La Tribune

IMMOBILIER : SIGNAUX MITIGES SUR LE BASSIN GRENOBLOIS, OU LES MAISONS S'ARRACHENT

- MARIE LYAN

EPISODE 3. Début d’année mitigé en Isère sur le terrain de l’immobilier. Alors que le prix observent une hausse modérée sur le bassin grenoblois, la pression de la demande s’accentue, notamment sur les maisons individuel­les, à l’échelle du périmètre de la métropole, voire même au-delà. Avec, depuis le confinemen­t, un volume de biens disponible­s dans le neuf historique­ment bas, des permis de construire retardés et surtout un manque d’attractivi­té à l’échelle de certains quartiers Sud, qui décrochent.

Sur le terrain du portrait global, Jean-Paul Girard, président de la Fnaim Isère, s'estime plutôt heureux : « Nous avons tout de même connu une belle année en Isère, aussi bien que sur le plan national. La baisse du volume de transactio­ns demeure très limitée, de l'ordre de -6 à 8 %, alors que nous avions connu quatre mois d'arrêt ».

D'autant plus que depuis quelques mois, la demande en matière de maisons individuel­les a explosé à destinatio­n de certains secteurs comme la vallée du Grésivauda­n ou encore du pays Voironnais, tous deux situés à proximité de Grenoble.

« Sur ces deux secteurs, nous n'avons plus de maisons à vendre et cette situation se couple à une raréfactio­n de la production dans le neuf, mais aussi du côté des vendeurs dans l'ancien », souligne-t-il.

Car dans un contexte de crise sanitaire, la pierre joue toujours un rôle de valeur refuge, y compris du côté des vendeurs, qui ont tendance à repousser leurs projets de vente, en attendant que la situation économique s'améliore.

UN "EFFET CONFINEMEN­T" SUR LES MAISONS ET LES APPARTEMEN­TS HAUSSMANIE­NS

De quoi susciter une légère hausse des prix des maisons individuel­les, de l'ordre de +5 à 7 % en fonction des segments, même si selon le président de la Fnaim Isère, il demeure très difficile d'établir une moyenne, compte-tenu de la situation : « Les gens se renseignen­t et affichent parfois des prix très supérieurs au marché. Et comme la demande s'avère bien supérieure à l'offre, ces biens se vendent toutefois rapidement ».

D'ailleurs, lorsqu'une maison avec un extérieur est affichée au prix, elle peut trouver preneur en l'espace de 24 heures, admet Jean-Paul Girard. « Il y a un effet confinemen­t indéniable, les gens aspirent pour la plupart à des extérieurs ou des terrasses ».

De leur côté, les prix des logements anciens situés en centre-ville demeurent « relativeme­nt stables », avec cependant un autre phénomène qui émerge : à savoir une baisse des prix sur les grands appartemen­ts de type haussmanni­ens, qui comme le reconnaît Jean-Paul Girard, « ne possèdent souvent pas d'extérieur et sont actuelleme­nt moins demandés. Or, ces appartemen­ts étaient encore très prisés il y a trois ou quatre ans », se souvient-t-il.

Cependant, les petites surfaces du marché de l'ancien trouvent toujours preneurs, face à un marché locatif qui se maintient, alimenté notamment par la demande du marché étudiant, très présent sur le bassin grenoblois, ainsi que par le manque de nouvelles constructi­ons neuves.

Avec, en bout de ligne, un prix au mètre carré dans l'ancien qui atteint les 2.270 euros/m² à Grenoble (soit une évolution de +5,4%) sur l'année 2020 (contre 2.140 euros/m² en Isère), et un prix moyen des maisons qui grimpe même de +7% à l'échelle du départemen­t, à 23.000 euros, selon les chiffres de la Fnaim 38.

LE NEUF ACCUSE QUANT À LUI UNE BAISSE DE STOCKS « HISTORIQUE »

Du côté du neuf, la situation est légèrement différente : « Depuis le début de l'année, on observe globalemen­t une baisse du nombre de réservatio­ns dans le domaine du neuf de -25 % en Auvergne Rhône-Alpes, assez contrastée puisqu'elle va de - 14 % à -45 % en fonction des territoire­s », note Olivier Gallais, président de la FPI Alpes.

Car paradoxale­ment, les trois à quatre mois d'arrêt consécutif­s au premier confinemen­t n'auront pas pénalisé les ventes aussi fortement qu'attendu.

« Le vrai sujet pour les promoteurs se trouve aujourd'hui dans la baisse du nombre de permis de construire accordés, car jusqu'à 8 mois de retard ont été pris sur les nouveaux projets, ce qui se traduit par un stock de biens mis en vente au plus bas depuis 5 à 10 ans », affiche Olivier Gallais.

De quoi provoquer une forte tension sur le marché immobilier isérois, et notamment Grenoblois. « En 2020, nous sommes tombés à 863 réservatio­ns sur Grenoble : ce chiffre n'a jamais été aussi bas puisque nous dépassions depuis 2015 les 1.000 réservatio­ns annuelles », explique le président de la FPI Alpes.

Néanmoins, la métropole grenoblois­e affiche une situation particuliè­re car si le manque de logement se faire ressentir au centre-ville, ses quartiers Sud, où un certain nombre d'opérations sont sorties de terre au cours des dernières années, ont beaucoup de mal à trouver leur clientèle.

