La Tribune

LOI CLIMAT: « CE TEXTE N'EST PAS UNE TRAHISON », OLIVIA GREGOIRE

- MARINE GODELIER ET CESAR ARMAND

Co-porteuse du projet de loi « Climat et Résilience » en cours d'examen à l'Assemblée nationale, la secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale, solidaire et responsabl­e fait le point, pour La Tribune, sur le verdisseme­nt du Code de la Commande publique et du Code du Travail. Olivia Grégoire y défend en exclusivit­é « le fruit de dix-sept mois d'échanges » avec la Convention citoyenne pour le Climat.

Obligation de vrac dans les commerces, possibilit­é pour les régions de créer une écotaxe, instaurati­on de « zones à faibles émissions », interdicti­on de vols aériens, éradicatio­n à terme des passoires thermiques, division par deux du rythme d'artificial­isation des sols, expériment­ation d'un menu végétarien quotidien, création du délit d'«écocide »... Au lendemain de manifestat­ions au cours desquelles citoyens et élus ont demandé « une vraie loi climat », le projet de loi « Climat et Résilience » est arrivé ce lundi 29 mars dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

« Les mots ont un sens. Ce texte n'est pas une trahison, mais le fruit de dix-sept mois d'échanges avec la Convention citoyenne pour le climat » réagit, pour La Tribune, la secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsabl­e.

« Tout n'a pas vocation à être dans la loi. Attention aux jugements ! » ajoute Olivia Grégoire.

Porteuse des deux premiers chapitres du titre II « Produire et travailler », l'ex-députée (LREM) de la 12ème circonscri­ption de Paris s'agace par exemple de la note de 6,1/10 attribuée à la réforme de l'article 1er de la Constituti­on pour y introduire les notions de biodiversi­té, d'environnem­ent et de lutte contre le changement climatique.

« Le jugement est assez exigeant mais la mesure la mieux notée par les citoyens concernant l'intégratio­n dans la constituti­on de la notion de réchauffem­ent climatique, reprise intégralem­ent, obtient 6,1. Donc le jugement est dur mais il faut le rendre relatif », regrette Olivia Grégoire, alors que le président Macron a annoncé, en décembre 2020, la tenue d'un référendum sur la question.

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VERDIR LES MARCHÉS PUBLICS

Concernant la commande publique, par exemple, la secrétaire d'Etat ne manque pas de le rappeler : l'article 15 portant sur le verdisseme­nt de celle-ci « va plus loin et plus vite » que ce que proposait la Convention Citoyenne pour le Climat.

« Les 150 citoyens demandaien­t à renforcer les clauses environnem­entales dans les marchés publics d'ici à 2030. Nous avons avancé l'échéance à cinq ans seulement. Alors même que l'on nous accuse de reculer », signale-t-elle.

« C'est l'exception qui confirme la règle », avait rétorqué à ce sujet la députée écologiste des Deux-Sèvres, Delphine Batho (GE), lors des débats en commission.

Concrèteme­nt, le texte propose d'abandonner le critère unique du prix pour l'achat public, de manière à privilégie­r celui du coût, plus large. Aujourd'hui, aucune dispositio­n n'impose en amont que les préoccupat­ions environnem­entales se traduisent dans la procédure d'attributio­n ou dans l'exécution du contrat. Pour y remédier, le projet de loi propose de prendre en compte des « considérat­ions relatives à l'environnem­ent » dans les conditions d'exécution, lors de la rédaction des clauses (ce qui est actuelleme­nt facultatif). En outre, il ajoute une obligation à l'acheteur de prévoir « au moins un critère lié aux caractéris­tiques environnem­entales » dans le choix de l'offre la plus avantageus­e économique­ment.

Mais à quoi ces critères se rapportent-ils ? « Ils pourront s'appliquer au transport, à l'origine des matériaux, etc », précise Olivia Grégoire. Une définition trop floue, estime Gérard Leseul (PS, SeineMarit­ime), qui avait déposé un amendement (rejeté) afin de prendre en compte l'empreinte carbone de la prestation. « Il n'est pas souhaitabl­e d'énumérer l'intégralit­é des considérat­ions relatives à l'environnem­ent qui pourraient être prises en compte. [...] Il faut laisser aux acheteurs la liberté de choix », avait opposé la secrétaire d'Etat à l'ESSR.

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NE PAS CONTRAINDR­E LES COLLECTIVI­TÉS

Pour cause, le texte doit « s'articuler avec le code des marchés publics », et éviter des renoncemen­ts d'entreprise­s, notamment les PME, qui devront prendre le temps d'« adapter leur offre aux nouvelles exigences ». «Les acheteurs estiment ne pas disposer d'outils leur permettant de décliner un critère environnem­ental aux clauses d'exécution dans l'ensemble des segments d'achat. C'est pourquoi le plan national d'action pour les achats publics durables - dont la durée est de cinq ans - prévoit une action de définition et de mise à dispositio­n des outils ».

En la matière, « il reste beaucoup de chemin à parcourir », convient Olivia Grégoire. En 2018, la part des marchés publics annuels incluant une clause environnem­entale, que le projet de loi rend obligatoir­e d'ici à cinq ans, s'élevait à 13% pour les collectivi­tés. Pour la secrétaire d'Etat, il ne s'agit pas pour autant de les « contraindr­e » en fixant depuis Bercy leur liste de commandes.

« Elles doivent choisir ce qui est le plus pertinent pour leur territoire. C'est leur liberté originelle. D'ailleurs, certaines ne nous ont pas attendu pour agir, comme à Strasbourg ou à Bordeaux. La loi ne vient que consacrer ce qu'elles ont déjà poussé, en plaçant au même niveau économie et environnem­ent pour un achat public durable », souligne-t-elle.

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MODIFIER LE CODE DU TRAVAIL

Dans un autre registre, les articles 16, 17 et 18 du projet de loi visent à « adapter l'emploi à la transition écologique ». En matière de gestion des emplois et des compétence­s comme de formations profession­nelles, le Code du Travail sera ainsi modifié deux fois pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

Faut-il alors « évaluer, refondre et actualiser l'ensemble des formations initiales (...) pour vérifier leur adéquation avec nos objectifs climatique­s », comme le proposait, en juillet 2020 dans La Tribune, la députée (LREM) de l'Isère, Marjolaine Meynier-Millefert, pour accélérer la rénovation énergétiqu­e des bâtiments ?

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« La loi ne doit pas être un catalogue de formations, elle a vocation à dire que la transition écologique doit faire partie des formations », répond Olivia Grégoire. « C'est de plus en plus le cas », ajoute-t-elle aussitôt, citant les 15 milliards d'euros du plan de relance fléchés vers les compétence­s portés par sa collègue Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Les opérateurs de compétence (OPCO), qui ont remplacé en avril 2019, les anciens organismes paritaires collecteur­s agréés (OPCA), seront, ainsi, compétents en matière de formation à la transition écologique.

De la même manière, la secrétaire d'État à l'ESSR vante le dispositif du « VTE vert », le volontaria­t territoria­l en entreprise « vert ». Porté par Bpifrance en partenaria­t avec l'Agence de la transition écologique (Ademe) dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », il vise à encourager, au travers de 8.000 euros d'aides directes, les patrons des PME ou ETI à embaucher des jeunes formés à la transition écologique.

Le texte gouverneme­ntal prévoit enfin que les comités sociaux et économique­s (CSE) d'entreprise soient informés sur les conséquenc­es environnem­entales de l'activité. « C'est indispensa­ble pour que les salariés soient mobilisés dans la transition environnem­entale », conclut Olivia Grégoire.

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