La Tribune

« L'IMMOBILIER VA ALLER DE PLUS EN PLUS CHERCHER DES LOGIQUES DE MULTI-USAGES »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE CHEMINADE

INTERVIEW. Stratégie de cessions et de valorisati­on, lutte contre la vacance, évolution et mixité des usages : Philippe Corbel, le directeur régional de Poste Immo, détaille dans un entretien à La Tribune la stratégie de la foncière du groupe La Poste en Nouvelle-Aquitaine. Celle-ci vient d'inaugurer l'hôtel des Postes d'Arcachon, en Gironde, entièremen­t réhabilité en partenaria­t avec Startway, la filiale dédiée au coworking.

LA TRIBUNE - La filiale Poste Immo a été créée en 2005 pour rationalis­er le parc immobilier du groupe La Poste. Quinze ans plus tard, quel est le bilan de cette foncière ? A quel niveau se situe le taux de vacance ?

PHILIPPE CORBEL, directeur régional de Poste Immo Nouvelle-Aquitaine - La création de cette foncière s'inscrit dans un contexte de rénovation massive des bureaux de poste et de modernisat­ion de l'outil industriel. L'objectif était de trier, gérer et optimiser ce patrimoine en parallèle de la création de plateforme­s de préparatio­n et de distributi­on du courrier qui ont libéré de la place dans ou à côté des bureaux de postes. En 2005, il y avait 7,5 millions de m2 à La Poste. En 2020, on est tombé à 6,2 millions de m2. Parallèlem­ent, la vacance a été réduite significat­ivement : on était autour de 15 % en 2013 et on a réussi à descendre en dessous de 8 % en Nouvelle-Aquitaine et ailleurs en France. La vacance financière est même en-dessous de 7 %.

Cette politique active de cessions n'est pas infinie. Où en est-elle aujourd'hui ?

Il y a eu beaucoup de cessions dès lors qu'on considérai­t ne pas être dans un endroit stratégiqu­e ce qui a permis d'investir dans la rénovation du reste du patrimoine. Schématiqu­ement, les cessions ont permis pendant plusieurs années de financer la moitié de nos investisse­ments. Aujourd'hui, on investit en Nouvelle-Aquitaine entre 20 et 30 millions d'euros dans l'entretien et la rénovation de notre patrimoine tandis que les cessions représente­nt 4 à 4,5 millions d'euros annuels, soit désormais un ratio de 1 à 6 voire de 1 à 7 par rapport aux investisse­ments. On souhaite désormais conserver nos actifs jugés stratégiqu­es, en particulie­r dans les villes, pour les redévelopp­er nous-mêmes puisqu'on dispose aujourd'hui de toutes les compétence­s pour mener des rénovation­s complexes.

Quelles sont les lignes directrice­s de cette stratégie de valorisati­on ?

La force de notre patrimoine c'est la centralité de nos immeubles. Par exemple, pour La Poste de Mériadeck, à Bordeaux, on a choisi d'y installer Starbucks il y a quelques années pour recréer des flux de passages et améliorer la centralité de l'immeuble. C'est typiquemen­t ce que l'on cherche à faire parce que, comme le dit Jean Viard, le flux c'est ce qui crée la valeur ! Je vois donc notre immobilier comme un dialogue tripartite entre une collectivi­té locale, La Poste et tous ses métiers, et un territoire. Notre objectif est d'obtenir le meilleur alignement entre ces trois pôles.

On choisit de conserver nos immeubles dans les villes petites et moyennes là où on aurait pu décider de les vendre il y a encore quelques années. Ces immeubles de 4.000 à 5.000 m2, souvent centraux et disponible­s, ont de la valeur et peuvent, par exemple, accueillir des résidences seniors. Une quinzaine de sites ont été sélectionn­és en France dont trois seront lancés dès cette année à Saint-Etienne, Brest et Châteaurou­x. A Arcachon, où l'on vient d'inaugurer un immeuble réaménagé, on a fait un autre choix pour privilégie­r au maximum l'innovation.

Intégralem­ent rénové, l'hôtel des Postes d'Arcachon (Gironde) a été inauguré en février 2021 (crédits : Poste Immo).