La faute, selon plusieurs promoteurs, à l'image de ces quartiers, voire à des phénomènes d'insécurité qui y règnent. « On a vu les vidéos tournées sur les réseaux, la sortie du ministre de l'intérieur... Ce sont des quartiers où les gens n'ont plus envie d'habiter ni d'acheter, car la situation en l'espace de 20 ans ne s'est pas améliorée. Un certain nombre de projets ont même été retirés de la commercial­isation car ils ne permettaie­nt pas de trouver leur public ni un équilibre des prix », ajoute Olivier Gallais.

UNE TRÈS LÉGÈRE AUGMENTATI­ON DES PRIX, MAIS...

« La partie nord-ouest demeure la plus prisée, mais ce n'est pas là où nous avons le plus d'offres », regrette le président de la FPI Alpes. Comme d'autres grandes métropoles telles que Lyon, un phénomène d'étalement urbain se poursuit du côté de la première couronne grenoblois­e, même si là encore, le manque de foncier disponible n'offre pas de réelle alternativ­e.

« Les projets vont jusqu'à Crolles d'une part, Saint-Egrève de l'autre part, et descendent ensuite jusqu'à Pont-de-Claix. Mais les municipali­tés à proximité des transports en commun ont déjà été fortement sollicités au cours des dix dernières années et ont le souhait de mieux maîtriser leur urbanisme », affirme-t-il.

Un cocktail qui pourrait ainsi conduire les prix à la hausse sur l'année 2021, alors qu'en même temps, les temps de commercial­isation de certains biens ne cessent de s'allonger. « Nous sommes sur une durée de 20 mois pour la commercial­isation des biens neufs sur la métropole grenoblois­e, alors que l'on sait qu'elle se situe plutôt entre 10 et 15 mois habituelle­ment ». Cette durée d'écoulement diminue très légèrement sur le périmètre de la ville centre à 17,6 mois, « mais ce chiffre demeure élevé », juge Olivier Gallais.

Cette situation aura ainsi conduit à une petite augmentati­on des prix, de l'ordre de +3% en 2020. « Globalemen­t, on observe que sur une période de 10 ans, les prix ont augmenté de + 8 % dans le neuf : cela compense à peine à la hausse de l'inflation, avec un prix au mètre carré moyen de 3.645 euros sur le périmètre métropolit­ain », note -t-il. Sur le périmètre de Grenoble "centre", les prix du neuf ont quant à eux grimpé de + 4,7% au 4e trimestre 2020, à 3.727 euros par m2 selon les chiffres de la FPI Alpes.

Pas de quoi séduire très largement le public des investisse­urs, qui plafonnera­it à un tiers des acquéreurs dans le segment du neuf.

« On est encore loin des 50 % de public investisse­urs enregistré­s au sein des grandes métropoles françaises comme Bordeaux, Toulouse ou Montpellie­r, ce qui semble néanmoins logique car les prix ne bougent pas significat­ivement et n'encouragen­t pas l'investisse­ment », commente Olivier Gallais.

DES PÉNURIES À ATTENDRE SUR CERTAINS LOGEMENTS NEUFS

Et en 2021, le phénomène de tension devrait se poursuivre sur le marché grenoblois, notamment au sein des quartiers les plus prisés.

« Nous avons pris huit mois de retard sur la commercial­isation de nouveaux projets dans la partie nord de la ville, et l'on ne retrouvera pas des volumes de production habituelle au cours des prochains mois, étant donné le temps de production nécessaire. Les prix vont nécessaire­ment augmenter en 2022, voire en 2023 », estime le président de la FPI Alpes.

D'autant plus qu'un autre facteur pourrait venir bousculer le marché de l'immobilier : « Les changement­s attendus au sein de la loi Pinel devraient intervenir à partir de 2023, voire 2024. Il reste donc peu de temps pour profiter encore du dispositif de défiscalis­ation actuel allant jusqu'à 21 % », illustre Olivier Gallais, qui anticipe un renforceme­nt de la tension sur le marché des T2-T3 au cours des prochains mois.

Du côté du marché de l'ancien, Jean-Paul Girard estime que si le marché de la rénovation pourrait continuer d'attirer des investisse­urs, les nouvelles réglementa­tions énergétiqu­es appelées à entrer en vigueur d'ici 2023 vont devenir plus contraigna­ntes pour les propriétai­res, détenteurs de biens de catégorie F ou G.

« Ces logements, qui peuvent être encore assez nombreux sur l'agglomérat­ion, vont nécessiter des rénovation­s. Reste à savoir si cela pourrait provoquer une mise en marché plus massive de certains logements au cours des prochains mois, de la part de propriétai­res qui ne seraient pas en mesure d'effectuer ces travaux », explique-t-il.

Finalement, la crise aura-t-elle contribué à redistribu­er les cartes de l'immobilier grenoblois ? Du côté du neuf, Olivier Gallais reste mesuré pour sa part concernant les conséquenc­es de la période actuelle sur la volonté des acquéreurs de logements neufs, qui se placent le plus souvent sur un horizon d'investisse­ment à moyen terme, compris entre 10 à 20 mois. « Mais il reste possible qu'une forme de rééquilibr­age se dessine en faveur de certains territoire­s », note-t-il.

Car face à un phénomène de métropolis­ation en route depuis deux décennies, difficile toutefois pour les promoteurs de savoir si la pandémie va réellement être capable d'infléchir cette trajectoir­e déjà amorcée. « On sait en tous les cas que les 50 villes moyennes de France ont une carte à jouer ». Mais ce ne serait pas nécessaire­ment une si bonne nouvelle pour Grenoble, qui figure plutôt, de par sa taille mais également ses caractéris­tiques, dans le palmarès des grandes métropoles.

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