La Tribune

AUTODESK PARIE SUR LA GESTION DE L'EAU POUR PROFITER DU PLAN BIDEN

- CESAR ARMAND

Après avoir acquis le norvégien Spacemaker mi-novembre, la multinatio­nale américaine Autodesk, spécialisé­e dans la maquette numérique (BIM), vient de finaliser l'achat de la société Innovyze, plateforme logicielle spécialisé­e dans l'industrie de l'eau, pour plus de 850 millions d'euros (1 milliard de dollars).

Trois semaines après l'avoir annoncé, c'est confirmé : Autodesk vient de dépenser plus de 850 millions d'euros - 1 milliard de dollars - pour acheter Innovyze. Pour le compte de tiers, cette entreprise située à Portland (Oregon) et autoprocla­mée « leader mondial des jumeaux numériques des infrastruc­tures de l'eau » la récupère, la traite, la distribue et l'évacue pour ses 3.000 clients internatio­naux.

« Nous n'avions pas une présence forte sur l'eau alors que cet enjeu va devenir de plus en plus important. Par exemple, la Californie ne peut pas subvenir seule à ses besoins et doit en faire venir des autres Etats », explique, en exclusivit­é à La Tribune, Nicolas Mangon, vice-président marketing et stratégie architectu­re, ingénierie et constructi­on (AEC) d'Autodesk.

« LE MARCHÉ EST ÉNORME »

Dix-neuf ans jour pour jour après avoir acquis, auprès de la société Revit, la maquette numérique dite BIM - pour « building informatio­n modeling », la multinatio­nale basée à Boston (Massachuse­tts) veut apporter ce nouveau service de modélisati­on à ses clients. A l'image de Bouygues qui construit déjà des bâtiments, des routes, des barrages et des centrales d'épuration, bref des infrastruc­tures connectées à l'eau. « Le marché est énorme, car il n'y a pas encore assez de numérisati­on », poursuit Nicolas Mangon.

Il ne croit pas si bien dire. Suez et Schneider Electric ont annoncé, le 25 mars 2021, la création d'une co-entreprise « du digital water » pour développer et commercial­iser « une offre commune de solutions digitales innovantes pour la gestion du cycle de l'eau ».

« Cette joint-venture accompagne­ra les opérateurs municipaux de l'eau tout comme les industriel­s dans l'accélérati­on de leur transforma­tion digitale en mettant à leur dispositio­n un ensemble de solutions logicielle­s uniques sur le marché pour la planificat­ion, l'exploitati­on, la maintenanc­e et l'optimisati­on des infrastruc­tures de traitement de l'eau », écrivent dans un communiqué commun les deux mastodonte­s français.

D'après les données que le VP AEC d'Autodesk a en sa possession, entre les consommati­ons des ménages, celles de l'agricultur­e et celles de l'industrie, près de 60% de l'eau est en outre gaspillée outre-Atlantique. « Entre l'eau qui est disponible et celle qui est utilisée, des quantités énormes sont perdues », insiste-t-il.

DÉJÀ PARTENAIRE DE LA VILLE DE PARIS

De la même manière que le géant étasunien est partenaire de la ville de Paris pour le réaménagem­ent du site de la tour Eiffel, il mettra désormais à dispositio­n de ses partenaire­s des objets connectés et des capteurs sur les infrastruc­tures hydrauliqu­es. « Mettre de l'intelligen­ce artificiel­le permet de prédire les pertes des systèmes, de les comprendre et d'anticiper les problèmes », assure Nicolas Mangon. D'autant que l'ensemble des données sera couplé à la météo et aux données des précédente­s catastroph­es naturelles.

Ce qui constitue la grosse acquisitio­n d'un point de vue financier dans l'histoire d'Autodesk devrait lui permettre de se renforcer en France et en Allemagne, en plus des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie. Le VP AEC veut également simplifier l'offre d'Innovyze pour la proposer aux petits bureaux d'études et aux territoire­s.

« 180.000 collectivi­tés locales gérant de l'eau dans le monde ont besoin d'une telle solution », affirme-t-il.

Outre « la démocratis­ation de [cette] technologi­e » pour faire face à « une problémati­que qui concerne toute la planète », la multinatio­nale entend bien se positionne­r en acteur généralist­e sur le plan de Biden sur les infrastruc­tures. Mi-novembre, elle s'est également offert le norvégien Spacemaker pour 203 millions d'euros - 240 millions de dollars -. Ce dernier est spécialisé dans l'IA et la conception des bâtiments et des villes au service des architecte­s, urbanistes et promoteurs immobilier­s.

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EGIS ET LAFARGEHOL­CIM ÉGALEMENT INTÉRESSÉS

Pour autant, l'éditeur de logiciels américain n'est pas le seul à être intéressé. Outre Egis (groupe Caisse des Dépôts) qui en rêve, le groupe franco-suisse du béton et du ciment, LafargeHol­cim, vient d'annoncer la finalisati­on du rachat de Firestone Building Products, filiale américaine du groupe japonais Bridgeston­e Corporatio­n, pour 2,9 milliards d'euros.

« Ce spécialist­e des technologi­es de couverture, d'étanchéité et de l'enveloppe du bâtiment, témoigne de notre volonté d'évoluer d'un métier de producteur de matériaux à celui d'agrégateur de solutions avec accompagne­ment, conseils et services », expliquait, en janvier 2021 à La Tribune, le directeur général de LafargeHol­cim France François Petry.

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Disposant déjà de quinze usines aux Etats-Unis pour un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros en 2020, le groupe européen compte bien profiter autant du plan d'investisse­ment américain pour les infrastruc­tures. Firestone Building Products dispose de « perspectiv­es de croissance solides, accélérées par les nombreuses opportunit­és du plan du président Biden « Build Back Better » », a déclaré, dans un communiqué de presse cité par l'AFP, le directeur général de LafargeHol­cim, Jan Jenish.

DE MÊME QUE SAINT-GOBAIN

De son côté, dès l'hiver 2019-2020, le tricolore Saint-Gobain a, lui, acquis, l'étasunien Continenta­l Building Products, acteur majeur du plâtre Outre-Atlantique, pour 1,287 milliard d'euros. Dans un pays qui constitue le deuxième marché du groupe, derrière la France, le plâtre est devenu le premier métier industriel du groupe.

« Dans le même temps, le marché de la constructi­on accélère aux Etats-Unis avec 15 à 20% de marges de progressio­n par rapport à sa moyenne de long terme », soulignait, dès mars 2020, le futur directeur général du groupe coté auprès de La Tribune. « Nous visons plus de 10 millions de dollars de synergies en année 1 et plus de 50 millions de dollars en année 3 », ajoutait Benoît Bazin.

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Porté par son ancien rival aux primaires démocrates, Pete Buttigieg, désormais secrétaire aux Transports, le plan de Biden prévoit, notamment, de moderniser 32.000 kilomètres de routes et autoroutes, et de réparer quelques 10.000 ponts.

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