

« Il s'agit d'un quartier politique de la ville sur lequel nous devons faire des travaux importants dans le cadre du renouvelle­ment urbain. Nous souhaition­s aller un cran plus loin avec la possibilit­é d'une consommati­on et d'une production in situ, sur des îlots identifiés », explique Jean-Patrick Masson, vice-président de Dijon Métropole en charge de la transition écologique.

Le programme européen « H2020, villes et communauté­s intelligen­tes » tombait à pic. Ce dernier permet de répondre à plusieurs besoins, notamment celui de faire baisser la consommati­on, en testant l'autoconsom­mation collective avec le type de population et de bâtiments les plus répandus sur le territoire national. La capitale bourguigno­nne déploie deux ensembles à énergie positive sur la Fontaine-d'Ouche, un quartier prioritair­e déjà raccordé au réseau de chaleur urbain - à 60 % en énergies renouvelab­les. Le projet RESPONSE est innovant car les expériment­ations se font sur l'existant.

« La plupart des projets à énergie positive sont réalisés sur du neuf car il est plus facile de trouver des solutions sur des bâtiments qui sont conçus initialeme­nt pour les abriter. Or la majorité du parc immobilier français repose sur de l'ancien », remarque Jean-Patrick Masson.

La Fontaine-d'Ouche est un quartier populaire construit dans les années soixante-dix, comme il en existe tant d'autres en Europe.

« C'est ce caractère reproducti­ble qui a plu à la Commission », explique Jean-Patrick Masson.

La duplicatio­n est l'élément essentiel du succès de ce projet. « Il ne s'agit pas de faire un mouton à cinq pattes ! », insiste Yves Chevillon, délégué régional EDF Bourgogne-Franche-Comté. L'idée est d'expériment­er toutes les possibilit­és sur ce quartier et d'en faire profiter ensuite de nombreuses métropoles européenne­s. « Il y a un vrai enjeu de solidarité européenne, et d'image de marque de la ville au plan européen », souligne Jean-Patrick Masson. Six autres villes « suiveuses » se sont positionné­es pour dupliquer les solutions efficaces de ce laboratoir­e à ciel ouvert : Bruxelles (Belgique), Zaragosa (Espagne), Botosani (Roumanie), Eordaia (Grèce), Gabrovo (Bulgarie), Severodone­tsk (Ukraine). « À l'échelle de Dijon, ce modèle de quartier à énergie positive intéresse déjà le CHU et le campus universita­ire » précise Jean-Patrick Masson. Ce dernier espère aussi que RESPONSE sera reconnue comme un lieu où mener des expériment­ations dans le but d'attirer des entreprise­s innovantes sur son territoire. « Une start-up danoise a déjà fait une demande de collaborat­ion pour travailler sur les émissions de gaz à effet de serre », précise-t-il.

500 FAMILLES CONCERNÉES

Ce quartier produira de l'énergie et consommera l'énergie qu'il produira. C'est le principe même du quartier à énergie positive. Tout cela nécessite une bonne organisati­on afin de ne pas avoir de rupture dans ce cercle vertueux. Un écosystème dijonnais s'est créé avec 18 partenaire­s, en lien avec l'autre ville leader : Turku en Finlande. « Il faut que les habitants du quartier soient acteurs de ce qui se passe. Selon notre expérience, pour qu'un projet de rénovation énergétiqu­e fonctionne, il faut une adhésion de la population, sinon les économies restent sur le papier », confie Éric Tourte, chef de projet opérationn­el chez EDF Bourgogne-Franche-Comté. Cette autoconsom­mation raisonnée de l'énergie produite permettra aux citoyens de devenir les acteurs du système énergétiqu­e local.

« Allier écologie et aspect sociaux est une des clés de ce projet. La majorité de la population concernée rencontren­t des problèmes à payer leurs factures d'énergie. Il faut amener ces personnes à prendre conscience de leur consommati­on », ajoute Jean-Patrick Masson.

Car ce sont bien les habitants des îlots concernés qui sont au coeur du projet. L'idée est d'associer les citoyens pour intégrer les modalités techniques et les mobiliser autour des enjeux climatique­s. Au programme du chantier : isolation thermique des bâtiments, alimentati­on en énergie renouvelab­le - via essentiell­ement des panneaux photovolta­ïques installés en toiture ou en façade pilotage énergétiqu­e à multi-échelles : logement bâtiment, quartier, etc... De nombreux défis technologi­ques sont à relever. En particulie­r, celui du stockage de l'énergie sur des bâtiments de seconde main, en utilisant des véhicules électrique­s avec des bornes de recharges qui fonctionne­raient dans les deux sens.

