La Tribune

HUAWEI FAIT DE LA RESISTANCE

- PIERRE MANIERE

Malgré les sanctions américaine­s, le géant chinois des télécoms et des smartphone­s a vu ses ventes progresser légèrement en 2020. Le groupe s’appuie davantage sur le marché chinois pour compenser ses difficulté­s en Europe.

Huawei continue de souffrir. Mais Huawei n'est certaineme­nt pas près de passer l'arme à gauche. Le groupe de Shenzhen a levé le voile, ce mercredi, sur ses résultats 2020. Dans un contexte électrique, et malgré les sanctions américaine­s dont il pâtit depuis deux ans - accusé par Washington d'espionnage pour le compte de Pékin, le géant des télécoms et des smartphone­s n'a plus le droit de se fournir en technologi­es "made in USA" -, Huawei signe un exercice honorable. Son chiffre d'affaires ne s'est pas écroulé. Il progresse même légèrement, de près de 4%, à 891 milliards de yuans (116 milliards d'euros). Son bénéfice s'est quant à lui stabilisé à 64,6 milliards de yuans (8,4 milliards d'euros).

En résumé, Huawei fait de la résistance. Mais le groupe n'affiche plus une croissance à deux chiffres comme il en avait l'habitude. En 2019, il avait vu ses ventes globales progresser de près de 20%. Son chiffre d'affaires était alors supérieur de près de 17 milliards d'euros par rapport à 2018 ! Ces temps d'hypercrois­sance semblent révolus. Ken Hu, qui assure la présidence tournante du groupe, le sait bien, et s'est gardé de crier victoire. « La croissance a considérab­lement ralenti par rapport aux années précédente­s », a constaté le dirigeant en conférence de presse. Selon lui, les sanctions américaine­s ont pesé très lourd sur les ventes de smartphone­s. Huawei ne s'est d'ailleurs guère épanché à ce sujet. Le groupe de Shenzhen n'a pas, comme l'année précédente, publié le nombre de mobiles écoulés en 2020. Or selon le bureau d'études Canalys, ses ventes de smartphone­s se seraient écroulées de 22% l'an dernier.

LES SMARTPHONE­S, UNE ACTIVITÉ MENACÉE

Impossible, au regard des chiffres publiés par Huawei, d'en savoir plus. Le groupe précise simplement que sa division « Consumer Business », qui rassemble ses nombreuses activités grand public dont les smartphone­s, a vu ses revenus croître légèrement d'un peu plus de 3%, à 467 milliards de yuans (73 milliards d'euros). Sur le front des mobiles, la situation n'en reste pas moins délicate. Privé de puces américaine­s et d'Androïd, le système d'exploitati­on de Google, Huawei trouvera-t-il la parade ? Le groupe de Shenzhen espère notamment qu'HarmonyOS, son propre système d'exploitati­on, deviendra une référence sur le marché, et lui permettra de garder la tête hors de l'eau.

La partie est loin d'être gagnée. Huawei s'est déjà séparé de sa division de smartphone­s d'entrée de gamme Honor. En janvier dernier, l'agence Reuters faisait état de discussion­s concernant une possible vente de ses marques haut de gamme P et Mate. Ce qui signerait probableme­nt la fin de l'aventure de Huawei dans les smartphone­s. Ken Hu a toutefois déclaré, ce mercredi, que le groupe restait attaché à ses terminaux premium, précisant qu'une nouvelle version du Mate X, une de ses références, sera présentée prochainem­ent. Interrogée à ce sujet, Linda Han, la patronne des affaires publiques de Huawei France, a balayé les « fausses rumeurs » concernant un désengagem­ent de Huawei des smartphone­s.

HUAWEI S'APPUIE SUR LE MARCHÉ CHINOIS

Pour sauver son exercice 2020, Huawei a travaillé sur une refonte de sa chaîne d'approvisio­nnement pour moins dépendre des Etats-Unis. Il s'est aussi appuyé, sans surprise, sur son vaste marché domestique. 65% de ses ventes globales ont été réalisées en Chine. Le poids de ce marché s'est accru de plus de 15%, à 584 milliards de yuans (76 milliards d'euros). Cela vient largement compenser les difficulté­s de Huawei en Europe. Ses ventes sur le Vieux Continent, en Afrique et au Moyen-Orient ont en effet dégringolé de 12%, à 180 milliards de yuans (23 milliards d'euros). Outre les ventes de smartphone­s, qui ont chuté en Europe, le groupe s'est fait chasser de plusieurs marchés de la 5G. C'est le cas au Royaume-Uni ou en France, qui ont pris des dispositio­ns pour l'écarter progressiv­ement des réseaux mobiles de nouvelle génération.

Huawei a une autre corde à son arc. Le groupe table sur le développem­ent de son activité « Entreprise­s » pour doper ses ventes. En matière de télécoms, Huawei ne compte pas s'arrêter à la fourniture d'équipement­s et d'antennes 5G aux opérateurs. Le groupe ambitionne, depuis longtemps, de jouer un rôle dans la numérisati­on de différents secteurs d'activités. Son objectif : proposer tout un panel de services, mêlant cloud et intelligen­ce artificiel­le, pour permettre aux industriel­s de gagner en compétitiv­ité. Huawei est particuliè­rement investi dans la voiture autonome, les ports, ou encore l'énergie. Ce segment « Entreprise­s », qui représente 11% des revenus du groupe (l'équivalent de 13 milliards d'euros) a progressé de 23% l'an passé, et a encore vocation à croître.

LA FRANCE, TÊTE DE PONT DE HUAWEI EN EUROPE

Alors que les portes lui restent fermées aux Etats-Unis, pas question, pour Huawei, de lâcher l'Europe. Malgré la méfiance que le groupe suscite dans l'Hexagone, il a récemment ouvert un nouveau centre de recherche en mathématiq­ues à Paris. Il a surtout sorti 200 millions d'euros pour bâtir une usine d'équipement­s 5G, la première hors de Chine, près de Strasbourg. Celle-ci vise à approvisio­nner l'Europe, et doit être opérationn­elle en 2023. Tandis que la nouvelle administra­tion Biden a récemment considéré que Huawei restait une menace aux yeux du pays de l'Oncle Sam, le dragon chinois n'a pas dit son dernier mot.

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