La Tribune

CANAL DE SUEZ : SIXIEME JOUR DE BLOCAGE, DES MILLIARDS DE DOLLARS DE PERTE

- MOHAMED ABOUELENEN, AFP

Une course contre la montre est engagée pour débloquer l'Ever Given, le porte-conteneurs long de 400 mètres et pesant 220.000 tonnes, qui perturbe depuis mardi le trafic maritime mondial en entraîne d'importante­s pertes financière­s.

Les autorités égyptienne­s sont engagées dimanche dans une course contre la montre, au sixième jour de blocage du canal de Suez par un porte-conteneurs de 400 mètres de longueur qui perturbe l'ensemble du commerce maritime et occasionne chaque jour des milliards de dollars de pertes. Si le navire géant a résisté aux dernières tentatives de renfloueme­nt, une marée haute attendue en soirée pourrait faciliter la tâche des sauveteurs.

De nouvelles opérations sont en cours pour renflouer l'Ever Given - près de 220.000 tonnes coincé depuis mardi en diagonale du canal, bloquant complèteme­nt cette voie d'eau d'environ 300 mètres de largeur parmi les plus fréquentée­s au monde. Le canal de Suez, long de quelque 190 km, voit passer environ 10% du commerce maritime internatio­nal et chaque journée d'indisponib­ilité entraîne d'importants retards et coûts aux acteurs du secteur.

Une douzaine de remorqueur­s, ainsi que des dragues pour aspirer le sable sous le navire dont l'étrave est encastrée dans la rive, sont mobilisés. Selon le porte-parole de l'Autorité égyptienne du canal de Suez (SCA), George Safwat, quelque 27.000 mètres cubes de sable ont déjà été dégagés, à 18 mètres de profondeur.

Le porte-conteneurs battant pavillon panaméen était entouré dimanche matin de quelques remorqueur­s, selon un journalist­e de l'AFP. Haut d'une soixantain­e de mètres avec son chargement, il domine les champs et les palmiers alentours. Les environs étaient placés sous haute surveillan­ce, avec des agents de sécurité du canal mais aussi des militaires et des policiers.

DEUX DRAGUES À LA RESCOUSSE

Deux dragues qui se trouvaient en mer Rouge faisaient route vers le mastodonte immobilisé: l'Italienne Carlo Magno et la Néerlandai­se Alp Guard, selon des sites de visualisat­ion du trafic maritime. Et deux autres remorqueur­s égyptiens doivent être mis en service, selon la SCA.

Selon la presse d'Etat égyptienne, le président Abdel Fattah al-Sissi a ordonné des "préparatio­ns" pour alléger le navire de ses conteneurs, en cas d'insuccès des manoeuvres de déblocage. L'amiral Ossama Rabie, président de la SCA, s'est montré optimiste samedi. Selon lui, le navire a "bougé de 30 degrés sur la droite et la gauche" pour la première fois, "un bon indicateur" de l'évolution des efforts.

"Des sources proches de l'opération de sauvetage m'ont dit ce matin que l'optimisme dans l'équipe d'experts était en hausse et ils espéraient que le navire puisse être débloqué dans 24 à 48 heures", a tweeté dimanche Richard Meade, rédacteur en chef de la revue spécialisé­e dans le transport maritime Lloyd's List.

369 BATEAUX COINCÉS

Désormais, 369 bateaux sont coincés aux deux extrémités du passage reliant la mer Rouge à la mer Méditerran­ée, a indiqué Ossama Rabie dimanche à la chaîne télévisée Al-Arabiya. L'assureur Allianz a estimé vendredi que chaque jour d'immobilisa­tion pourrait coûter entre 6 et 10 milliards de dollars au commerce mondial.

Et les premières conséquenc­es se font déjà sentir: la Syrie a indiqué samedi avoir commencé à rationner les carburants, face au retard de livraison d'une cargaison de pétrole. En outre, onze cargos de bétail partis de Roumanie sont également bloqués. L'organisati­on Animals Internatio­nal évoque un danger de mort pour les 130.000 animaux. Selon le journal d'Etat Al-Ahram, le ministère égyptien de l'Agricultur­e a envoyé trois équipes vétérinair­es.

PASSER PAR LE CAP DE BONNE-ESPÉRANCE

La valeur totale des biens bloqués ou devant emprunter une autre route diffère selon les estimation­s: de trois milliards de dollars selon Jonathan Owens, expert en logistique à l'université britanniqu­e de Salford, à 9,6 milliards selon Lloyd's List. Les cours du pétrole ont connu de brusques hausses depuis le début de l'incident.

Les autorités du canal ont affirmé que l'Egypte perdait entre 12 et 14 millions de dollars par jour de fermeture. Près de 19.000 navires ont emprunté le canal en 2020, selon la SCA.

En attendant la reprise du trafic, plusieurs acteurs du transport maritime internatio­nal comme Maersk ou l'armateur français CMA CGM ont décidé de dérouter certains navires et de passer par le cap de Bonne-Espérance, autour du continent africain. Cela représente un détour de 6.000 km entre Singapour et Rotterdam par exemple.

"Le groupe a décidé de dérouter deux de ses navires à destinatio­n de l'Asie via le cap de BonneEspér­ance et étudie d'autres alternativ­es pour ses clients, le déploiemen­t de solutions aériennes ou encore ferroviair­es", a expliqué l'armateur français dimanche à l'AFP. Trente-deux navires appartenan­t à Maersk ou à ses partenaire­s seront affectés d'ici la fin du weekend, a indiqué le géant danois du transport maritime.

Alors que les vents violents combinés à une tempête de sable avaient d'abord été pointés du doigt pour expliquer l'incident, Ossama Rabie a évoqué samedi une possible "erreur humaine" parmi les raisons de l'échouement.

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