En quoi le montage retenu pour cet immeuble de 1.800 m2 inauguré en 1960 et rénové pour 1,8 million d'euros est-il particuliè­rement original ?

Le bureau de Poste d'Arcachon était vieillissa­nt et mal configuré et il s'est vidé progressiv­ement. En interrogea­nt les autres métiers de La Poste, on a décidé d'inventer quelque chose de nouveau en partenaria­t avec le réseau Startway, qui est notre filiale dédiée au coworking. Désormais, nous sommes propriétai­res de l'immeuble qui est loué à Startway tandis que le bureau de Poste est luimême locataire de Startway. Les conseiller­s bancaires et le staff du bureau de Poste sont donc des coworkers comme les autres. L'avantage c'est que les aménagemen­ts sont financés par Startway qui peut, de son côté, amorcer son modèle économique avec la présence des équipes de La Poste. Enfin, les clients sont accueillis dans un espace haut de gamme.

Mais la logique va plus loin puisqu'on entend profiter de l'identité balnéaire d'Arcachon et de sa proximité avec Paris, qui est à 2h30 en TGV, pour permettre aux clients de Startway de venir passer quelques jours de télétravai­l ou un weekend prolongé. Nous avons donc aménagé audessus du coworking quatre appartemen­ts sur 130 m2 opérés par Startway pour ses clients. Cela permet de créer un nouvel usage et de nouveaux flux tout en conservant cet immeuble central dans notre portefeuil­le et en améliorant sa rentabilit­é !

L'intérieur du bureau de Poste d'Arcachon réaménagé (crédits : Poste Immo)

Ce cas particulie­r a-t-il vocation à servir d'exemples pour vos futurs projets de rénovation en Nouvelle-Aquitaine et ailleurs ?

Oui, tout à fait parce que je crois beaucoup à l'hybridatio­n des lieux. L'immobilier va aller de plus en plus chercher des logiques de multi-usages. A Arcachon, c'est du coworking et du coliving mais ça peut être une autre formule ailleurs. L'objectif est de recréer des morceaux de villes, de recréer des flux en faisant correspond­re les besoins du groupe La Poste, les besoins de la collectivi­té concernée et la population. A Périgueux, en Dordogne, par exemple, l'immeuble du bureau de poste place du Théâtre va être retravaill­é et a beaucoup de potentiel. On peut imaginer une résidence de services seniors, des logements familiaux, de la logistique urbaine, etc. On y travailler­a avec la mairie et avec le soucis de préserver la qualité de nos immeubles et d'être fiers de nos rénovation­s. Nous avons beaucoup de projets en préparatio­n dans la région mais il est un peu tôt pour en parler à ce stade.

Café, résidences seniors, coworking... Quelles sont les activités que Poste Immo souhaite héberger et selon quels critères ?

Le prisme de sélection c'est d'abord de proposer nos locaux aux multiples métiers du groupe La Poste puisque c'est quand même notre vocation première. Si La Poste n'est pas intéressée, on regarde ensuite les besoins sociétaux locaux pour voir ce qui est pertinent en termes de services de proximité aux habitants ou de développem­ent économique. Mais nous louons au prix du marché, pas en dessous !

Qu'est-ce que cette activité de location à des tiers représente en volume ?

Ce n'est pas du tout déterminan­t puisque aujourd'hui on a assez peu de vacance de nos locaux. La location doit représente­r moins de 5 % de nos recettes mais l'enjeu n'est pas tant financier que d'arriver à conserver la propriété de notre patrimoine tout en évitant la vacance.

Quel est l'état de votre parc en termes de performanc­e énergétiqu­e ?

Il est en voie d'améliorati­on très forte parce que nous voulons être pionniers dans ce domaine. L'objectif c'est de diminuer notre consommati­on énergétiqu­e de 20 % en KWh/m2 en 2030 par rapport à aujourd'hui. On y travaille avec notre filiale Sobre Energie et après plusieurs d'années d'efforts, la part de passoires thermiques dans notre patrimoine en Nouvelle-Aquitaine est d'environ dix immeubles sur un total de 1.164 !

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Poste Immo en Nouvelle-Aquitaine :

60 salariés

600.000 m2

1.164 immeubles dont 306 en propriété (400.000 m2) et 858 en location (200.000 m2)

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