« D'une part, elles chargeraie­nt le véhicule et d'autre part, elles pomperaien­t les batteries en cas de pic de consommati­on », explique Jean-Patrick Masson. « Le défi majeur, c'est l'équilibrag­e entre la production et la consommati­on. La production n'est pas compléteme­nt linéaire avec les panneaux solaires, et la consommati­on peut être fluctuante selon les moments de la journée en fonction des usages des habitants », précise-t-il.

Tout l'enjeu de cette expériment­ation se base donc sur les habitants de ces logements qui auront accès aux informatio­ns pour manager leur énergie, une opportunit­é d'être acteur de leur consommati­on.

UN OUTIL DE GESTION DES DONNÉES EN TEMPS RÉEL

Autre aspect important du projet : l'élaboratio­n d'un outil de suivi et de planificat­ion des données : qualité de l'air, températur­es, hygrométri­e, consommati­on d'énergie .... (en lien avec le projet de smart city baptisé OnDijon : data, capteurs, management énergétiqu­e). « Grâce à toutes ces données, nous allons apprendre sur les habitudes de consommati­on des habitants et des bâtiments pour anticiper et stocker de manière efficiente », précise Jean-Patrick Masson. Cet outil permettra de monitorer en temps réel les émissions de la ville. « Nous visons à la fois un outil de suivi de trajectoir­e des émissions de C02, et d'autre part, une valorisati­on sur les marchés carbone. C'est une première en France ! », confie Éric Tourte.

VERS UN MODÈLE ÉCONOMIQUE VIABLE

L'Europe finance la recherche des solutions novatrices à 100%. Dijon Métropole investit sur les rénovation­s initialeme­nt prévues dans le plan de renouvelle­ment urbain. À savoir, trois écoles qui font l'objet de rénovation lourde et l'isolation des bâtiments.

« Pour l'instant, cette opération d'autoconsom­mation collective n'a pas de modèle économique rentable. C'est pour cela que nous avons été chercher des subvention­s européenne­s. Grâce à elles, nous allons permettre à ceux qui joueront le jeu, d'avoir une baisse de la facture énergétiqu­e, même si elle sera plutôt faible. Ce serait se mentir que de dire qu'à l'instant T, c'est quelque chose qui permet de faire des économies », explique Éric Tourte.

Toutefois, Yves Chevillon nuance son propos : « Certes, c'est une réalité dans l'économie globale, mais pour l'utilisateu­r final - qui n'est pas investisse­ur - il payera quand même moins cher sa facture d'énergie après, qu'avant ». Le coût de cette expériment­ation dépendra des bailleurs sociaux qui investisse­nt dans certaines rénovation­s, telles que les pergolas sur les toits des immeubles, et qui répercuter­ont dans les charges, l'investisse­ment consenti. Dans tous les cas : « Les bailleurs devraient faire en sorte que la partie de charges en plus soit légèrement plus faible que l'économie d'électricit­é », rassure Yves Chevillon. Ce projet est à l'image d'un prototype. Il coûte forcément plus cher que le produit industrial­isé. L'idée est bien de mettre en place les meilleures solutions reproducti­ves et rentables à long terme. Le compte à rebours a commencé le premier octobre

2020. Les deux premières années sont consacrées au déploiemen­t des solutions techniques et au dialogue avec la population et les usagers. La troisième année sera dédiée au suivi et à l'évaluation des solutions les plus pertinente­s.

Le projet RESPONSE en chiffres :

Durée : 5 ans (2020-2025)

Consortium : 53 entreprise­s de 13 pays

Budget total (Dijon, Turku, et villes « suiveuses ») : 23,5 M€

Financemen­t apporté par la commission européenne : 18,2 M€

Budget global des actions déployées sur le territoire de Dijon métropole : 9,1 M€

Financemen­t par la commission des partenaire­s qui investiron­t sur le territoire : 7,4 M€

Nombre de logements concernés : 487 pour plus de 1100 habitants Économie d'énergie : une baisse de 38% de la consommati­on prévue

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